Dès La Tentation de l'Occident, Malraux avait expliqué pourquoi ni la foi chrétienne, ni les mystiques orientales ne pouvaient apaiser sa soif spirituelle et lui apporter une réponse à la question «Qu'est-ce que l'Homme ?». Il demanda alors à la lucidité de le guider et de le protéger dans sa quête. En 1934, il répondait à Valéry : «... Et puis, quoi ! je m'intéresse à la lucidité, je ne m'intéresse pas à la sincérité».
Étant donné les engagements politiques qui furent ceux de Malraux, on attache trop d'importance, dans ses romans, aux événements historiques qui leur servent de toile de fond. En lisant ses essais sur l'Art, on oublie les avertissements qu'il a répétés plusieurs fois, et l'on ne voit pas qu'il s'agit là encore d'une méditation sur «Qu'est-ce que l'Homme», qui, pour ne pas se disperser, se focalise sur les arts plastiques.
La deuxième attitude qui alimente le malentendu tient à la lecture qui est faite, en général, du dernier livre de Malraux, L'Homme précaire et la littérature. À cause de ce et la littérature, on cherche dans ce livre une critique ou une analyse littéraire ; on ne voit pas que, dans l'avant-dernier chapitre, Malraux ramasse sa pensée et fait le point sur des thèmes qu'il a souvent évoqués ; et surtout on ne voit pas que le dernier chapitre, l'aléatoire, sonne comme un véritable testament, dont la dernière phrase évoque la possibilité d'un «jaillissement spirituel», d'«un bouleversement de l'âme».
La troisième attitude qui alimente le malentendu consiste à fuir les questions devant lesquelles Malraux nous place. Elles viennent déranger des idées que l'homme, surtout l'occidental, a adoptées depuis des siècles et même des millénaires. Elles choquent des habitudes de pensée.
En rappelant ici les grandes lignes de l'héritage spirituel que nous a laissé Malraux, tout en réglant le sort de la phrase fameuse et trop rabâchée qu'il tient comme forcément apocryphe «Le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas», Claude Tannery souhaite placer en pleine lumière les interrogations véritables que l'écrivain nous lègue, et donner à chacun envie de les regarder en face.
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