"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Chypre, 2016. Petra Loizides est inquiète, la nourrice de sa fille s'est évaporée sans laisser de trace. Yiannis, le locataire qui occupe le premier étage de sa maison, est lui aussi bouleversé : se serait-elle enfuie suite à sa demande en mariage la veille ? Mais la jeune sri-lankaise a laissé derrière elle son passeport et la mèche de cheveux de sa propre fille restée au pays.
Petra signale sa disparition à la police mais celle-ci ne réagit pas. Impuissant, Yiannis continue de son côté ses activités illégales : ruiné par la crise de 2008, il vit du braconnage des oiseaux, prisonnier d'un réseau mafieux puissant et dangereux.
Ensemble, Petra et Yiannis vont enquêter auprès de nombreuses femmes invisibles comme Nisha et découvrir la facette sombre d'un pays gangréné par la corruption et les trafics en tous genres.
Chypre, 2016. Voilà neuf ans que la jeune Nisha, d’origine sri-lankaise, a été engagée comme nounou par Petra. Celle-ci venait d’accoucher, quelques semaines après le décès de son mari, elle était seule, déprimée, dépassée par la situation.
A l’époque, Nisha, comme beaucoup de jeunes femmes du sud-est asiatique, avait tout quitté dans l’espoir de gagner sa vie dignement ailleurs, et de subvenir aux besoins de sa famille restée au pays.
A Chypre, Nisha est plutôt bien tombée, elle travaille sans relâche six jours par semaine, mais Petra la traite aussi correctement qu’on peut traiter une domestique. Et puis, il y a Yannis, le locataire qui occupe le premier étage de la maison, qui vit secrètement du braconnage d’oiseaux pour le compte d’un dangereux réseau de trafiquants, et qui est fou amoureux de Nisha.
Pourtant un jour, celle-ci se volatilise, en laissant derrière elle son passeport et d’autres choses précieuses à ses yeux. Petra signale la disparition de Nisha à la police, qui ne donne aucune suite. Petra et Yannis comprennent vite qu’ils ne pourront compter que sur eux-mêmes, et se lancent dans leur propre enquête.
Facile à lire et plein de bons sentiments, « Les oiseaux chanteurs » est cependant un roman un peu léger et mou à mon goût. Le thème m’intéressait pourtant, je n’avais encore rien lu sur la migration économique (et légale) de ces jeunes femmes asiatiques exploitées (y compris sexuellement pour les plus malchanceuses) par de riches employeurs européens et les agences de placement (qui leur garantissent un travail en Europe moyennant une caution faramineuse qu’elles mettront des années à rembourser). Mais je reste sur ma faim, le sujet est traité avec candeur et simplisme, en restant à la surface des choses. L’idée d’établir le parallèle avec le braconnage n’est pas mauvaise : ces esclaves modernes et les oiseaux sont des innocents pris dans des pièges qui rapportent gros à d’autres, et ils ne peuvent en sortir que par la mort ou avec une aide extérieure (plutôt rare). Mais cela m’a semblé artificiel, édifiant et « facile » : exploiter les travailleurs, c’est mal, exploiter la Nature, c’est mal.
Quant aux personnages, ils ne sont pas très incarnés, ni cernés psychologiquement. Celui de Petra est caricatural et/ou peu crédible : ce n’est que quand Nisha disparaît que Petra semble se rendre compte (après presque dix ans!) de son existence et de son importance, et qu’elle s’étonne que sa propre fille soit plus proche de sa nounou que d’elle-même. Je me demande encore si elle s’inquiétait réellement du sort de Nisha en tant qu’être humain, ou si elle paniquait seulement à l’idée de devoir faire le ménage et élever sa fille elle-même. Quant à Yannis, son locataire depuis deux ans et qui habite juste au-dessus, elle le connaît à peine, n’a jamais soupçonné sa relation avec Nisha, ni son activité de braconnage (alors qu’il possède plusieurs frigos industriels et remplit des sacs poubelles entiers de plumes d’oiseaux).
Au final, c’est un peu long, un peu lent, un peu larmoyant, et l’enquête est résolue en quelques paragraphes. La lecture est fluide et pas désagréable, et l’intention de départ était louable, mais je trouve que le résultat manque de profondeur et de révolte.
Ma chronique : Voilà un livre à découvrir absolument ! D'une plume qui nous séduit dès la première page, Christy Lefteri tisse la trame de son roman en évoquant le sort des jeunes femmes réfugiées à Chypre. Comme les oiseaux chanteurs pris au piège des braconniers, elles sont à la merci des profiteurs en tous genres. Ce sont des Sri-lankaises ou Népalaises qui sacrifient leur vie pour subvenir aux besoins de leur famille en s'expatriant. Elles ne sont pas toujours maltraitées mais on ne connaît rien de leur vie et on ne veut pas le savoir. Elles sont là pour travailler, faire le ménage et élever les enfants des autres. Certaines aussi ont quitté leur pays pour plus de liberté.
Nisha a disparu. Cette sri-lankaise est depuis neuf ans au service de Pétra, opticienne à Chypre. Elle s'est attaché à la fille de celle-ci, l'a élevée avec amour alors qu'elle a laissé sa propre fille au pays. Elle a trouvé du réconfort dans les bras de Yiannis, un jeune braconnier qui s'est mis à cette tâche illicite après avoir perdu son emploi lors de la crise de 2008.
Pourquoi est-elle partie? A-t-elle rejoint la ligne verte du côté Turc ? Elle a laissé son passeport, un journal intime écrit en cingalais et ses objets précieux.
A-t-elle été enlevée ? Yiannis est de plus en plus angoissé d'autant qu'il est lui-même pris au piège d'un réseau malfaisant. Il se sent coupable en capturant par milliers de magnifiques oiseaux chanteurs. Son complice les revend ensuite à prix fort .
Pétra ressent de la honte. Elle prend conscience de son indifférence envers son employée. Avant la disparition de Nisha, ces ouvrières étrangères lui paraissaient invisibles.
Chacun leur tour, de plus en plus anxieux Yannis et Pétra nous parlent de leurs tourments. Ils s'associent pour enquêter, la police locale, indifférente, les ayant rejetés. D'autres femmes ont disparu.
Entre deux chapitres l'auteure a glissé des pages mystérieuses où il est question d'un lac rouge près d'une ancienne mine de cuivre. L'endroit sous le coucher de soleil est à la fois lumineux et menaçant. Peu de visiteurs s'y égarent !
Ne manquez pas cet ouvrage. Voilà une auteure qui est une révélation !
J’avais été bouleversée par L’apiculteur d’Alep, ce roman sur l’exil de Christy Lefteri. Aussi lorsqu’il m’a été proposé de recevoir Les oiseaux chanteurs de la même auteure dans le cadre d’une masse critique privilégiée et que j’ai été retenue, imaginez ma joie. Que Babelio et les éditions du Seuil soient ici remerciés pour m’avoir offert à nouveau de très belles heures de lecture !
Le récit se passe à Chypre. Petra Loizides, opticienne optométriste habite Nicosie, côté grec, à deux pas de la ligne verte qui divise Chypre depuis 1974. Elle occupe uniquement le rez-de-chaussée d’une maison vénitienne de deux étages. Elle loue depuis deux ans le premier étage à un homme appelé Yiannis qui vit de la cueillette des herbes sauvages et des champignons.
Un lundi matin, voilà Petra inquiète, Nisha, la nourrice de sa fille Aliki, 9 ans, a disparu sans laisser de trace. Yiannis, le locataire, est lui aussi bouleversé. Sans que Petra le sache, car il est interdit à ces jeunes nourrices et employées de maison, principalement originaires d’Asie de fréquenter un homme, une liaison s’est nouée entre Nisha et Yiannis. Nisha se serait-elle enfuie suite à la demande en mariage que Yiannis lui a faite la veille ?
Mais la jeune Sri-lankaise a laissé dans sa chambre son passeport et ses possessions les plus précieuses : une mèche de cheveux de sa fille Kumari qui est restée au pays et un médaillon de son défunt mari.
Petra finit par signaler sa disparition à la police qui se contente de lui dire qu’elle a dû passer au Nord et qu’ils ne peuvent s’amuser à chercher des étrangères…
Ensemble, Petra et Yiannis vont unir leurs efforts pour tenter de retrouver Nisha.
Petra, qui s’était repliée sur elle-même depuis la mort de son mari survenue avant la naissance de leur enfant va regarder ces femmes d’un nouvel œil « C’était leur travail qui rythmait la vie du quartier. Elles étaient invisibles pour moi avant la disparition de Nisha ».
Yiannis, lui, ex-banquier ruiné par la crise de 2008, prisonnier d’un réseau mafieux puissant et dangereux, bien qu’ayant promis à Nisha d’arrêter ses activités illégales, continue encore le braconnage des oiseaux. « Ça ne me plaît pas de faire ça, m’efforçais-je de lui expliquer. Mais une fois qu’on a commencé, c’est difficile d’arrêter. C’est un peu comme le trafic de drogue. Il y a une grosse organisation derrière, et on ne te lâche pas facilement. C’est trop risqué. »
C’est ainsi que par le biais de l’enquête de ces deux personnes que sont Petra, son employeuse et Yiannis, son amant, Chrity Lefteri nous fait découvrir qui était réellement Nisha. C’est par l’intermédiaire de ceux qui l’ont connue que le lecteur découvre la personnalité de cette jeune femme mais aussi la vie de toutes ces travailleuses invisibles, des femmes totalement dépendantes de leurs employeurs.
Entre les points de vue des deux protagonistes dont les prénoms donnent le titre aux chapitres, s’intercale régulièrement l’histoire de ce lac Mitsero, auquel les produits chimiques toxiques de la mine à ciel ouvert de sulfure de Kokkinopezoula, maintenant fermée ont donné une teinte rouge.
Si Les oiseaux chanteurs est un excellent thriller, dans lequel le suspense va crescendo, d’autant que d’autres employées de maison vont aussi disparaître, il est avant tout un roman contemporain sociétal qui met en exergue deux facettes très sombres d’un pays par ailleurs magnifique et enchanteur tant par son climat, ses paysages que sa nourriture.
Je dois avouer que cet esclavage moderne très répandu qui sévit à Chypre m’était totalement inconnu. J’ignorais le sort réservé à ces femmes étrangères - Philippines, Népalaises, Sri-lankaises ou Roumaines - venues à Chypre pour travailler. Exploitées par leurs employeurs qui abusent de leur pauvreté, elles sont obligées de tout accepter, la plupart étant passées par des agences à qui elles doivent énormément d’argent, se retrouvant ainsi piégées sans aucune possibilité de rentrer chez elles et prisonnières de leur situation. Les conditions de ces travailleuses immigrées, victimes d’exploitation, de violences et de sexisme, dans ce petit pays européen sont absolument indignes.
Christy Lefteri née à Londres de parents chypriotes confie en fin d’ouvrage que ce roman est né pour faire comprendre que migrants ou réfugiés, s’ils se sentent obligés de quitter leur pays c’est qu’ils ont le sentiment de ne pas avoir d’autre solution. Elle s’est inspirée également pour l’écrire d’une tragédie récente qui a endeuillé Chypre.
L’autre volet de ce récit, représenté par Yiannis, est cette chasse illicite aux oiseaux migrateurs, un véritable braconnage industriel. Chaque année, des centaines de milliers d’oiseaux migrateurs piégés par des branches enduites de colle ou d’immenses filets sont tués et servis en secret dans des restaurants de l'île, générant des profits juteux pour les trafiquants, les autorités se révélant bien passives…
Trafic humain et braconnage sont au cœur de ce roman où la poésie est néanmoins bien présente.
Les portraits de toutes ces travailleuses domestiques sont brossés par petites touches et montrent avec finesse comment elles ont été réduites à l’état de choses dont on dispose à son gré.
Quelles émotions j’ai ressenti, en découvrant le parcours de Nisha, cette jeune femme sri-lankaise qui a dû laisser sa toute jeune enfant à sa mère et se résoudre à traverser les océans, pour lui offrir des études et un avenir. Comment cette femme a partagé son amour maternel avec cette enfant dont elle est devenue la nourrice et l’aimant tout autant que sa propre enfant ! Émotions également en découvrant la renaissance de Petra et le réapprentissage nécessaire pour retrouver l’amour de sa fille.
J’ai également été sensible à la façon dont ces deux êtres, Petra et Yiannis vont évoluer et peu à peu se métamorphoser. Bien que vivant auprès de Nisha, il faudra sa disparition pour qu’ils apprennent à la connaître et comprendre sa grandeur d’âme et grandir eux-mêmes.
Les oiseaux chanteurs est paradoxalement un roman extrêmement sombre et hyper lumineux à la fois, un roman pétri d’humanité, un roman où Nisha ne prend la parole que dans les dernières pages mais dont la voix demeure présente longtemps après le livre refermé.
Chronique illustrée à retrouver sur : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
Son expérience de bénévole dans un camp de migrants à Athènes avait nourri L’apiculteur d’Alep, le précédent roman de l’auteur. Cette fois, ce sont les témoignages de femmes étrangères venues s’employer comme personnels de maison à Chypre, qui ont soufflé à Christy Lefteri cette histoire inspirée de faits dramatiques bien réels.
Nisha a quitté le Sri Lanka et son bébé pour devenir nounou à Chypre. Après neuf ans de bons et loyaux services chez Petra et sa fille Adèle, et au lendemain de la demande en mariage de Yiannis, le locataire qui occupe l’étage de la maison, elle disparaît un soir de 2016, abandonnant passeport et effets personnels. La police refuse d’ouvrir une enquête, au prétexte de l’instabilité de la main d’oeuvre immigrée. Petra et Yiannis, lui-même emberlificoté dans un réseau mafieux de braconnage d’oiseaux depuis son licenciement lors de la crise bancaire et financière de 2008, tentent de retrouver trace de la jeune femme. Ils prennent alors conscience des terribles réalités vécues par toutes ces femmes, endettées à vie auprès d’agences de placement, dans l’espoir de trouver dans des pays riches le travail qui leur permettra enfin, au prix de la distance et de la séparation, de faire vivre leur famille.
L’on pourra penser au roman Chanson douce de Leïla Slimani, quand l’employeuse de Nisha réalise après coup ce dont elle ne s’était jusqu'ici aucunement souciée : la vie privée et les sentiments de celle qu’elle n’avait jamais imaginée qu’entièrement dédiée à son service. En vérité, pendant presque une décennie de partage de son intimité à elle, Petra n’a jamais eu en tête que la fonction, et non la personne, de son employée, tirant parti sans s’en douter du drame personnel de cette dernière, lui imposant ses préoccupations de femme aisée sans même se rendre compte de l’indécence du contraste entre son confort et la misère de l’autre. Pourtant, là n’est pas le pire. Car, cette indifférence généralisée, y compris des autorités, vis-à-vis de ces filles seules et sans recours, coincées par leur dette dans une situation de totale dépendance vis-à vis de leur agence et de leurs employeurs, favorise les pires abus dans le secret de ces maisons ou boutiques où elles sont parfois maltraitées, à peine logées et nourries, réduites en esclavage, et même agressées et tuées.
Au fur et à mesure que l’histoire de Nisha et de ses semblables se dévoile à Petra et à Yiannis, l’émotion se fait de plus en plus poignante, en même temps que l’inquiétude grandit. Et, alors qu’en parallèle, le lecteur assiste, consterné, au trafic de ce qu’Elif Shafak appelle « le caviar de Chypre » dans L’île aux arbres disparus, se superposent peu à peu l’image de ces nuées colorées d’oiseaux migrateurs, pris au piège des vastes filets et de la glu de l’industrie du braconnage aviaire chypriote, et celle de ses migrantes venues s’échouer, au terme d’un aventureux et courageux voyage, dans un autre traquenard tout aussi inextricable.
Christy Lefteri nous livre un nouveau roman empreint de chagrin et de révolte, inspiré comme le précédent de ses rencontres et de son engagement bénévole pour la cause des migrants. A n’en pas douter, le succès devrait être encore au rendez-vous, serrant bien des gorges et faisant même couler quelques larmes.
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