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"Je passe mes journées à regarder la mer. A peine trente trois piges et mon corps m'abandonne déjà. Ce sont mes mains qui se sont faites la malle les premières. Mes bras et mes jambes ont suivi. Mes yeux commencent à devenir capricieux, eux aussi, il parait que c'est à cause de mon coeur. Je passe mes journées à me gerber et à me chier dessus. Pas le moindre problème d'odorat, la vie est quand même mal foutue ! Ma tronche s'entête à fonctionner toute seule, comme une grande. Bientôt trois ans que je suis prisonnier de cette putain de maladie fantôme.
Une maladie orpheline, c'est comme ça qu'ils l'appellent. Il semblerait que la jeune pupille m'ait définitivement adopté. Elle a trouvé refuge au sein de ma chair et la bouffe tous les jours un peu plus. Je n'ai pourtant jamais été très famille ! Elle continue de me hanter jour et nuit.
Je reste caché sous le drap blanc mais ça fait bien longtemps que je ne fais plus peur à personne.
Je ferme les yeux très fort et j'essaie de m'échapper, de penser à autre chose. Je me souviens quand j'étais gamin, des fois, ça marchait. "
Un très joli premier roman qui, de manière délicate et sensible, permet d'engager une réflexion sur les liens familiaux, la paternité et la filiation. De son lit d'hôpital, le narrateur, Sacha, revisite sa courte vie (il a trente-trois ans) et se remémore les rencontres essentielles qui lui ont permis de grandir et de devenir le papa de Zadig.
Les personnages et les évènements qui ont jalonné son itinéraire sont vivement décrits, avec humour et tendresse.
C'est aussi un jeu avec la langue qui dit souvent plus et au-delà de ce que les mots laissent comprendre.
A lire, vraiment, pour cette douceur qui repousse toutes les haines et ne garde que l'amour.
livre bouleversant, un jeune homme qui découvre la vie et devient père... à lire absolument
"J'ai toujours été pressé. J'ai passé ma vie à l'être. (...) Aujourd'hui, je suis patient. En tout cas c'est comme ça qu'ils m'appellent". Sacha a trente-trois ans et il est en train de mourir. Une maladie dégénérative, orpheline. Les fonctions de son corps le lâchent progressivement. Impuissant, spectateur de sa chute, Sacha se souvient. Il revoit sa courte vie sous forme de flashbacks et entraine le lecteur à sa suite. C'est cru, c'est fort. Avec un style direct, qui n'élude rien, à la fois plein de rage et de lucidité.
Une enfance plutôt triste entre un père souvent violent et une mère dépressive qui suinte le renoncement, une adolescence rebelle pour résister aux quolibets de ses camarades de classe, une orientation professionnelle subie qui l'incite à devancer l'appel du service militaire, sans plus de succès. Et puis les rencontres. D'abord Françoise et Georges, les propriétaires du "Moulin", un bar cabaret de Montmartre dont il devient le barman. Avec eux, il découvre l'affection. Puis Betty, une jeune artiste peintre à qui il sert de modèle et d'amant occasionnel. Et qu'il finit par convaincre de ne pas avorter et de lui laisser élever le fruit de leurs étreintes. Sacha se reconstitue ainsi une famille et, à la mort de Georges s'installe avec Françoise et le petit Zadig à La Rochelle... Sa vie démarre, s'organise, un semblant de bonheur se faufile. Jusqu'au diagnostic fatal, alors que Zadig va fêter ses onze ans.
"Papa... j'ai toujours trouvé ce mot étrange. Ça sonne un peu comme une double détonation : Pan Pan ! Les haines en moins...". Il est joliment question de paternité dans ce roman, une paternité salvatrice, celle qui permet à Sacha de se sentir enfin utile, d'exister pour quelqu'un. La paternité présentée comme un état et une volonté plutôt qu'un simple fait biologique. La famille que l'on choisit, celle que l'on construit parfois sur les cendres de l'officielle qui n'a pas su jouer son rôle. Sacha est un écorché vif qui trouve dans quelques liens du cœur la force de se construire une vie. Le fait de savoir dès le début qu'il est en train de mourir donne à son témoignage un aspect à la fois poignant et solennel où pointent les regrets, les occasions manquées et la rage devant l’inéluctable, même s'il porte un regard très lucide sur lui-même.
Attention, âmes sensibles, on est très loin des bons sentiments et de l'eau de rose. La fin, terrible propose un autre angle de vue, pose la question du poids des mots. Un trop plein d'amour serait-il aussi nocif qu'une absence totale d'affection ?
L'auteur possède un certain talent pour jouer avec les mots et poser quelques expressions qui tapent fort, sonnent juste et créent de l'empathie pour son personnage. Son écriture directe m'a touchée. Une belle découverte grâce aux "68 premières fois".
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