"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Le voyage en Italie est un genre littéraire. Il nous a valu, de Montaigne à Larbaud, quelques jolies méditations sur les arts, les transports et la gastronomie. C'est conscient de cette tradition, et fort d'un malicieux désir de s'en démarquer qu'Henri Calet, en 1949, effectue le sien. D'emblée, il ne joue pas le jeu. Il enfile bien la Botte, ville après ville, mais, dès qu'approche l'instant élu des friandises culturelles, Calet fait mine de rien, regarde ailleurs, s'absente ; quitte à nous lire, ironique consolateur, des extraits du Baedeker. Car Henri Calet, il l'avoue, vise l'Italie « au-dessous de la peinture », se refusant à la via royale des sites et des musées, à son cortège de béatitudes convenues. L'opulence des richesses locales l'intimide, il s'en défie d'instinct et retourne à cette angoisse en pente douce, pudique et désolée, qui est le coeur même de son oeuvre. Mais que surviennent une suite de « petits faits vrais », maints détails savoureux, un rêve possible, alors Calet consent, sa fringale s'éveille et sa phrase pétille. Enthousiasme momentané ; Calet, au fond, reste insensible au paysage. Le seul vrai voyage serait de s'oublier un temps. Mais on se colle à la peau. Que ce soit pour Venise ou les Buttes-Chaumont, on ne part pas. Telle est la leçon.
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