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Des jaguars fantomatiques, un chat alcoolique et suicidaire, une chienne pitbull nommée « poupée », un serpent à l'apparence humaine qui hypnotise ses proies, douze mouches et leurs « petites bouches fraîches », un panda qui rend fou militaires et chefs d'État, tel est l'étrange bestiaire que nous présente Francisco Alejandro Méndez dans ce recueil de nouvelles.
Comme dans tous les bestiaires, on l'aura compris, c'est bien des hommes dont il est question ici.
Dans Les ombres du jaguar, le lecteur suit les aventures de deux journalistes et constate, à travers l'objectif du photographe et les observations de son compagnon, les ravages de toute nature que subit le pays. La nouvelle suivante, Morgan, met en scène une jeunesse désespérée, dans une impasse autodestructrice. Poupée nous raconte, à la première personne, sa vie de chien. Le grand Fascinateur plonge dans l'univers carcéral, un monde impitoyable où tout s'achète et tout se vend, où la corruption est la règle. Dans Travail de famille, un exercice de style particulièrement réussi, il est question (entre autres sujets) de frustration, de solitude, d'une impossible communication. La dernière nouvelle, Les trophées de Benedicto, met en scène un panda et ses visiteurs ; l'effet que produit ce symbole de paix et d'harmonie sur les brutes qui mènent le monde est plus que surprenant.
Le regard que porte Francisco Alejandro Méndez sur le monde qui l'entoure est sans concession : la corruption et la violence sont omniprésentes. Impossible d'y échapper. On peut, en revanche, et c'est ce que fait magistralement l'auteur, observer cette réalité d'un point de vue littéraire, non pour s'en éloigner, la dominer depuis sa tour d'ivoire, mais pour en créer une nouvelle, trouver un sens à l'absurdité des comportements humains. Dans Les ombres du jaguar, l'un des narrateurs, José María, déclare : « C'était étrange, mais à ce moment-là, alors que nous roulions vers la forêt, vers le véritable habitat de jaguars, je pensais aux moments terrifiants passés dans le zoo. Lorsque nous nous trouvions à l'intérieur de la cage, je pensais à la forêt. Aucune des relations qu'établissait mon cerveau ne coïncidait. Le seul espace où elles pouvaient peut-être se retrouver, c'était la littérature. La réalité, comme l'affirmait Huxley, dépasse la fiction. ».
La littérature, telle que la décrit le narrateur (et on peut soupçonner l'auteur de lui avoir soufflé la réplique), n'est pas une fuite devant la réalité mais bien une tentative d'en appréhender toute la complexité.
Et c'est ce que parvient à faire Francisco Alejandro Méndez : la nouvelle Les trophées de Benedicto, par exemple, en dit plus que tous les articles qui tentent d'expliquer les difficultés de la mise en oeuvre des accords de paix de 1996.
Si les sujets traités sont particulièrement graves, le style de l'auteur est tout sauf pesant ; Francisco Alejandro Méndez multiplie clins d'oeil et jeux de mots. Il utilise l'humour sous toutes ses formes, sauf une : le sarcasme. L'auteur n'est pas un juge suprême ; les plus sombres de ses personnages restent profondément humains. À ce titre, s'ils sont capables du pire dans certaines de ces nouvelles, le lecteur sent parfaitement toute leur complexité.
On trouvera en annexe quelques repères historiques concernant le Guatemala ; ils peuvent éclairer certaines allusions ou permettre de mieux comprendre les situations décrites dans ces nouvelles.
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