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Il y a cent ans, la révolution russe d'Octobre 1917 générait une espérance planétaire. Pourquoi, portés par le souffle de cet événement, des centaines de millions de personnes ont-elles cru au communisme ? Se distinguant des interprétations de François Furet (une illusion) et de Stéphane Courtois (un système criminogène), cet ouvrage, basé sur les autobiographies de communistes français, révèle les motivations singulières de militants convaincus par la révolution bolchévique et analyse ce que fut ce système : un nouveau type de pouvoir basé sur la domination d'une élite issue du peuple.
Qui étaient ceux qui ont cru à cette révolution d'Octobre 1917 qui allait bouleverser le cours du XXème siècle ? Alors que la Première Guerre mondiale signe par les dizaines de millions de victimes qu'elle génère l'échec d'un vieux monde, un nouveau pouvoir se réclamant du peuple et de la classe ouvrière se met en place en Russie. L'événement ébranle le mouvement socialiste, les courants anarchistes, le syndicalisme, le monde intellectuel. Chacun doit prendre parti. En France, une majorité de la Section française de l'Internationale ouvrière prend fait et cause pour le communisme, la CGT se scinde. On connaît bien les débats auxquels donnèrent lieu ces partitions, on connaît peu en revanche les motivations personnelles de ceux qui épousèrent la cause de cette révolution inédite. Provenaient-ils tous des mêmes sphères idéologiques ? Pourquoi un paysan, un métallurgiste, une ouvrière illettrée, un anarchiste, un catholique, une juive, un « indigène » algérien, un philosophe, un écrivain se retrouvent-ils tous, à un moment de leur vie, séduits par la nouvelle espérance née d'Octobre 17 ?En retraçant leurs itinéraires, grâce à leur autobiographie, exercice obligatoire pour entrer au Parti communiste, Bernard Pudal et Claude Pennetier, co-auteurs du Siècle des communismes (Atelier, 2000), mettent en évidence les motivations multiples d'hommes et de femmes qui ont décidé de vouer leur existence au Parti de la Révolution d'Octobre. On découvre ainsi, au fil des autobiographies, la diversité des ressorts sociaux et intimes de ces adhésions, leur étonnante singularité en même temps que le poids de la discipline que leur impose un système politique inédit. Le récit et l'analyse fouillée de ces trajectoires communistes provenant des horizons sociaux et idéologiques les plus divers permet de jeter un regard nouveau sur ce que fut le système communiste. Non pas seulement un système essentiellement motivé par l'élimination physique des ennemis de classe ni une simple illusion, mais une biocratie : un système reposant sur le pouvoir d'une élite issue du peuple.
2017 est l’année du centenaire de la révolution russe. Certains parlent de révolutions russes au pluriel, parce qu’il y a d’abord eu le renversement du tsar en février, puis la prise du pouvoir par les bolcheviks en octobre. Si le titre de l’ouvrage parle du « souffle d’octobre 1917 », c’est parce que, comme le sous-titre « L’engagement des communistes français » l’indique, il s’intéresse au régime communiste et à l’engouement qu’il a provoqué en France.
Tout ce qui concerne la Russie me passionne, aussi, dès que je vois un livre traitant de ce pays, je ne résiste pas. Quand j’ai vu cet ouvrage dans la liste des livres proposés par Babelio lors du dernier Masse critiques, j’ai sauté sur l’occasion. Le livre de Pudal et Pennetier réunit deux aspects qui m’intéressent : l’histoire de l’URSS et l’étude du Parti communiste français (PCF) (mes études en science politique jouent beaucoup dans cet intérêt !).
La question à laquelle tente de répondre le livre est : pourquoi, en France, tant de personnes d’horizons divers ont adhéré à la discipline du PCF, imposée par Moscou ? Si l’on s’intéresse à ces engagements militants à travers notre regard, l’adhésion au parti peut nous sembler étrange, voire risible. Quoi, des gens ont cru au projet soviétique ? sommes-nous tentés de nous demander avec un accent moqueur dans la voix. Alors qui étaient-ils ? Des utopistes qui ne voyaient pas la répression mise en place par le Parti communiste, ou qui ne voulaient pas la voir ? Certains auteurs ont répondu en parlant d’illusion : les militants étaient aveuglés par la propagande communiste. Cette thèse ne paraît pas satisfaisante aux yeux des auteurs.
Pour répondre à la question de l’engagement des militants français, les deux auteurs se sont penchés sur des documents d’une grande richesse : des notices biographiques rédigées par les militants. Ceux-ci devaient en effet répondre à des questionnaires établis par Moscou. Les catégories de questions sont les suivantes : origine et situation sociale ; situation de parti ; instruction et développement intellectuel ; participation à la vie sociale ; répressions subies et casier judiciaire.
Recueillis par le PCF, les documents étaient ensuite envoyés illégalement à Moscou. Le but était de contrôler les militants et de savoir lesquels pouvaient constituer des sources d’ennuis, comme des militants qui se révéleraient être des taupes par exemple. Mais Moscou se sert aussi de ces autobiographies pour valoriser les bons éléments. Ce sont donc des évaluations qui permettent au Parti de contrôler ce qui se passe au-delà des frontières de l’URSS. Pour les auteurs, ces documents sont riches d’enseignement.
« Ce qui caractérise ce questionnaire, c’est donc son extrême précision qui n’a pas seulement un sens policier ou politique mais aussi une dimension sociologique. » (p.53)
Dimension sociologique parce qu’il faut « constater la diversité des trajectoires conduisant au PC, la singularité de chaque destin militant, mais aussi la pluralité des rapports au « Parti », du fidéisme sans faille au doute dévastateur ». (p.19)
C’est ce qu’étudient dans ce livre les auteurs. Les documents reposaient en Russie mais ont été mis à la disposition des chercheurs il y a quelques années. Ces archives ont fait l’objet d’un travail de dépouillement de 1992 à 2014. C’est donc un important travail qui a été effectué pour analyser les documents. Je tenais à le préciser parce que c’est un travail de fourmi qui fait de ce texte un document de référence.
Après des explications générales sur l’importance de ces autobiographies, que les auteurs mettent en lumière avec l’histoire du PC, viennent des parties thématiques constituées d’informations et de la retranscription de notices biographiques. La lecture des réponses des adhérents est passionnante. Nous plongeons dans l’histoire de ces hommes et de ces femmes venant de tous les horizons. Ces derniers sont mis en évidence par les parties thématiques : nous découvrons donc des anarchistes, des ouvriers, des syndicalistes, des paysans, des Juifs, des Algériens, des catholiques, des intellectuels… Leurs réponses aux questionnaires nous renseignent sur leurs motivations et leurs rapports au Parti.
Les aspirations sont diverses. Lutte contre le capitalisme. Défense des droits des ouvriers et des ouvrières. Souhait d’une société plus juste et équitable. Défense des minorités. Pour certains, c’est la volonté de faire partie d’un groupe qui les motive. Il faut savoir que le Parti communiste français n’encadrait pas seulement ses membres pour les questions politiques mais les accompagnait dans tous les aspects de leur vie. C’était pour beaucoup d’entre eux bien plus qu’un parti politique. Les témoignages nous permettent d’en savoir plus sur ce qu’apportait le PCF à ces militants.
Le souffle d’octobre 1917 est donc une petite mine d’or, un concentré d’archives passionnantes savamment éclairées par des explications très intéressantes. L’ouvrage peut plaire aux politistes et historiens mais aussi à un plus large public puisque les auteurs contextualisent les témoignages.
A mettre entre les mains des curieux qui se demandent pourquoi octobre 1917 a provoqué un tel engouement en France !
https://vagueculturelle.wordpress.com/2017/03/07/le-souffle-doctobre-1917-bernard-pudal-et-claude-pennetier/
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