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Depuis une dizaine d'années, les usages politiques du passé et les politiques de la mémoire ont donné lieu à une riche littérature, croisant les différentes perspectives des sciences sociales. Plus récemment, le thème de la reconnaissance, développé par la philosophie morale et politique, est venu nourrir une sociologie confrontée à de nouvelles formes du conflit politique et intéressée à penser le renouveau de la critique.
Cet ouvrage se situe à la jonction de ces centres d'intérêt : il propose une nouvelle contribution à l'analyse des rapports réputés difficiles entre histoire, mémoire et patrimoine, non pas en se disséminant dans une pluralité de cas mais en explorant un « terrain » dans sa complexité et depuis la diversité des points de vue des sciences de l'homme et de la société. En retour, ce terrain montre à l'oeuvre une dynamique compensatoire de luttes pour la reconnaissance qui croît dans les décombres de ce qui a été, selon le mot de Pierre Bourdieu, « un immense désastre collectif ». En somme, les quêtes de reconnaissance traversent et instruisent la relation au passé.
La Lorraine industrielle est le lieu de ce désastre et l'objet de la perte : c'était hier une configuration issue de la médiation mono-industrielle (mines de charbon et de fer, et sidérurgie) des hommes et d'un territoire. Aujourd'hui, la Lorraine industrielle est en passe de devenir une entité patrimoniale, de ce fait ouverte à toutes les appropriations. Il aura fallu un quart de siècle pour en arriver là. C'est à la compréhension de ce processus que se consacrent les textes ici réunis d'historiens, de sociologues, d'anthropologues, de spécialistes en sciences de l'information et de la communication, universitaires en Lorraine pour la plupart. Une temporalité se dessine : aux actions, individuelles et associatives, de résistance à la politique de la table rase a fait suite une certaine reconnaissance du passé dont témoigne la mise en oeuvre par des collectivités territoriales de politiques de l'histoire et de la mémoire ; des figures collectives s'estompent, d'autres s'affermissent : les ouvriers, les immigrés, les femmes. Au final, les engagements sont questionnés : dans quelles mesures et selon quelles modalités les sciences sociales localement représentées contribuent-elles à l'invention de la Lorraine industrielle ?
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