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En 2001, la Pléiade propose à Claude Simon de publier un volume de ses oeuvres. Simon en établit lui-même le sommaire : du Vent (1957) au Jardin des Plantes (1997), huit livres, quarante ans de création. Puis, jusqu'à sa mort en 2005, il aide à la préparation du volume, qui paraît en 2006.
Après la disparition de Simon, son oeuvre ne connaît pas de purgatoire. Sa présence, au contraire, s'affirme. Des romanciers qui n'étaient pas nés à «l'ère du soupçon» la lisent et la citent. On la traduit partout. À l'heure où le «nouveau roman» n'émet plus, Simon est un écrivain vivant. C'est ce dont la Pléiade prend acte, peu après la sortie du volume de 2006, en préparant une «suite» - qui n'en est pas une : ce tome II rassemble les oeuvres que Simon n'a pas retenues en 2001. À en examiner le sommaire, on saisit que ce second wagon n'a rien d'un wagon de seconde classe. Mais où chercher l'unité d'un tel ensemble?
Simon ne s'est pas expliqué publiquement sur ses choix de 2001. Pour autant, il n'est pas interdit de remarquer que, si des romans «à base de vécu» (pour ne pas dire «autobiographiques») étaient présents dans sa sélection, ceux qui étaient le plus visiblement fondés sur un matériau familial avaient été écartés. La famille évoquée dans L'Herbe ressemble à celle des Simon. Histoire fait revivre des personnages proches des parents de l'auteur. Les Géorgiques enchevêtre la vie de L.S.M., conventionnel et général d'Empire dont les initiales sont celles d'un trisaïeul de Simon, à des épisodes vécus par un volontaire étranger dans l'Espagne de 1936 et par un cavalier français de 1940. Dans L'Acacia, un père meurt en 1914, comme celui de Simon, et un fils survit à la débâcle de 1940, comme Simon lui-même. Et Le Tramway, où se rejoignent enfance et vieillesse, traverse une ville anonyme semblable à celle où l'écrivain a passé ses premières années.
La matière familiale irrigue donc tout le volume. Mais il y a plus. Peu à peu, Simon renonce partiellement à «inventer» personnages et épisodes. Il fait des recherches, exploite des archives. La fiction progressivement s'efface. Des critiques trop pressés vont d'ailleurs s'y tromper et qualifier d'«autobiographies» ces romans véritables, au grand dam de l'auteur. Car ce qui est prodigieux chez Claude Simon, et ce dont les livres ici rassemblés témoignent mieux que d'autres, c'est qu'il abandonne la fiction sans renoncer au romanesque. «Montrer un homme dans toute la vérité de sa nature» n'est pas son affaire. «Ces éléments biographiques sont des prétextes, disait-il. Le texte est autre chose.» Parallèle au nôtre sans jamais se confondre avec lui, à la fois fragmentaire et cohérent, le monde qu'il crée «à base de vécu» a sa vérité propre. Comme celui de Balzac.
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