"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
14 septembre 1787 : au nord-ouest de Vienne, une voiture
peinte en jaune foncé, attelée de chevaux de poste, franchit les montagnes de
Moravie, partie orientale de l'actuelle République tchèque. Il fait chaud pour
la saison. Dans le carrosse, Mozart, en manches de chemises, discute avec
Constance, sa femme. Les deux voyageurs se rendent à Prague, « la ville dorée »,
où doit être créé Don Giovanni (Don Juan), le nouvel opéra du maître viennois.
Recru de dettes et de fatigue, Mozart, grisé par le voyage, renverse un flacon
de parfum, déplore la fuite du temps, s'extasie sur une forêt de sapins. Entre
deux soupirs, le forçat des partitions change de tempo, se délasse : adagio. À
la faveur d'une étape, il flâne dans un parc, y cueille une orange. Il ne
devrait pas. Le parc est privé. L'orange et l'oranger sont un cadeau de
fiançailles. La colère du maître des lieux, un comte plus aimable que la statue
du Commandeur qui entraîne Don Juan aux enfers, se change en joie quand il
apprend l'identité de son génial voleur. Il accueille Mozart et Constance dans
son château. Une fête s'improvise. Eduard Morike (1804-1875) nous y invite. Il
conte merveilleusement cette folle journée pleine de rires et de chants. Mozart
en voyage à Prague (1856), considéré comme son chef-d'oeuvre, met en scène un
artiste hors normes talonné par le temps. Léger et grave, mélancolique et
joyeux, c'est beau comme du Mozart.
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