"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
C'est l'histoire d'un banquier qui veut tout dépenser. Au début des années 90, le jeune Bataille arrête la philosophie pour s'inscrire dans une école de commerce et décroche son premier poste à Béthune, dans la succursale de la Banque de France. Dans cette ville où la fermeture des mines et les ravages du néolibéralisme ont installé un paysage de crise, la vie du Trésorier-payeur devient une aventure passionnée : protégé par le directeur de la banque, Charles Dereine, il défend les surendettés, découvre le vertige sexuel avec Annabelle, une libraire rimbaldienne, s'engage dans la confrérie des Charitables, collabore avec Emmaüs et rencontre l'amour de sa vie, la dentiste Lilya Mizaki. Comment être anarchiste et travailler dans une banque ? Peut-on tout donner ? Yannick Haenel raconte comment il est possible, par la charité et l'érotisme, de résister de l'intérieur au monde du calcul.
Yannick Haenel, avec Le Trésorier-payeur, réussit une performance littéraire de haute volée. Après l’avoir écouté présenter son dernier roman aux Correspondances de Manosque 2022, j’étais curieux de lire cet écrivain que je retrouve chaque semaine dans CHARLIE Hebdo (Qu’avez-vous vu, monsieur Haenel ?)
Ici, la performance est complètement différente. Malgré quelques longueurs, quelques développements pas toujours très utiles, j’ai été époustouflé par de nombreuses pages dans lesquelles Yannick Haenel laisse s’exprimer son talent tout en glissant quelques confidences.
Dans une première partie un peu longue, l’auteur met en place son histoire qu’il va faire vivre dans les anciens locaux de la Banque de France, à Béthune. Léa Bismuth l’a invité avant l’ouverture d’une exposition sous l’influence de Georges Bataille, expo consacrée à l’art contemporain.
C’est là que, guidé par Philippe Massardier, dans des locaux en chantier, il apprend que la maison de briques rouges, isolée, à l’arrière de la Banque de France, était reliée à celle-ci par un tunnel.
Celui qu’il va appeler Le Trésorier-payeur, était simplement trésorier de la Banque de France de Béthune. Cet homme, nommé Georges Bataille, étonnante coïncidence, fut en poste, dans la sous-préfecture du Pas-de-Calais, de 1999 à 2007.
Alors, Yannick Haenel met en place tous les éléments de son récit, allant jusqu’à aider à meubler le bureau du Trésorier-payeur, dans une chambre, à l’étage de cette Banque de France, ouverte à Béthune, en 1910 et fermée en 2007.
La partie essentielle du roman débute enfin et c’est chaud ! Le Trésorier-payeur, âgé de 43 ans, retrouve chaque jour, à 17h, Lilya Mizaki, chirurgien-dentiste à Béthune. Leurs baisers sont fougueux, passionnés et leur voyage de noces, à Kyoto, au Japon, offre des scènes d’un érotisme torride.
Pour retrouver ces deux amoureux fous, il faudra attendre quelques centaines de pages car l’auteur me plonge dans ce que fut la vie de celui qu’il nomme pour l’instant Bataille. Cet homme, nourri de philosophie, passionné de lecture, qui écrit compulsivement, entre à la Banque de France un peu par hasard, à la faveur d’un job d’été.
À partir de là, rencontres, événements, sautes d’humeur, séquences enthousiasmantes, déprimes profondes se succèdent car la vie de cet homme est pleine d’aventures étonnantes comme cette visite de Ronald Reagan dans la salle des coffres, la Souterraine, à la Banque de France, à Paris. Déjà, le souterrain et des tas de lingots d’or…
Avec de tels événements, Yannick Haenel ne se prive pas d’exprimer son avis sur le pouvoir de l’argent et sur la place de la poésie dans un monde où elle ne semble pas exister. Bien sûr, il suit Bataille, sa formation, ses espoirs, ses déceptions, ses amours jusqu’à ce qu’il débarque à Béthune, en janvier 1991.
Bien qu’il soit très original, profondément anticonformiste, celui que l’auteur nomme maintenant le Trésorier-payeur, rencontre régulièrement de précieux amis qui l’empêchent de sombrer complètement. À la Banque de France, il s’occupe des endettés et se découvre une âme charitable au-delà de ce qui est normal.
Patience, le tunnel entre la maison et la Banque de France, est bien là et donnera l’occasion à l’auteur d’offrir quelques envolées lyriques de haute facture.
Le Trésorier-payeur, roman d’excellente qualité littéraire, m’a charmé avec ses séquences poétiques, étonné lorsqu’il aborde l’ésotérisme, la philosophie, émoustillé avec ses belles séquences érotiques mais fallait-il amener de temps en temps la religion, même assez hors des normes, pour étoffer le tableau ?
Qu’importe, avec Le trésorier-payeur, j’ai lu avec plaisir, pour la première fois, un roman de Yannick Haenel et je sais que, chaque semaine, je le retrouverai dans sa chronique de CHARLIE Hebdo.
Chronique illustrée à retrouver sur https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2023/04/yannick-haenel-le-tresorier-payeur.html
Un livre dont l'action se déroule en partie dans ma ville, je ne pouvais pas résister ! Surtout que l'auteur va venir prochainement échanger avec le public autour de son livre dans les-lieux même qui l'ont inspiré !
L'ancienne succursale de la Banque de France à Bethune à été transformée en lieu de production d'arts visuels (Labanque).
A l'occasion du projet d'exposition nommé Dépenses, consacrée à l'influence de Georges Bataille, Yannick Haenel a été invité à apporter sa pierre, sa réflexion, sa créativité.
Le résultat en est ce livre.
La première partie expose la maturation de ce projet littéraire, l'influence des lieux, de l'architecture de la ville, de quelques unes de ses particularités et traditions, d'un homonyme incroyable, d'objets...
Puis se déroule l'histoire du Trésorier-Payeur, un être étonnant et atypique, jeune étudiant en lettres, bifurquant vers la finance après une "révélation" inattendue.
Les références et réflexions philosophiques sont nombreuses et érudites, rendant parfois la lecture ardue à une néophyte comme moi. Le ton est souvent sensuel, l'érotisme en toile de fond. Des questions fondamentales voire existentielles sont abordées, les notions de temps, de solitude, d'argent, de dépense...
J'ai adoré déambuler par écrit dans des lieux familiers. J'ai dû parfois m'accrocher, revenir en arrière...mais force est de constater que cette lecture hors de mes sentiers battus, qui a mis mon cerveau en ébullition, continue de m'habiter à distance...
Dans les 65 premières pages de son roman, Yannick Haenel expose longuement ( un peu trop à mon goût) la genèse de l'histoire qu'il va nous raconter.
Invité à participer à une exposition qui inaugure un centre d'art contemporain, sur l'emplacement de l'ancienne Banque de France de Béthune, il visite le bâtiment, toujours en chantier, en compagnie des autres artistes . L'exposition est dédiée à Georges Bataille, et tourne autour du thème de la dépense que celui-ci a développé dans "La part maudite".
Ce concept, astucieusement choisi pour une ancienne banque, enflamme l'imagination de Haenel. D'autant plus lorsqu'il apprend que l'ancien trésorier de la banque s'appelait également Georges Bataille. L'auteur développe alors quelques théories sur l'art contemporain, la philosophie et l'économie qui serviront de contexte à son roman mais s
Le tresorier-payeur, d'abord étudiant en philosophie, fait une expérience quasi mystique devant la porte de la Banque de France.
« La porte de la Banque de France avait allumé dans sa vie un feu inattendu auquel il se devait, désormais, de rester fidèle ; peu importait qu’il ne fût pas à sa place dans le monde de l’économie : c’était précisément parce qu’il n’était nulle part à sa place que l’existence exigeait de lui des révélations ».
Il décide alors de devenir banquier et s'installe à Béthune.
Alors qu'au début des années 1990 le néo-liberalisme est encore flamboyant, il se consacre aux impayés et au recouvrement des dettes qu'il combat avec ardeur. Loin du monde de la finance et du profit, alors même qu'il s'est engagé dans ce monde, il devient le banquier charitable, avec une devise en totale contradiction avec sa profession :
"Seul ce qui est gratuit nous sauve. La solution ce n'est pas l'argent. La solution c'est la gratuité."
Il accueille dans sa maison de briques rouges, reliée à la banque par un souterrain-refuge, ceux qui sont couverts de dettes.
Dans ses deux bureaux-jumeaux, il exécute sa fonction de banquier consciencieux, tout en lisant les philosophes et en rêvant au banquier anarchiste de Pessoa.
Alors même qu'il a choisi de travailler dans une institution mortifere et si loin de ses préoccupations initiales, il échoue à dynamiter le capitalisme mais s'épanouit dans de nombreuses aventures amoureuses et sexuelles. C'est que le banquier n'economise pas ses forces et dépense son ardeur avec de jeunes femmes tout aussi ardentes, jusqu'à trouver l'amour qui lui permettra d'echapper aux chiffres et au calcul.
En s'engageant dans la confrérie des Charitables, une institution à Béthune, et auprès de la communauté Emmaus, il choisit l'érotisme et la solidarité pour échapper à la domination de la finance et simplement être heureux.
Aucune naïveté ni angélisme dans ce roman brillant mais parfois trop bavard qui imagine un vrai personnage, un philosophe altruiste empli de contradictions.
Une mise en abime brillante avec l’auteur qui nous donne les ingrédients qu’il collecte à l’occasion d’une participation à une exposition (intitulée « Dépenses ») sur Georges Bataille (1897-1962) … pour ensuite développer son histoire avec un George Bataille (des années 1990 et au-delà) qui est imbibé de références du Bataille du début XX ème (tant par ses lectures : Hegel, … que l’importance de l’érotisme et de l’amour … ) avec des développements sur la crise économique, les lois du marché, les mécanismes de surendettement, etc … mais aussi de la charité et de l’empathie, de l’aide aux démunis, etc…
Le quatrième de couverture donne l’essentiel de l’histoire (modulo certains développements comme par exemple la visite savoureuse de « la souterraine » au siège de la Banque de France à Paris où se trouvent les réserves d’or de la France : une grande salle enterrée (à 26 mètres de profondeur) sous la Banque de France à Paris avec ses colonnes dignes d’une cathédrale ou d’une mosquée ; avec la visite de Reagan …). Moins que l’histoire c’est le déroulement du parcours initiatique de Bataille (le héros), de ses actes, relations, pensées, de ses aventures érotiques jusqu’à trouver l’harmonie et la femme de sa vie.
Un vrai intérêt et plaisir de lecture.
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