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« Vous allez voir la 8ème merveille du monde ! » Cette merveille, c'est King Kong, présenté par celui qui l'a capturé à la foule des spectateurs. Un instant, les spectateurs du film dans les salles aujourd'hui frissonnent à l'unisson de ceux qui découvrirent le monstre en 1933.
Avec King Kong, le « cinéma des effets spéciaux » rentre dans son ère de gloire : une ère peuplée de créatures improbables, de mondes imaginaires ou d'événements extraordinaires ; une ère où tout s'arrange au gré des
volontés d'un réalisateur démiurge.
A la fin du 20ème siècle, le phénomène s'amplifie dans une « surenchère visuelle » sans limite, toujours plus d'effets attirant toujours plus de spectateurs.
Le constat semble évident : les récents (et moins récents) succès au box office comportent tous un nombre important de plans truqués : Titanic, Le seigneur des anneaux, Harry Potter, Spider-Man, mais aussi ET, Les
dents de la mer, La guerre des étoiles. Coïncidence, ou attrait réel du public pour la technique ? L'effet spécial, outil marketing avant tout ? Mais ce serait vite oublier, plus simplement, que tous les films ou presque font appel aux effets spéciaux. La pluie à volonté, des blessures sans conséquence, une affiche disgracieuse gommée d'un coup de palette graphique. Le numérique a facilité ces petites retouches de l'image qui, par contre coup, deviennent
totalement banales. Ces effets invisibles semblent à l'opposé des effets spectaculaires à la King Kong. Ces derniers relèvent du monstre, de la monstration : ils sont faits pour être vus, alors que les effets invisibles,
justement, ne doivent pas se voir, ni même se sentir.
Du trucage aux effets spéciaux, en passant par les trucs et les effets visuels, la même appellation regroupe des usages disparates. D'où la nécessité de revenir sur une histoire des effets spéciaux. Les effets spéciaux ne sont
pas nés avec le numérique, et ils doivent beaucoup, encore aujourd'hui, au génie des inventeurs du spectacle cinématographique de la fin du 19ème siècle. L'« esthétique » des effets spéciaux ne peut se définir sans ce
retour aux origines, des transformations de Georges (Méliès) aux images de synthèse de George (Lucas). Le goût du spectateur d'aujourd'hui (comme le prouve l'essor des makings of en bonus des DVD) pour l'information technique sur les secrets de fabrication du cinéma est un véritable paradoxe, car plus le
spectateur en sait sur l' « effet », plus celui-ci perd de son caractère « spécial ». Or le mystè re est la clef de l'effet réussi, celui qui apparaît sans sa cause.
Réjane Hamus enseigne le cinéma à l'Université d'Evry.
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