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Au cours de ses voyages en Sibérie, Pierre Kropotkine a pu observer de nombreuses situations d’entraide chez toutes sortes d’animaux confrontés aux rigueurs d’un climat extrême qui ne leur permettrait pas de survivre sans elle. Il se demande s’il n’en est pas de même chez les humains et également si l’entraide n’a pas été déterminante dans le processus d’évolution de nos sociétés. Ces impitoyables luttes pour la vie, constatées chez les animaux, ou même ces luttes de chaque « sauvage » contre tous les autres puis de chaque être « civilisé » contre tous les autres ne sont-elles pas compensées, transcendées par une solidarité et une entraide généralisée ? Le monde moderne ne reposerait-il que sur le « chacun pour soi et l’Etat pour tous » ? À l’occasion de migrations, de défense naturelle ou de chasse, très rares sont les espèces qui ne la pratiquent pas. L’auteur poursuit son étude avec les peuplades primitives de la Préhistoire et d’endroits reculés de la planète. Bien avant la famille mono-nucléaire, la tribu, la bande furent les toutes premières formes de vie sociale la pratiquant systématiquement pour survivre. Puis il étudie toutes les périodes historiques jusqu’à nos jours pour voir comment ce phénomène a évolué…
« L’entraide, un facteur d’évolution » est un essai sociologique et historique passionnant, paru d’abord sous forme d’une suite d’articles dans un journal britannique « 19th Century ». Très bien écrit et parfaitement documenté (nombreuses notes et appendices en fin d’ouvrage), il n’a pas pris une ride en dépit de son grand âge (1906). L’étude s’achève avant la révolution bolchévique sur le constat que le monde moderne (enfin celui de l’époque) a réduit comme peau de chagrin la solidarité et l’entraide, même s’il en trouve encore quelques traces avec les syndicats ouvriers ou les associations diverses et variées (type loi 1901). Principe de base de toute société humaine, l’entraide qui était vitale et systématique chez les tribus primitives a donné naissance aux communautés villageoises et aux villes libres qui ne dépendaient que d’elles-mêmes, organisaient leurs échanges, leur commerce, leur justice et disposaient même de terres en propriété collective. Il constate le début de la fin vers les XIVe et XVe siècle quand les paysans, un peu négligés par les bourgeois des villes, pensèrent trouver aide et protection auprès de seigneurs ou de prélats qui profitèrent de la situation pour commencer à s’enrichir en privatisant d’importantes portions du territoire. La Révolution de 1789 acheva le processus en interdisant les guildes, les corporations et toute forme de regroupement en dehors d’elle-même (Loi Le Chapelier). Toutes les Jacqueries, révoltes, mouvements populaires et même la Réforme protestante ne furent que des tentatives pour revenir au principe de solidarité d’antan. Le lecteur termine sa lecture en se demandant ce que le prince Kropotkine, idéaliste et grand inspirateur de l’anarchisme, pourrait dire aujourd’hui de notre société atomisée, où le citoyen ne connait pas son voisin de palier mais attend tout de l’Etat-Providence.
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