"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Rien ne prédestinait cette fille d'un soldat de la Wehrmacht et ce fils d'un Juif roumain mort à Auschwitz à devenir le couple mythique de « chasseurs de nazis » que l'on connaît. Leur histoire commence par un coup de foudre sur un quai du métro parisien. Très vite, avec le soutien de Serge, Beate livre en Allemagne un combat acharné contre d'anciens nazis. Puis leur lutte les conduit aux quatre coins du monde. En France, ils traînent Klaus Barbie devant les tribunaux et joue un rôle central dans les procès Bousquet, Touvier, Leguay et Papon. Ni les menaces ni les arrestations ne parviennent à faire ployer un engagement sans cesse renouvelé.
Dans cette autobiographie croisée, Beate et Serge Klarsfeld reviennent sur quarante-cinq années de militantisme, poursuivant par ce geste leur combat pour la mémoire des victimes de la Shoah.
Un document pour l'Histoire. Une pièce capitale dans le dossier brûlant de la construction d'une mémoire. François Busnel, L'Express.
Dans ce livre nous découvrons l'incroyable combat d'une allemande qui aux côtés de son mari juif se bat pour poursuivre les responsables nazis de l'holocauste
Après tant d’années de luttes, de brimades, d’incompréhension mais aussi de victoires contre l’oubli, Beate et Serge Klarsfeld ont raconté cette vie, loin d’être finie, dans un livre qu’il faut absolument lire d’abord pour ne pas laisser oublier tant de malheurs, tant de meurtrissures irréparables, ensuite pour que de tels cauchemars ne se reproduisent plus alors que tout pousse à le craindre.
Le récit est rythmé, alternant entre Beate et Serge, chacun dans son rôle mais tellement complémentaires. Fille de Kurt, fantassin dans l’armée allemande, et Helen Künzel, Beate est berlinoise. Ses parents avaient voté Hitler « comme les autres et ne se reconnaissaient aucune responsabilité dans ce qui s’était passé sous le nazisme. » Après 1945, ils se plaignaient de ce qu’ils enduraient : « Jamais un mot de pitié ou de compréhension à l’égard des autres peuples… »
C’est à Paris, en mai 1960, qu’elle rencontre Serge alors qu’elle est fille au pair : « Il me plaît tout de suite par son sérieux comme par sa fantaisie. » C’est lui qui lui apprend l’histoire de son pays et, reconnaît-elle : « C’est ainsi que j’entre en contact avec la réalité terrifiante du nazisme. » Elle voyage puis se marie, à Paris, le 7 novembre 1963. Elle travaille à l’OFAJ (Office franco-allemand de la jeunesse) et Serge est assistant de direction à l’ORTF, la télé à l’époque.
À son tour, il raconte une enfance marquée par la traque des Juifs par la Gestapo, parle de Nice où sa famille a cru trouver la tranquillité, de son père, Arno, qui se sacrifie pour sauver les siens. Il est emmené vers la mort, à Auschwitz, le 2 octobre 1943. Son récit foisonne d’événements, d’anecdotes révélatrices sur les conditions de vie, comme à Saint-Julien Chapteuil, en Haute-Loire, où sa mère les a emmenés avant un retour à Paris, ville enfin libérée. Leur appartement a été pillé et il est occupé. L’errance reprend.
Lors des obsèques de Xavier Vallat, devant les grilles du cimetière de Pailharès (Ardèche), Serge et Beate Klarsfeld étaient bien seuls, en 1972, pour rappeler le passé du Commissaire aux Questions juives du gouvernement de Vichy, (1941-1942), ayant contribué à doter la France d'une législation antisémite la plus élaborée et la plus sèvère d'Europe.
Ces deux vies se conjuguent et se complètent dans l’action et la recherche avec une Beate au courage incroyable lorsqu’elle réussit à hurler : « Kiesinger, Nazi, abtreten ! (démisssionne) » en plein Bundestag où l’ancien Directeur adjoint de la propagande hitlérienne vers l’étranger devenu Chancelier doit s’exprimer. Cette même année 1968, elle écrit : « La réunification est naturelle et souhaitable ; de plus, elle est inévitable… Nous voulons une réunification pacifique qui permette à l’Allemagne sans armes nucléaires d’être l’indispensable pont entre l’Est et l’Ouest. » Un peu plus tard, elle gifle cet homme en public pour « témoigner qu’une partie du peuple allemand, et surtout la jeunesse, est révoltée par la présence à la tête du gouvernement de la République fédérale d’Allemagne d’un nazi… »
Lister toutes les actions entreprises ensuite par Beate et Serge serait beaucoup trop long mais c’est une histoire toute récente où l’on retrouve Kurt Lischka, Herbert Hagen, Aloïs Brunner, Josef Mengele, Klaus Barbie, Paul Touvier, René Bousquet, Maurice Papon... C’est surtout un combat acharné pour que les Fils et filles de déportés ne soient pas spoliés une seconde fois après avoir tout perdu.
Partisan d’une vérité historique impartiale, Serge Klarsfeld remet beaucoup de choses au point en basant toujours ses affirmations sur ses sources, citées précisément, après d’intenses et énormes recherches, luttant sans cesse contre les pesanteurs administratives et les collusions politiques. Ils l’affirment tous les deux : ils militeront jusqu’à la fin, bien relayés par leurs enfants, Arno et Lida. La Fondation pour la Mémoire de la Shoah rappellera toujours que, si 3 millions de Juifs ont survécu, 6 millions ont été assassinés : « Il s’agit d’un drame de la civilisation occidentale… Il s’agit d’un drame de la nature humaine ouvrant de terribles perspectives sur l’infinie capacité de l’homme « civilisé » à faire le mal. »
Concluons cette trop courte chronique mais son but n’est pas de tout dire car il faut lire et faire lire Mémoires de Beate et Serge Klarsfeld en laissant la parole à ce dernier : « Comme historien, au lieu d’une mémoire floue, tronquée, mutilée, abîmée, dénaturée, bafouée, j’ai pu imposer une mémoire authentique, restituée, réhabilitée, précise et fidèle. »
Chronique illustrée à retrouver sur : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
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