"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Mato Grosso. Une odeur sauvage de terre trop riche et d'humus brun. La beauté vénéneuse de la jungle dans laquelle on s'enfonce jusqu'à s'y noyer. La violence du ciel et la moiteur des nuits. L'amour qui rend fou et la mort... incontournable.
Est-ce pour faire la paix avec lui-même que Haret, écrivain bourlingueur, est revenu après un exil de trente ans ? Est-ce parce qu'il a le sentiment que c'est la dernière fois ?
Dans un Brésil luxuriant jusqu'à l'étouffement, peuplé d'aventuriers, de trafiquants et de flics corrompus, le nouveau roman de l'auteur de Yeruldegger nous ensorcelle et nous prend à la gorge.
La forêt amazonienne pour théâtre des opérations, un brin de violence (non contenue), des trafiquants, des meurtres et des animaux totalement inhospitaliers : avec ces ingrédients là, Mannok nous livre un polar tendu et poisseux à souhait.
Toujours très dépaysant quand on veut sortir des sentiers battus.
Une histoire originale et bien documentée qui se passe au Brésil. Aventure, trafiquants, flics corrompus et meutres.De belles descriptions de la faune et de la flore. La moiteur est là qui nous colle à la peau.
Vénéneux voyage dans le Mato Grosso.
L’auteur s’écarte de ses ‘Yeruldelgger’, trilogie qui a fait son succès, pour nous rappeler qu’il est avant tout un bourlingueur. S’il est tombé amoureux de la Mongolie, il est aussi un grand amoureux du Brésil et dans ce livre, on sent le vécu. Ian Manook a vraiment participé à l’expédition transpantanaire servant de fil rouge au roman dans lequel, on le sent tenir à dévoiler une grande part de lui-même en tant que voyageur, écrivain et lecteur.
Ce superbe récit de voyage aurait pu n’être que cela mais j’imagine que l’auteur a voulu faire plaisir à ses lecteurs en y insérant une forme de thriller, histoire d’éviter une rupture de style brutale dans son œuvre.
Le héros Jacques Haret, à l’instar d’Ian Manook, a été un jeune bourlingueur et est devenu un auteur à succès.
Au printemps 1976, alors que le Mato Grosso va connaître un débordement des fleuves et une inondation majeure dans l’Histoire du Brésil, c’est à ce moment-là que Jacques Haret se trouve dans le Pantanal. Ce sera la toile de fond du livre qu’il écrira 30 ans plus tard mais pas seulement. Il racontera aussi une histoire d’amour jamais oubliée et un crime qu’il aurait commis alors.
Le livre rencontre le succès auprès de ses lecteurs. En 2006, il est invité par le Cercle Littéraire de Pétropolis’, ville où Stefan Zweig et sa jeune épouse vécurent leurs derniers jours, à présenter son ‘Roman brésilien’. Son égo flatté et son envie de revenir au Brésil lui fait accepter l’invitation par laquelle il devra donner une conférence devant la Société des amis de Stefan Zweig. Cela va se révéler être un piège.
A peine arrivé dans la maison de Stefan Zweig ‘itself’, il fait face à un des personnages de son livre, Santana qui était dans la réalité l’inspecteur Antônio Figueiras, un personnage pervers, manipulateur à l’envi et machiavélique.
« Cette voix fut une morsure de cobra qui tétanisa Haret. — Vous êtes décidément toujours cette petite personne égocentrique et prétentieuse. Vous n’avez donc pas changé en trente ans, même si, à ce qu’il paraît, vous êtes depuis devenu écrivain. (…) Figueiras pointait sur lui un colt 38. Le même genre d’arme que celle avec laquelle il avait écrit avoir, trente ans plus tôt, tué Everaldo.(…) — Que signifie cette mascarade ? Nous savons bien vous et moi qui a fait quoi. Cette histoire est prescrite, même au regard de la loi. Pourquoi m’avez-vous attiré dans ce piège ? (…) —pauvre petite plume prétentieuse ! Mais tout est faux dans ce que vous avez écrit. Tout, sauf la démesure de votre ego, sauf cette arrogante ambition de faire de vous la victime manipulée d’un incompréhensible complot. Oui, j’étais policier fédéral au temps de la dictature, mais avez-vous oublié où nous étions ? A Cuiabá, au cœur du Mato Grosso… »
« Vous êtes l’exemple de ces confessions romancées où seule compte l’admiration que vous espérez susciter de ce que vous croyez être une audace, et qui n’est en fait qu’une mascarade. »
Haret va être obligé de lire son livre à voix haute sous la menace d’un Colt pointé dans son dos.
Ian Manook avec ce livre dans le livre va nous embarquer dans son voyage au Mato Grosso effectué en 1976.
« Quelques mois plus tôt j’ai échoué au Brésil après une longue dérive d’Islande en Belize. Je croyais voyager, je ne faisais que me fuir. J’ai connu (…) l’Atlantique nord frangé d’écumes, les falaises de glace bleutées du Groënland, les fjords tristes et érodés de Terre-Neuve, les baies verdoyantes de la Nouvelle-Ecosse et jusqu’aux forêts embrasées d’automne du Minnesota. (…) Vingt mois déjà de rude bourlingage. (…) Puis un capitaine impétueux me lance en travers du golfe du Mexique une veille d’ouragan et la tempête nous rattrape, brisant net, par un naufrage, six mois de cabotage dans les Caraïbes. Et voilà qu’un avion, d’un coup d’aile, m’abandonne à Rio. (…) Rio en février. »
De bus cacochymes en camions suicidaires, ce sera « la route comme une fuite vers Manaus pour embaucher sur un cargo pour l’Europe. »
« Je chevauche des camions trépidants qui m’enfoncent au cœur du pays, vers l’Amazonie. »
De Sao Paulo, « Droit vers le nord, puis à l’ouest, j’ai remonté Campinas, Ribeirao, Preto, Uberaba, jusqu’à Brasilia. (…) Mes premiers arbres à café dans l’ondulation des collines bleues jusqu’à l’infini. (…) Puis ce sont mes premières huttes aux toits de palmes, dans les champs de canne (…) Et les haltes dans les cafés ouverts aux murs écartelés aux quatre horizons, les rires hirsutes qui m’invitent, la sueur qui sent, les poitrails broussailleux dans les chemises auréolées, les odeurs de cigare mâchouillé mêlées aux arômes de café fort. Le voyage est rapide, tendu. Trente-six heures pour Brasilia. Je saute d’un camion à l’autre. Quelque fois dans la benne, couché sur des sacs de coton, avec au cœur l’enivrant parfum de mon exil victorieux. D’autre fois dans la cabine d’un gros Mercedes rondouillet, coincé entre un chauffeur gouailleur et débraillé et le maigre métis qui lui sert d’acolyte et prie des vierges en plastique ornées de pompons. »
Haret n’ira pas à Manaus. Il s’arrêtera à Cuiaba où il tombera amoureux d’une jeune compatriote française et où « A la saison des pluies, quand un orage amène la nuit bien avant le soir, d’énormes araignées-crabes fuient la terre détrempée des jardins et se réfugient dans les maisons. (…) quand l’ombre prend soudain la fraîcheur du ciel, on n’entend pas leurs huit pattes griffues érafler le carrelage. Mais on les voit. (…) Certaines de ces araignées ont la taille d’une main ouverte. (…) Voir ces monstres velus et hérissés de pattes grabouiller obstinément vers le sofa (…) les asperger d’alcool à brûler et gratter l’allumette qui les enflamme (…) puis le geste ménager de la pelle et de la balayette pour jeter au jardin le résidu fumant qui grésille sous la pluie. »
« Esterlito a accroché mon hamac aux anneaux de la véranda. (…) Puis soudain, dans la nuit, cette écaille froide qui me tombe sur le front et rebondit sur ma joue. (…) Je me redresse dans le hamac et la toile tangue et bascule. Je récupère mon équilibre, mes pieds nus en balancier. Surtout ne pas les poser à terre. (…) Toute la pièce n’est qu’un bloc de nuit compacte. Je suis suspendu dans les ténèbres. » Serpent ? Araignée ? Scorpion ? « Esterlito me regarde. (…) Son briquet à capuchon fume et sens le pétrole. — Une bête ? (…) Cancrelat ! (…) et il se rendort. Moi pas. »
Haret n’ira pas à Manaus. Il rejoindra une expédition avec Paul, un photographe français résidant au Brésil chargé de filmer le voyage en flattant « l’audace des initiatives du gouvernement de Luis Maria Brandao et le courage de ses fonctionnaires du Service cinématographique qui, malgré la plus forte inondation dans l’histoire du Brésil, ont reconnu tout le tracé théorique de la future route Transpantanaire dans le grand plan de développement économique du Mato Grosso ».
Boas constrictor dits sucuris, anacondas, caïmans dits jacarés, tigres dits onças, panthères, perruches et toucans, marabouts des marais dits tuyuyus, serpents chiens, serpents lianes, serpents d’eau, forêt tropicale menaçante, tarentules, scorpions, fourmis rouges dévoreuses, inondations, moustiquaires indispensables, hamacs et bivouacs, poudre de guarana et cafés corsés, fragiles pirogues et camions fous, marigots infestés, petits avions branlants, demeures déglinguées, bar à putes, assassins, alcooliques à la gâchette facile, hommes de main et hommes d’affaires, policiers véreux et population soumise, péons et cultures, expatriés surveillés et utilisés, cachots et prisons, tortures et emprisonnements obscures, Histoire, géographie et littérature : un récit époustouflant !
Si Haret doit résister en permanence à cette nature hostile pour survivre, le danger va surtout se situer parmi les hommes autour d’une idylle amoureuse.
« J’ai succombé à l’amour de ce pays, de ses horizons inondés, qu’avais-je besoin de succomber aussi à celui d’Angèle. (…) J’aurais dû rester avec les Pantaneiros, à ne tuer que les urubus, au lieu de me mettre en tête de tuer Everaldo. »
Haret (mais aussi Ian Manook) s’explique : « —Pourquoi n’avez-vous au moins situé votre roman ailleurs, sous n’importe quel autre tropique, vous qui avez tant voyagé ? — Parce que je voulais parler de mon amour pour ce pays (…) jamais je n’aurais pu exprimer mon attachement passionné au Pantanal en écrivant sur d’autres pays, d’autres jungles, d’autres marécages… »
« A propos savez-vous qu’aussitôt une baleine tuée il ne reste que quelques heures aux chasseurs pour la dépecer avant qu’elle ne se liquéfie de l’intérieur et que les gaz dégagés ne la gonflent et l’explosent dans des gerbes d’entrailles d’une puanteur insoutenable ? Eh bien notre chair humaine provoque chez le saurien les mêmes dégâts aérophagiques, et le malheur pour le jacaré, c’est que les gaz qui gonflent ainsi son ventre le font basculer sur le dos, un peu comme quand on essaye, à la piscine, de rester à califourchon sur une bouée et qu’immanquablement on glisse sous elle. A demi immergé sur le dos, le jacaré se retrouve alors les narines dans l’eau, incapable de se retourner, et finit par mourir noyé. — Encore une fois, pourquoi me racontez-vous ça ? insista Haret… »
« Tout au bout de la piste, des nuages mauves essorent de leurs rouleaux un horizon délavé. Seule s’embrase au ras des terres une fine bande de ciel irradié et au fond de l’horizon jaillissent des couleurs rasantes qui dessinent aux hommes et aux choses immobiles de longues silhouettes en éventail. »
Un vrai voyage d’aventure où l’amour, les jalousies, les vengeances, la vie et la mort se jouent des passions.
Un beau voyage au Brésil mais avec des personnages peu attachants. Le policier revanchard et l'écrivain imbu de sa personne autour du dernier livre écrit se rejoignent pour faire jaillir la vérité ... dont on se fout un peu puisque chacun a la sienne et surtout son interprétation.
C'est long, mal construit, peu crédible ... heureusement le texte est sauvé par les description mais sinon il n'a pas de grand intérêt.
Belle découverte ce livre et cet auteur que je ne connaissais pas ! Ian Manook est un pseudonyme. Il a son style d'écriture, très journalistique et efficace mais on retrouve aussi un poète à travers ses descriptions du Brésil intérieur, sauvage, dangereux, langoureux ou fourmillent toutes sortes de prédateurs mortels pour l'homme non averti. L'intrigue policière est là avec son lot de cruautés et en toile de fond un rappel de l'histoire, d'un auteur très connu Stefan Zweig et sa femme Lotte...
Changement de style, changement de continent, fini Yeruldelgger le froid et les ragouts, place à la moiteur de la jungle brésilienne et embarquement pour un roman inclassable.
Une chose est sûre, il ne plairait pas à tout le monde.
Mato Grosso est une immersion. A travers, un jeu de dupe, Manook se joue de la confusion qu’il donne au lecteur, on parcourt les brumes tièdes et humides entre les arbres et les lianes, un Brésil fait de sensations. Disons-le tout net, certains verront des longues descriptions, qu’il s’agisse d'animaux ou de paysages. Des dialogues un presque macho avec du poil autour. Mais surtout, au fil des pages, c’est bien la passion de l’auteur (Manook, pas Haret) pour les pays où il situe son roman que l’on retient. Dès les premières pages, on part en voyage. Immersion totale, faune, fleuve, flore, hommes, femmes, insectes, serpent, jacaré. Sensations, vous dis-je !
Mais Mato Grosso, c’est avant tout manipulations et mensonges. La manipulation de l’auteur, des personnages les uns envers les autres et leurs mensonges. Car Manook enchâsse une histoire dans l’histoire. Jacques Haret écrivain français a publié "Un Roman Brésilien". L’histoire d’un homme, l’aveu d’un meurtre. Haret revient dans la région qu'il avait fui en 1976, après le meurtre d’Everaldo, sur invitation d'un éditeur. En fait de retrouvailles, la vie d’Haret prend un tournant. Il se retrouve face à face avec un vieux flic, tout comme lui est un vieil écrivain. Le temps ne fait rien à l’affaire, à la fin, on paye les conséquences de ses actes. Et l'écrivain va devoir raconter son histoire, lire ce fameux Roman Brésilien, revenir sur le récit d'un passé où l’auteur devient le narrateur, où le personnage principal se replonge dans ses souvenirs et comme nous, devenir lecteur. Un roman dans le roman. Tout comme les personnages ont leurs doubles Figueiras / Santana, Blanche / Angèle, Jacques Haret / Ian Manook.
Et l’expérience devient intéressante. Pourtant ceux qui me connaissent savent que ce continent est le seul où je n'ai jamais mis les pieds. Crainte, manque d'assurance. La vision d'une forêt dévorante me tétanise. L'Amérique du Sud aussi.
Mais ajoutez-y un zest d’hommage à Stefan Zweig et des sous-bois marécageux au fin fond de ces terres lointaines, une passion trouble et l’envie d’un auteur pour partager ses sensations et ce que vous obtenez n’est pas forcément un thriller. Mato Grosso est un roman qui laisse soudainement la place à la passion, l’amour à la violence. Certaines phrases s'envolent, et nous restons dans un Brésil chaud et poisseux.
Bref exit l’action, place à l’immersion. Et c’est plutôt réussi.
Je connaissais Ian Manook pour sa série Yeruldelgger dont j'ai adoré les personnages, les intrigues et le dépaysement total qu'impliquait sa lecture. C'est donc avec beaucoup d'attentes que j'ai lu Mato Grosso. Alors autant vous le dire tout de suite, si vous souhaitez absolument retrouver quelque chose de similaire à Yeruldelgger, vous pouvez passer votre chemin sous peine d'être déçus. Par contre si vous voulez découvrir de quoi est capable Ian Manook dans un style et un genre complètement différents, Mato Grosso devrait pouvoir combler votre envie.
Mato Grosso est un roman noir à la structure narrative intéressante, avec une mise en abyme que l'on trouve rarement dans ce genre littéraire. En 2006 Jacques Haret lit son roman qui relate des faits survenus en 1976 ; ces faits sont en réalité ses souvenirs qu'il a remodelés en partie ; sa lecture est interrompue de temps en temps par l'un des protagonistes qui lui rappelle ce qui s'est réellement passé, ce qui donne au récit de nouvelles perspectives. Est-ce que je suis assez claire ? Sinon pas de soucis, vous comprendrez facilement en lisant Mato Grosso avec un minimum de concentration.
Outre cet exercice de style intéressant, la plume de Ian Manook est toujours autant agréable à lire. Ses descriptions sont poétiques et vivantes, une véritable invitation au voyage, et il y a des réflexions intéressantes sur le devenir des peuples et le futur des mondes en proie au développement rapide. Mon seul regret concerne l'usage un peu trop présent de vocabulaire portugais (la langue officielle du Brésil) : cela fait couleur locale, mais c'est parfois un peu difficile à comprendre pour les non lusophones, quelques notes de bas de page avec la traduction française auraient été les bienvenues. Ian Manook retranscrit parfaitement bien l'ambiance violente et suffocante du Brésil profond des années 1970, un lieu où la tension est permanente, où le danger surgit sans prévenir. Le personnage principal est l'un des plus antipathique qu'il m'ait été donné de croiser dans mes lectures : égoïste, lâche, violent et manipulateur, je l'ai détesté dès les premières pages. Malgré cela j'ai pris beaucoup de plaisir à lire Mato Grosso, à voyager dans l'espace et le temps. J'ai mis un peu de temps à entrer dans l'histoire, mais après j'ai dévoré le roman jusqu'au final explosif.
https://andree-la-papivore.blogspot.fr/2017/09/mato-grosso-de-ian-manook.html
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