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« Elle est une enfant qui refuse de grandir. Une actrice effrayée à l'idée de jouer. Une femme qui se rêve en homme. Une amante qui se défile. Une misanthrope que la solitude terrifie. Elle est le trouble, le clair-obscur, le flottement, l'hésitation, l'énigme, la versatilité. La zone grise. Elle est la poésie même. » New York, 1982. Greta Garbo se rend incognito dans un cinéma de quartier pour voir Le Portrait de Dorian Gray, film dans lequel elle a incarné le rôle-titre au début des années cinquante.
Le temps de cette séance, la vieille dame retrace le chemin parcouru de son enfance misérable en Suède à sa renommée internationale. Dans les autres fauteuils de la salle, des spectateurs qui l'ont reconnue se plongent dans leurs souvenirs et esquissent leur propre portrait de l'actrice.
Solitude, ambivalence sexuelle, peur de vieillir... Dans ce jeu entre fiction et réalité, entre Gray et Garbo, se dessine la personnalité fascinante d'une femme moderne qui s'est battue pour son indépendance financière et artistique, et qui a choisi la disparition précoce pour préserver son mythe.
Catherine Locandro est une romancière et scénariste franco-belge. Elle est notamment l'autrice de Clara la nuit (Gallimard, 2004, prix René-Fallet 2005), L'Enfant de Calabre (2013), L'Histoire d'un amour (2014) et Des coeurs ordinaires (Gallimard, 2019).
New York, 1982.
Une femme avance. Lenteur de ses gestes. Depuis un accident l'année d'avant qui l'a privée de l'aisance de ces mouvements.
Une femme avance pour se revoir sur grand écran. Dans l'obscurité de cette salle de la 57ème Rue. Entrer la dernière, repartir la première. Et ainsi préserver son anonymat qu'elle chérit tant.
Mais quand on a été la Divine Greta Garbo, peut-on vraiment échapper aux regards de ceux qui l'ont adulée ?
Une femme avance et s'assied sur un fauteuil, au bout d'une rangée.
Le film débute. Et dans sa tête, un autre long métrage démarre aussi. Bobine de ses souvenirs que certains proches viennent commenter. Comme si à dialoguer avec ses fantômes, Greta esquissait son portrait.
Le Portrait de Greta G.
De Greta Garbo, je connaissais certains longs métrages. Et puis, sa décision de prendre sa retraite après cette comédie où elle avait eu la sensation de faire naufrage. Aussi, j'ai été ravie de découvrir ce titre en lecture commune avec ma chère @hanyrhauz.
Ce roman s'ouvre sur une scène d'élan. Où la jeune Greta fait une fugue.
Puis, on avance dans le temps. Direction cette rue de New York où Greta est toujours animée par un même élan mais où sa force vitale s'est forcément amoindrie sous le poids des ans.
Cet élan, on pourrait le caractériser par une volonté de fuir et de se faire oublier. Fil conducteur d'une existence pourtant très vite sous la lumière des projecteurs.
Dès le choix de ces deux séquences d'ouverture, j'ai su que j'allais aimer cet ouvrage. Et le reste de la construction narrative n'a fait que confirmer cette première impression. Pour nous permettre d'approcher le mystère Garbo, Catherine Locandro fait le choix d'intercaler aux passages sur Greta Garbo des extraits des dialogues et des moments les plus importants du Portrait de Dorian Gray. Un film tellement bien décrit qu'on croit qu'il a bien été tourné et qu'il serait possible de le voir en entier.
Alors qu'il faisait partie des projets avortés de Greta pour revenir sur le devant de la scène. Elle rêvait de ce rôle de Dorian. Mais, les producteurs frileux lui refusèrent ce rôle masculin.
Par la force de la fiction et de la plume de l'autrice, c'est comme si ce rêve avait été finalement réalisé. Et reste le regret poignant que cela ne soit pas le cas. Tant Greta Garbo aurait pu livrer là sa performance la plus marquante.
Parallèle donc entre Dorian et Greta/ Réflexion sur l'art et la caméra qui peuvent enfermer une image qui n'est pas vraiment la nôtre/ Monologue intérieur d'une femme au crépuscule qui parfois, parle à ceux qui ne sont plus/ Plongée également dans les pensées de cette aspirante actrice aussi dans la salle que Greta inspire tant et de ce patron du cinéma qui déjà, enfant, admirait la Divine.
Grâce à cette intrigue aux multiples facettes, la Divine m'a moins semblé constituer un être de fuite. Comme si les mots de Catherine Locandro avaient réussi à fixer dans un hommage sensible et émouvant quelques points saillants. L'enfance suédoise, le départ pour Hollywood, sa carrière là-bas, les relations qui ont compté...
Et ce portrait en clair-obscur, si lumineux, je ne peux que vous le conseiller. Il s'agit d'un passionnant voyage sur les traces de Greta G., sur les traces aussi de ce cinéma de l'âge d'or désormais évanoui..
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