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En 1931 Hagop Oshagan commence à publier Mnatsortats, la plus puissante unité romanesque du XXe siècle en langue arménienne. Oshagan avait pour ambition d'écrire le «reste», «ce qui reste de notre peuple». Dans un entretien en 1931, il s'exprime pour la première fois sur son entreprise: «Le contenu de la troisième partie sera la Déportation. Cette partie aura pour titre L'Enfer. Bien entendu, ce sera la partie la plus difficile, puisque le pouvoir de la fiction romanesque est insuffisant à lui seul pour l'embrasser tout entière. Il faudra que je mène au moins une étude topologique, que je lise des milliers de récits et des centaines de volumes, de témoignages et de mémoires, avant de commencer à rédiger cette partie. Je ne peux qu'être mélancolique lorsque je mesure ce rêve à l'aune de mes bras». Or il se trouve qu'Oshagan s'est interrompu au terme de la seconde partie. Comment lire cet échec? Est-il déjà inscrit dans le roman tel qu'il nous est donné à lire? Ou bien faut-il chercher la réponse en dehors du roman? Après tout, Mnatsortats voulait-il être un témoignage de plus ou une oeuvre littéraire? Est-ce que la distinction est pertinente? Et finalement: est-ce que l'échec d'une entreprise romanesque d'aussi grande envergure face à la Catastrophe peut nous apprendre quelque chose sur la nature de celle-ci? En effet, savons-nous ce qu'est la Catastrophe? Savons-nous de quoi le témoignage est censé témoigner? Et si, à travers son échec, un roman donne à lire les conditions de la Catastrophe, cet échec n'est-il pas, par là-même, la plus grande réussite, la seule réussite possible.
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