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Carmen Niccoli rêve sa vie en Technicolor. C'est même une évidence : sa vie se fera ailleurs qu'à Billom. Les gondoles, la piazza San Marco, le faste des palazzi, le café Florian et son Tiramisù, les robes de Monica Daniele et l'étourdissant carnaval n'attendent qu'elle à Venise pour rependre le rôle de la comtesse Livia dans Senso, le film de Visconti. Oui mais voilà, le destin a parfois besoin d'être aidé pour arriver à ses fins.
Drôle et enlevée, cette nouvelle perle de Pauline Louis s'inscrit dans la veine du Nid, paru quelques mois plus tôt dans la même collection.
Fille unique et choyée d'un clerc de notaire et d'une couturière, Carmen tenait de son père le sens des réalités et de sa mère une élégance alors réservée aux femmes de la capitale. La distinction de Carmen, son maintien si gracieux émerveillaient quiconque posait les yeux sur elle. De fait, ellemême, par une forme d'hystérie propre aux jeunes filles, était persuadée que sa condition de fille née à Billom, petite ville à la périphérie de Clermont- Ferrand, de l'union d'un gratte-papier et d'une cousette, ne pouvait qu'être une épouvantable erreur, mais en aucun cas une fatalité. Elle en avait la certitude : une autre vie, quelque part, l'attendait.
Elle s'installa définitivement dans cette certitude quand, le 3 mars 1956, elle assista avec sa mère, au Royal de Clermont-Ferrand, à la projection du film de Luchino Visconti, Senso.
Attention! Ne pas confondre cette nouvelle de Pauline Louis, parue dans la collection 36e Deux Sous des éditions Lunatique avec celle de Thomas Mann ou sa magnifique adaptation cinématographique de Visconti. Ici l'adjectif s'orthographie au féminin : Morte à Venise.
Et celle qui meurt, doucement, sans faire de bruit, donnant l'impression d'être ailleurs (encore? déjà?), c'est Carmen Niccoli. Arrivée une nouvelle fois dans la Sérénissime, à l'occasion du voyage organisé pour les séniors de sa ville.
Sans qu'elle sache vraiment pourquoi, Carmen a toujours aimé Venise. Peut-être à cause de la comtesse Livia dans cet autre film de Visconti "Senso" vu l'année de ses 16 ans? Sûrement. Toujours est-il qu'elle a dédié sa vie à la Sérénissime. Avec raison? C'est ce qu'elle va envisager à l'heure de cet ultime séjour.
Que de poésie dans ce court texte de Pauline Louis, que d'émotions, de sensualité, de volupté, de rêve et de lucidité aussi. En termes cinématographiques, on parlerait de "retour sur images". Ici, la nouvelliste nous invite à poser les yeux sur une existence d'apparence ordinaire et ô combien extraordinaire.
Sans en dire trop, retenez que cette nouvelle est portée par une écriture d'une grande élégance, délicate, légèrement surannée et nous propose un émouvant hommage à la capitale de la Vénétie, ses canaux, ses palais, son café Florian...
Une véritable merveille.
Je vous conseille cette pépite, une petite merveille de sensibilité et de poésie en 22 pages. Le sujet est grave : peut-on rêver sa vie ? La réponse est cruelle. Souvent ! J'ai regretté que le texte ne soit pas plus long, j'aurais volontiers continué mon chemin avec Pauline Louis dans les ruelles étroites de Venise.
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