"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
C'est l'histoire d'une doublure et d'un Pygmalion, d'une rebelle et d'un homme ficelé par les conventions. La folle rencontre entre une jeune comédienne irlandaise catholique et un grand dramaturge protestant et bourgeois. Il s'appelait John Millington Synge (1871-1909), auteur du Baladin du monde occidental, elle se nommait Molly Allgood, vaguement connue sous le nom de scène de Maire O'Neill. Joseph O'Connor ressuscite leur passion dans un roman qui prend ses distances avec la réalité pour en tirer une vérité plus grave, une biographie d'une infinie violence. Au début du livre, en 1952, Molly est une vieille femme indigente, ivre de mauvais alcool. Dans sa main, elle tient la dernière lettre de John, celle qu'elle ne voulait pas vendre et finira par donner. O'Connor remonte alors le temps, entre Dublin et Londres : la rencontre de deux êtres que tout oppose, leurs rendez-vous dans des lieux discrets, les promesses impossibles à tenir et la mort du dramaturge, rongé par un cancer, à 38 ans.
Dans les brumes londoniennes, Molly semble à présent se noyer, marche lentement vers la mort, et des voix différentes décryptent son histoire d'amour trahi par les conventions quand elle était son « enchanteresse » et lui son « très cher vagabond ». Muse est tour à tour un poème épique, un échange de correspondance, un roman d'amour impossible. En choisissant une temporalité théâtrale - une journée dans la vie de la vieille Molly Allgood -, O'Connor y ajoute la puissance de la tragédie qui s'achève sur la mort prématurée de l'un, la déchéance de l'autre.
Réalité et fiction font ressusciter la vie de la célèbre actrice irlandaise Maire O’Neill de son vrai nom Molly Allgood. « Une star noyée dans l’oubli ».
De son enfance placée chez un marchand de tissu où elle apprend la couture à la fin tragique de ses jours, l’auteur retrace tout le parcours de sa vie et de sa carrière d’artiste.
L’imagination de Joseph O’Connor lui accorde un monologue inventé nourrissant tout particulièrement sa relation amoureuse passionnée avec le dramaturge John Synge.
Le texte est poignant et servi par une plume d’exception. C’est talentueux.
Elle était sa muse, il fut son Pygmalion. Elle, c’est Molly Algood, une comédienne irlandaise débutante de 17ans, catholique, orpheline issue d’une famille très modeste . Lui, c’est John Synge, le célèbre dramaturge, de 20ans son aîné, né d’une famille respectable de propriétaires protestants qui lui donna en 1907 « le rôle qui fit d’elle une légende », celui de Pegeen dans Le baladin du monde occidental. Leur liaison clandestine, jugée inconvenante, fit scandale. Celle qu’on disait muse ou inspiratrice du dramaturge mais qui se disait « la servante des textes de Synge »devint alors pour « les beaux esprits de l’intelligentsia dublinoise », « l’indigène de Johnny Synge , sa « putain » . Leur liaison ne dura que quelques années, se délita , ils rompirent peu de temps avant la mort de Synge à 37ans, mais elle était lancée et devint célèbre outre-atlantique .
Lorsque commence le roman, en 1952, Molly n’est plus qu’une misérable soiffarde de 65 ans, une comédienne déchue qui court après un dernier rôle et de quoi s’offrir une dernière bouteille . La mort n’est pas loin. O’Connor raconte les derniers jours de celle que Synge appelait « mon enchanteresse » et à qui le dernier directeur de théâtre sollicité donne 10 dollars pour qu’elle débarrasse le plancher. Son esprit perturbé confond les visages. Tout se bouscule dans sa tête: le médiocre présent, les moments de gloire et de célébrité.
Une biographie, semble-t-il …... Et pourtant, non : un roman comme l’indique la page de garde et comme le précise O’ Connor à la fin de l’ouvrage « Muse est une œuvre de fiction qui prend souvent d’immenses libertés avec la réalité. Les expériences et la personnalité des vrais Molly et Synge différent de celle de mes personnages d’innombrables manières . …..La situation de Molly à la fin de sa vie, bien que difficile, ne fut jamais telle qu’elle est décrite ici. La plupart des faits de ce livre ne se sont jamais produits . ….aussi ai-je demandé à ces nobles fantômes de la littérature de me pardonner de ne pas avoir changé leur nom »
Un roman, donc, dans lequel l’auteur s’adresse toujours à Molly à la deuxième personne, comme s’il établissait avec elle une sorte de complicité ou lui rendait hommage.
Toutefois ce « Tu » récurrent est parfois aussi celui par lequel , dans son délire, Molly s’adresse à celle qu’elle fut autrefois, dans sa vie de gloire antérieure « tu as compris , dans l’un de ces moments de fulgurante et brève clarté qui ponctuent une gueule de bois, que la jeune femme que tu imagines, c’est toi »
Changements de destinataire, ellipses dans le récit, absence de chronologie , monde fantasmé ….le lecteur peut par moments se sentir dérouté par ce roman qui défie l’espace et le temps , mais il faut se laisser entraîner par le souffle de son écriture variée, qui sait aussi bien traduire le charme du langage suranné des gens bien nés dans les parties dialoguées où interviennent Synge, sa mère ou le poète et dramaturge Yeats que le bonheur simple de la vie rustique du couple que forment Molly et Synge .
O’Connor transporte aussi son lecteur dans les coulisses de la vie théâtrale, l’entraînant dans les répétitions , les tournées , ne cachant rien des rivalités entre les comédiens ou du regard de certains dramaturges pour les acteurs considérés comme « une bande de pourceaux à qui on jette de la confiture ». On découvre le scandale que provoqua la célèbre pièce : Le baladin du monde occidental , un pièce jugée « Vile et ignominieuse. Une disgrâce pour la femme irlandaise. Une calomnie contre les paysans. …une insulte à l’innocence d’un peuple »
Splendeur et misère d’une comédienne , MUSE est un roman superbe . Le titre anglais GHOST LIGHT me paraît toutefois mieux adapté à ce voyage intérieur parmi les fantômes d’un monde enfui que MUSE qui semble le réduire à sa dimension biographique .
Je dois malheureusement avouer que je ressors très déçue de cette lecture.
Je suis restée pour beaucoup hermétique à cette évocation romancée d'un épisode de la ( courte ) existence d'un grand homme, et je pense que c'est dû en premier lieu à la forme du récit. L'auteur a en effet choisi de faire se dérouler l'action sur 24 heures. Une seule journée de la vie de Molly Allgood, femme âgée sans le sou vivant recluse dans une petite chambre sans confort, actrice en fin de carrière dont l'alcool est la seule compagnie.
On la suit donc depuis son réveil jusqu'à son retour d'une performance radiophonique dans les studios de la BBC. Ça n'aurait posé aucun soucis si cette particularité temporelle avait été la seule originalité du roman mais ce n'est pas le cas. La narration de ce seul jour est en fait émaillée de multiples souvenirs, livrés de façon confuse, souvent sans aucune démarcation au niveau du texte – ni alinéa, ni paragraphe, ni saut de ligne-, qui projettent le lecteur du présent au passé sans aucune transition.
S'ajoute à ça le fait que le récit est tantôt conduit à la première personne, tantôt à la deuxième, tantôt à la troisième.
Personnellement j'ai manqué de repères et, c'est bête, mais ce peu de structure m'a perdue.
L'essentiel du roman est composé de longs passages narratifs, pour beaucoup descriptifs et introspectifs. Une bonne part du texte correspond en effet à ce que, en ce qui me concerne, j'ai pris pour un long dialogue de l'héroïne avec elle-même. Elle use du « tu » pour commenter sa situation, présente ou passée, et livre au lecteur ses pensées les plus intimes, sans aucune retenue. Au fur et à mesure de ce discours intérieur on en apprend donc un peu plus sur celle qui, alors qu'elle était une toute jeune femme, a croisé la route de John Synge, William Yeats et Lady Gregory sur les planches de l'Abbey Theater de Dublin.
Soeur de la célèbre Sara Allgood, qui a fait carrière à Hollywood ( et a notamment tourné pour Alfred Hitchcock ), Molly – Maire de son vrai prénom – a grandi sans père dans une famille modeste. de caractère affirmé, elle n'a jamais pris au sérieux les incessantes mises en garde de sa mère et a plongé la tête la première dans la vie, son métier d'artiste et, bien sûr, sa relation avec John Synge. Par bien des aspects scandaleuse aux yeux des gens ( l'écart d'âge entre autres ), cette histoire d'amour a été au centre de son existence et a continué à occuper ses pensées jusque bien après la mort de celui dont elle a été la fiancée, l'amie et la muse mais, finalement, jamais l'épouse.
Mais de cet épisode amoureux nous n'avons finalement que quelques bribes, dont certaines purement fictives ( comme le précise l'auteur dans l'épilogue ), issues des souvenirs d'une Molly qui vit, en ce début des années 50, comme une marginale. Seule dans son réduit, sans argent, usant de l'alcool comme moyen de subsistance et compagnon des plus sombres instants, maintenue à distance de sa fille et de ses petits enfants par l'éloignement géographique et le manque d'enthousiasme à son encontre d'un gendre peu avenant, chaque jour est pour elle une lutte. Perçue par son voisinage comme une vieille folle encombrante, personne ne semble savoir qui elle est et, surtout, a été, et de qui elle a partagé la vie durant quelques années.
Le récit est donc en majorité assez sombre, et il tient plus des élucubrations décousues d'une femme que la vie n'a pas épargnée – et qui n'a plus vraiment toute sa tête – que du roman d'amour.
De Synge on apprend finalement peu de choses. Joseph O'Connor évoque un homme passionné par son pays, dont il ne cesse de parcourir les paysages, accro à son travail d'écriture, vivant une relation fusionnelle et castratrice avec sa mère, et, malgré tout, assez frileux dans sa relation avec Molly.
L'épilogue remet les choses à leur place. L'auteur y explique effectivement que « Muse » est très largement romancé, que ce n'est rien d'autre qu'une vision très personnelle de ce qu'ont pu être la relation entre John et Molly et les dernières années de celle-ci. Ayant grandi tout près de la maison que le dramaturge a longtemps occupée avec sa mère, il a grandi bercé par les anecdotes des uns et des autres et s'est inventé ses propres personnages, sans tenir compte de la véracité historique des faits.
Et, pour ma part, c'est justement cet aspect très « privé » du récit qui a fait que je n'ai pas pu me l'approprier. Je suis malheureusement restée extérieure à l'histoire, je ne me suis à aucun moment sentie proche des personnages et j'ai finalement regretté que tout soit si largement romancé, interprété et imaginé. J'aurais aimé quelque chose de plus concret, de plus biographique. J'ai aussi eu beaucoup de mal avec le style de John O'Connor dans ce livre, je l'ai trouvé trop brut et il ne m'a pas touchée.
Ce fut donc une assez désagréable expérience mais ce roman m'a donné envie d'en apprendre plus sur John Synge, dont le livre « Les îles Aran » est dans ma wishlist depuis un bon moment déjà, et sur Molly Allgood.
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