"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Brun va mourir. Il laissera bientôt ses terres à son fils Mo. Mais avant de disparaître, pour éviter la faillite et gommer son image de pollueur, il décide de couvrir ses champs de gigantesques éoliennes. Mo, lui, aime la lenteur des jours, la quiétude des herbages, les horizons préservés. Quand le chantier démarre, un déluge de ferraille et de béton s'abat sur sa ferme. Mo ne supporte pas cette invasion qui défigure les paysages et bouleverse les équilibres entre les hommes, les bêtes et la nature. Dans un Jura rude et majestueux se noue le destin d'une longue lignée de paysans. Aux illusions de la modernité, Mo oppose sa quête d'enracinement. Et l'espoir d'un avenir à visage humain.Avec Mohican, Éric Fottorino mobilise toute la puissance du roman pour brosser le tableau d'un monde qui ne veut pas mourir.
Aux Soulaillans, une ferme jurassienne, Brun Danthôme apprend qu'il est atteint d'une leucémie. Inquiet pour l'avenir de ses terres, il accepte que trois immenses éoliennes y soient implantées. Le chantier défigure les paysages, bouleverse la faune et la flore et transforme la terre nourricière en une sorte de tableau infernal.
Affaibli par la maladie, le vieux paysan tente d'échapper à cette vision de béton et de bitume en lui substituant les souvenirs de son enfance et de sa jeunesse. Mo, son fils, a choisi des méthodes de culture et d'élevage davantage respectueuses des cycles naturels, mais le même profond enracinement dans ce terroir les relie tous deux alors qu'ils ne sont jamais parvenus à exprimer leur attachement mutuel. Cependant la mort qui approche rebat les cartes et libère enfin les mots trop longtemps retenus.
En revisitant le passé, c'est l'évolution du monde paysan que Brun et Mo mettent en évidence. Toute une lignée de femmes et d'hommes courbés sur une terre imprégnée de leur sueur, modelée par leurs bras et les outils qu'ils se sont donnés, une terre à la fois complice alliée et ennemie, parfois, lorsque les aléas du temps la rendent improductive. C'est l'apparition de la culture intensive, de l'expansion des champs, de la motorisation, des herbicides, des engrais, de la nécessité de produire toujours plus et plus vite, jusqu'à épuiser la terre, jusqu'à l'empoisonner. Et Brun comprend que la maladie qui le tue n'est probablement pas l'effet du hasard... Mohican, n'est-ce pas aussi la marque d'un herbicide réputé toxique ?
Les éoliennes se dressent et alors que Brun s'efface peu à peu, Mo assiste à l'implantation de ces carcasses de fer et de béton qui métamorphosent la campagne à laquelle il est relié de toutes ses fibres physiques, mentales et généalogiques. Mo sera-t-il le dernier des Mohicans, celui qui est en voie de disparition et qui lutte pour échapper à ce destin ?
Quel grand et magnifique roman ! Eric Fottorino sait nous faire ressentir le lien immuable qui unit le paysan à la terre. Au fil d'une écriture sensorielle pour exprimer la nature, élégiaque pour évoquer la disparition d'un mode de vie et de travail, brutale pour décrire l'irruption violente des éoliennes, le récit se construit comme une tragédie en marche. Le temps se distend et s'écartèle pour englober dans une même perspective tous les bouleversements du monde paysan depuis un siècle. Mais loin d'être une analyse froide et objective, l'histoire s'incarne dans des personnages forts, faillibles, ancrés dans un territoire intime qui les rend d'autant plus vivants et attachants. J'ai vraiment beaucoup aimé ce roman qui, finalement, en évoquant la mort ne parle que de vie.
Ce livre m’a été chaudement recommandé par une amie, ancienne agricultrice, il attendait sur ma pile à lire.
La colère du monde agricole de ces dernières semaines m’a amenée à tenter de comprendre mieux les enjeux actuels ; je me suis alors plongée dans le destin d’une lignée de paysans jurassiens.
Comment le père, Brun, sa sachant condamné et pour éviter la faillite à son fils Mo, décide de sacrifier une partie de ses terres pour implanter de gigantesques éoliennes.
Deux visions de l’agriculture : une vie de labeur et de sacrifice pour Brun, esclave de l’agriculture intensive dont la santé se dégrade fortement en raison de l’utilisation de pesticides. Un avenir tourné vers une agriculture raisonnée pour le fils. Une sourde incompréhension entre les deux avec les éoliennes de la discorde au milieu. Un dialogue de sourds qui va entraîner la radicalisation du fils.
Le récit ne se contente pas de narrer ces deux visions du monde agricole, il prend peu à peu une autre tournure, tragique et inattendue à la toute fin du livre : une profonde réflexion sur la terre, l’attachement à cette terre remontant à ses origines très lointaines.
Un coup de cœur que ce très beau roman avec pour décor un Jura majestueux.
Quel beau roman que ce Mohican ! Eric Fottorino montre le monde paysan tel qu'il fut et tel qu'il devrait redevenir. A travers les différentes générations, il fait vivre l'évolution constante jusqu'à la folie de la surproduction et le nécessaire retour à des pratiques plus saines. Ce fut d'abord Léonce qui travailla la terre avec des chevaux, puis Brun qui céda aux sirènes de la mécanisation, puis, sous l'insistance nationale, déboisa et investit dans des produits censés aider à la production. "Sa croyance aveugle dans le progrès l'avait exposé plus d'une fois au danger. Dans sa tournure d'esprit, il s'était dit qu'en se camouflant sous mille protections il éveillerait la suspicion des gens. S'il s'habillait en martien, c'était bien qu'il polluait la terre, non ?" (p.36) Puis c'est maintenant Mo qui veut garder la terre saine et en vivre.
Eric Fottorino a été journaliste spécialisé dans le monde agricole, et ça se sent. Il aime les hommes qui travaillent la terre et qui ont, depuis des années, perdu leurs repères, sollicités, dragués par l'industrie chimique. "Comprends ceci, Mo. Sans la chimie, sans nos machines, jamais on n'aurait fait de notre pays une puissance agricole. C'est bien beau à présent de rêver écologie, petites fleurs et légumes bio. Mais si on était partis dans cette direction après la guerre, crois-moi, il y a longtemps qu'on aurait tous crevé de faim." (p.138)
Brun et Mo sont des taiseux, mais la maladie du premier les rapproche et chacun parle de sa vision du travail, de leurs terres, des animaux. Ces pages-là sont magnifiques, l'auteur décrit les paysages, la faune et la flore et l'on y est. C'est très beau, peut-être idéalisé, mais on y croit et l'on comprend que Mo veuille garder intact le domaine de Soulaillans. C'est un texte qui touche, qui émeut sans user de grosses ficelles. L'écriture est superbe, elle se fait très terre-à-terre par moments, plus lyrique dans certaines descriptions de lieux. Je me suis régalé de bout en bout, j'ai pris mon temps pour rester un peu aux Soulaillans.
Brun a voué toute sa vie à l’exploitation de ses terres du piémont jurassien. Désormais malade et proche de la mort, lui qui s’est toujours enorgueilli de sa modernité, a l’idée d’y faire implanter des éoliennes pour sauver son exploitation de la faillite et la transmettre à son fils Mo. Celui-ci se retrouve confronté à un chantier titanesque, en passe de défigurer les paysages qu’il aime tant et de détruire le fragile équilibre naturel de ces lieux.
A travers Brun, c’est un siècle de paysannerie française qui défile sous nos yeux : un siècle qui a soudain métamorphosé notre ancestrale relation à la terre, dans une course au progrès et au rendement destinée à accompagner la croissance économique et démographique. Remembrement, mécanisation, usage intensif des produits phytosanitaires : l’optimisation des rendements et les efforts pour s‘affranchir d’une partie des aléas naturels ont ouvert des perspectives inédites pour l’alimentation du monde. Mais, pour tous les Brun entraînés dans une perpétuelle course en avant, bientôt pris en ciseaux entre le gouffre sans fond de leur endettement et l’interminable chute des cours mondialisés, c’est un progressif étranglement qui, lentement mais sûrement, a clairsemé leurs rangs, semant au passage son lot de suicides et de drames. Pour se maintenir à flot, Brun et ses semblables ont dû rompre le pacte millénaire de l’homme avec la terre, le végétal et l’animal, avant de tardivement s’apercevoir que leurs pratiques d’apprentis sorciers ont fini par bouleverser de complexes équilibres.
L’écriture tout en finesse et en délicatesse teinte d’une poignante mélancolie la mémoire d’un vieil homme parvenu au bout de ses désillusions après avoir tant cru au progrès. Dans un Jura âpre et magnifique qui vaut au récit de somptueux passages, cette vie qui s’achève sans rien vouloir céder, dans un ultime baroud d’honneur tendu vers la transmission au fils unique, prend des accents de vérité dans les moindres détails de la narration. Et c’est avec une tendresse toute révérencielle que l’on assiste au passage de relais entre le père, déclinant mais lucide, et le fils qui s’astreint à ravaler sa rébellion par affection. Malgré leurs divergences de vue, les deux hommes ont en commun les morts qui leur sont chers et un attachement viscéral à une lignée et à une terre qui ne font plus qu’une. Alors, à travers Mo et grâce à la conscience de son enracinement, peut-être l’histoire poursuivra-t-elle son cours, vers un avenir plus sage et plus humain.
Ses peintures majestueuses du Jura, ses personnages d’une parfaite authenticité et sa justesse de réflexion entre désillusion et espoir font de ce roman à l’écriture ciselée un moment de lecture aussi magnifique que poignant, en même temps qu'un vibrant hommage à nos racines paysannes.
coup de coeur ! ce roman est un véritable hymne à la nature! Nature sans laquelle l’homme est bien peu de chose. C’est également un rappel de la fonction essentielle du paysan qui a à charge de nous nourrir et en a été bien mal récompensé depuis des années par des obligations de rendements ahurissants poussant l’agriculteur à perdre son âme et sa santé … De plus un sujet actuel est évoqué à savoir le traquenard des éoliennes … Je n’en dirai pas plus … ce roman est lumineux et nous remet sur le droit chemin , l’écriture est un ravissement et les personnages nous touchent profondément car nous avons tous une part de responsabilité dans cette berezina
Sauvons la nature et sauvons les hommes qui en prennent soin ! Merci Monsieur Fottorino pour ce livre
Un famille d’agriculteurs du jura sur trois générations, du certificat d’étude de Léonce obtenu en 1913, à Mo écologiste pur jus, en passant par Brun qui vit la transition et l’avènement de l’agriculture productiviste industrielle, nous est contée dans ce roman.
Au travers de cette famille, c’est l’évolution du monde agricole au vingtième siècle que nous suivons.
Regroupement des parcelles cultivées, agrandissement de la taille des exploitations, apparition de la mécanisation et des intrants chimiques censés accroître les rendements, artificialisation des sols agricoles, prise de conscience des dégâts des pratiques modernes.
Brun, ayant utilisé sans précaution ni modération de produits chimiques meure d’une leucémie, son fils Mo prend conscience de ces dangers et oriente sa pratique vers une agriculture plus écologique et respectueuse de l’environnement.
Avant de mourir, Brun cède à la pression qu’on exerce sur lui et accepte l’implantation d’éoliennes sur ses terres avec des conséquences prévisibles et d’autres moins (comportement bizarre des animaux à proximité et morts inexpliquées)
Toute ce récit exalte le travail, la pugnacité, l’isolement de plus en plus grand des agriculteurs dans une nature sublimée par les descriptions poétiques et les déclarations d’amour de l’auteur.
Belle réflexion sur les impacts et les enjeux de la modernité sur la nature et la vie des hommes.
Au lieu-dit Les Soulaillans, Brun Danthôme (soixante-seize ans) n’a pas pour habitude de s’écouter. Comme la majorité des paysans. Pourtant, il aurait peut-être dû, vu que le Docteur Caussimon vient de lui « balancer » les résultats de ses analyses : leucémie ! Conséquences malheureuses des pesticides utilisés depuis des décennies !…
(Et si sa femme avait succombé à son cancer du sein pour la même raison, quinze ans plus tôt ?…) C’est un point de discorde avec son fils Mo qui est un écolo pur et dur et refuse tout produit chimique (fatalement toxique !) sur ses propres cultures … Pour le projet des éoliennes, là non plus, ils ne sont pas du tout sur la même longueur d’onde ! Ce qui – paradoxalement – n’empêche nullement l’amour d’être omniprésent entre le père et le fils.
Éric Fottorino nous livre une jolie histoire de terroir, insistant sur la dure réalité d’une vie paysanne souvent pénible, qui parfois vire au désespoir, jusqu’à faire commettre des actes extrêmes à certains. L’amour de la terre, de la nature et de son semblable également – même si nombre d’entre eux ne savent pas bien l’exprimer … Bon, ok, la fin est moyennement crédible, mais pourquoi pas ?… Lu pour le prix FNAC 2021, un très agréable moment de lecture qui fait du bien à l’âme !
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