"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Les sept hiboux, c'est le roman de la capitale hongroise au moment de sa transition, c'est-à-dire l'époque fin-de-siècle. Budapest, née de l'alliance de trois villes réunies (Pest, Buda et Óbuda), devient une métropole moderne. Ses espaces représentatifs - rues, squares, restaurants, casinos, bordels, sans oublier l'hyppodrome - participent alors à la narration à tel point qu'on se demande parfois si le véritable protagoniste n'est pas la ville anthropomorphisée, comme c'est le cas plus tard dans les fameux romans de Dos Passos et de Döblin.
C'est aussi le roman de la vie littéraire dans cette ville désormais cosmopolite où chacun veut devenir écrivain et faire fortune grâce à ses textes. Des cafés mondains et d'ambitieuses rédactions des journaux se disputent des personnages cocasses, souvent déjantés, entraînés dans la folle course de la réussite littéraire et évoqués avec beaucoup d'humour et de compassion.
C'est encore le roman des amours du jeune Józsiás, lui-même écrivain en herbe et travaillant sur son opus magnum, Le livre des compliments, écartelé sans cesse par trois femmes : une veuve accaparatrice (Leonora), un bas-bleu volage (Fruzsina) et une jeune ingénue (Áldáska). Le jeune homme entame un voyage initiatique dans le labyrinthe de la passion féminine, bordé par l'érotisme et la mort, et ce dans une ambiance où le réel bascule tout à coup dans le surréel. Les temps forts du roman restent sans doute la traversée hallucinante des glaces en dérive du Danube et la descente grotesque à la morgue.
C'est enfin et surtout le roman de la nostalgie, incarné par le héros donquichottesque connu de N.
N. (ce roman a déjà trois éditions françaises !), Guszti Szomjas qui, devenu retraité, quitte sa province pour rejoindre Budapest qu'il n'a pas vu depuis le couronnement de François-Joseph et qu'une fois arrivé, il découvre irrémédiablement perdu. Sa vie perd alors aussi tout son sens.
On parle souvent de Krúdy non sans raison comme d'un Proust hongrois qui est à la recherche du temps subjectif ; sa narration quelque peu obsessionnelle fait de lui en effet un précurseur de la modernité littéraire hongroise. Mais dans ce roman, c'est l'éducation sentimentale de Flaubert qui l'emporte, la fresque parfaite d'une époque, bilan à la fois sociohistorique et poétique, réaliste et romantique. Et on y reconnaît aussi l'influence indélébile de l'un des auteurs préférés de Krúdy : le Russe Tourgueniev, tant par la quête perpétuelle du nid de bonheur que la représentation caricaturale des provinciaux fêlés.
Un chef-d'oeuvre de la littérature hongroise servi par une traduction de grande qualité.
Bienvenue à Budapest à la fin du 19ème siècle, découverte au fil de la lecture aux côtés de Jozsias, un écrivain romantique qui dresse le portrait des femmes qui ont comptées dans sa vie. Accompagné de son ami, Guszti Szomjas qu'il aide à la diffusion de certains messages à ces dames, nous découvrons les ruelles, les enseignes et l'atmosphère d'une vie riche et vivante.
Telle est la trame du livre, dont le résumé n'est pas chose facile, tant le mouvement dans la lecture est constant : nous évoluons dans une ville, entre découverte, recherche d'amour, de connaissance.
Les difficultés premières concernent la fluidité dans la lecture : d'innombrables bas de page viennent hacher la lecture, mais ils ont leur importance tant les référence à des personnages existant sont nombreuses : mais est ce un témoignage de vie ou un témoignage de ville? Ces informations se diluent progressivement, car nous avons par moment une impression de déchiffrer une carte, par exemple, lorsqu'on nous signale que telle rue se trouve à tel endroit près de telle ruelle.
La seconde grande difficulté porte sur l'exactitude des noms : hormis les prénoms des personnages principaux, il m'est arrivé de ne faire que survoler des Noms de rues, de lieux ou de personnes tellement j'avais des difficultés à les retenir voir à les prononcer. L'exotisme de la nouveauté est plaisant, et on s'amuse parfois sur la prononciation, mais revenir plusieurs fois de suite sur ces même noms alourdit la lecture et la compréhension du texte.
L'ambiance générale du livre est terriblement mouvante : à la fois romantique et romanesque, le style de l'auteur est très agréable. Les descriptions sont nettes et bien étayées, pour certains, elles n'auront peut être que peu d'intérêt au vue de la richesse narrative. Mais j'avoue avoir pris gout à la découverte de ces lieux, chargés d'histoire et de vie.
Les personnages sont bien décrit, et on les imagine aisément évoluer, s'aimer, se déchirer, se retrouver, se chercher. Une sensation parfois que la complexité est poussée à l'extrême : j''aurais aimé garder une part de mystère chez certains. Et à contrario, d'autres ont été trop esquissé, manquant de profondeur et de couleur : j'aurais aimé savoir ce que renfermait ces silences.
Les Sept Hiboux renferment plus qu'un simple logement : centrale dans la vie de Jozsias, il l'est aussi à la lecture du livre, revenant régulièrement à ce point de départ rassurant.
L'amour est sans doute ce qui nous berce durant cette lecture : l'amour passion, l'amour de la ville, de l'ivresse de ce sentiment qui va, vient et nous tire vers de nouvelle découverte. Mais plus encore, J'ai aimé non pas la fraicheur de ces histoires d'amour, mais leur complexité et leur mélancolie parfois : une part de réalité dans un sentiment qui est trop souvent idéalisé dans la littérature.
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