"Sur les 23 000 "Justes parmi les nations", il n'y a pas un seul Arabe et pas un musulman de France ou du Maghreb. Alors, j'ai décidé de chercher. On m'a souvent répété : "Mais les témoins sont morts aujourd'hui." J'ai exhumé des archives, écouté des souvenirs, même imprécis, et retrouvé de vraies histoires : comme celle de cette infirmière juive ou celle du père de Philippe Bouvard qui ont échappé à la déportation grâce au fondateur de la Grande Mosquée de Paris, Kaddour Benghabrit.
Cet homme a sauvé d'autres vies. Et l'action du roi Mohammed V au Maroc durant l'Occupation ne lui vaudrait-elle pas aussi le titre de Juste ? "Celui qui écoute le témoin devient témoin à son tour." J'avais toujours à l'esprit cette phrase d'Elie Wiesel. Je l'ai écrite plusieurs fois, et suis parti en quête de témoins pour ne pas rompre le fil ténu de la mémoire." Mohammed Aïssaoui.
“Sur les 23000 “Justes parmi les nations”, il n’y a pas un seul Arabe et pas un seul musulman de France ou du Maghreb”. Pourquoi ?
Mohammed Aïssaoui commence son enquête sur cette interrogation. Elle le mène naturellement vers la Grande Mosquée de Paris, lieu incontournable pour parler de ces populations et de cette époque.
Archives, témoignages surprenants nous amènent à découvrir le personnage assez extraordinaire de Si Kaddour Benghabrit, recteur de la mosquée pendant la guerre et ministre envoyé par le sultan du Maroc Mohammed V. Il aurait caché et donc sauvé des Juifs dans les sous sols de la Mosquée et aurait délivré de fausses attestations de “musulmanité”. Il y a des cas quasi avérés et des rumeurs non fondées.
Si vous avez vu le film “Des hommes libres”, vous êtes peut-être familiers avec cette histoire (On aurait des choses à dire sur le film, en particulier le choix d’un acteur non arabe pour jouer le rôle du recteur, mais bon …).
Le “personnage” du recteur de la Mosquée de Paris est le héros principal de cette quête. Théologien, fin diplomate, homme de culture, mais également amateurs de femmes et de plaisir de la vie, il intrigue tout autant qu’il passionne, tant il est complexe.
Ici, Mohammed Aïssaoui part à la recherche de l’Histoire et surtout de la vérité. Il est malheureusement confronté à l’absence de preuves tangibles, de témoignages directs, et à l’abondance d’archives pas forcément utiles, ce qui rend dans les deux cas ses recherches très laborieuses, mais tout aussi passionnantes, le relançant continuellement sur de nouvelles pistes. Le problème est qu’il ne reste pas grand chose pour faire obtenir le statut de “Juste parmi les Nations” à Benghabrit ni même à l’imam de cette mosquée qui a pourtant été détenu dans les camps de la mort…
On ressort de cette lecture, avec un sentiment vraiment étrange, comme si tout a été fait pour que cette histoire, ces actions, ces hommes soient oubliés, ou tout simplement considérés comme une légende.
Pourtant le symbole serait tellement fort et indispensable. Surtout aujourd’hui.
Quelques décennies de conflit israélo-palestinien nous feraient presque oublier que la cohabitation entre juifs et musulmans n’a cessé d’exister pacifiquement depuis des siècles. Mohammed Aïssaoui va encore plus loin, en portant à notre connaissance un aspect oublié de la deuxième guerre mondiale. En France ou ailleurs, des musulmans ont pris des risques pour sauver des juifs de la mort, au moment même où des milliers de Français avaient fait un choix totalement opposé en collaborant avec les autorités nazies.
Alors que les tensions communautaires enflent actuellement en France, cet ouvrage nous rappelle que la religion n’est pas nécessairement une ligne de fracture irréparable entre les individus. Cette lecture fait du bien !
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