Gallimard, Avril 2013
Peut-on, sur un blogue qui s'intéresse à la culture, proclamer son inculture presque totale en matière de bande dessinée? Ma réponse sera "auto-indulgente": il n'est jamais trop tard pour bien faire, pour découvrir, et pour apprendre!
Depuis quelques années, je...
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Gallimard, Avril 2013
Peut-on, sur un blogue qui s'intéresse à la culture, proclamer son inculture presque totale en matière de bande dessinée? Ma réponse sera "auto-indulgente": il n'est jamais trop tard pour bien faire, pour découvrir, et pour apprendre!
Depuis quelques années, je passe de plus en plus de temps dans le rayon BD des librairies, piochant au hasard, butinant sans complexe en slalomant au milieu des gamins assis par terre, trop fascinés par leur lecture pour songer à rester debout. Ce que j'aime d'abord dans ce rayon consacré au "neuvième art", c'est l'atmosphère presque religieuse qui règne: on sent qu'on n'est pas là pour rigoler, les visages sont tendus, ou frappés par une sorte d'extase, au choix, les mains sont fébriles, mais on sent toute la délicatesse nécessaire pour tourner la page; certains s'arrêtent derrière vous et penchent discrètement la tête, happés au passage par une forme, une couleur, entrevues, encore inconnues... Il existe même des endroits spécialement consacrés à la vente des BD (ICI, à Thionville, Hisler-BD), où la transe paraît encore plus palpable... on a affaire à des passionnés, c'est certain, et la connaissance de ces spécialistes pour leur domaine de prédilection ne cesse de m'épater...
Alors oui, je veux bien apprendre, même si, je l'avoue sans honte, le prix très élévé des BD est un problème... J'en achète donc rarement pour moi, préférant garder ce budget pour ma fille de 14 ans , grande consommatrice et amatrice du genre.
22 euros, voilà donc le prix de celle-ci, et je vous le dis d'emblée: non seulement je ne regrette pas mon achat, mais en plus, je compte bien me procurer d'autres oeuvres de cet immense bédéiste qu'est Jacques Ferrandez, qui a déjà derrière lui une carrière impressionnante. Car cette "bande dessinée", est une véritable oeuvre d'art, d'une beauté saisissante, et d'une justesse confondante. Il n'était pas facile en effet d'adapter un des romans les plus connus de Camus, et, j'avoue que je craignais la déception... Au contraire, je suis saisie d'admiration devant l'intelligence narrative de la transcription. Moi qui n'avais jamais réussi à mettre un visage bien précis sur Meursault, cet étranger à lui-même et au monde, j'ai totalement adhéré à celui que nous propose Ferrandez, qui a voulu en faire un homme jeune et beau (lisez l'excellente entrevue à la fin de cet article), incapable de mentir et de composer avec une société où il n'a pas sa place.
Le dessin, les aquarelles, l'usage parfois de la double page, les tons pastels ou au contraire comme illuminés, l'alternance du sombre et du clair, du dedans et du dehors, la présence obsédante de la mer, de la chaleur, alliées au froid intérieur de Meursault, rendent un hommage sublime à cette oeuvre camusienne pourtant si complexe, et, j'en suis sûre, donnera envie à ceux qui ne l'ont pas lue, de la découvrir... Merveilleuse interaction entre deux arts pas si éloignés: la littérature et la bande dessinée.
Une première lecture ne saurait évidemment épuiser l'intérêt de cette oeuvre, je la "lis", je l'"admire" sans me lasser, sans jamais épuiser la magie des images et du texte.
Superbe travail, vraiment: n'hésitez pas , ou harcelez votre bibliothécaire pour un achat... même si, j'en suis certaine, une fois que vous l'aurez entre les mains, vous n'aurez qu'une envie: en être l'heureux possesseur!
Découvrez ici l'entrevue passionnante que l'auteur a accordée au magazine en ligne Bodoï, où il explique la genèse de l'oeuvre, et son travail.(cliquez sur l'image pour la lire)