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« Pour Le Corps lesbien j'étais face à la nécessité d'écrire un livre entièrement lesbien dans sa thématique, son vocabulaire et sa texture, un livre lesbien du début à la fin, de la première à la quatrième de couverture. Je me trouvais par conséquent devant une double béance : celle de la page blanche que doivent affronter tous les écrivains lorsqu'ils commencent un livre, et une autre de nature différente : il n'existait aucun livre de ce genre. Jamais je n'ai relevé un défi aussi radical. Pouvais-je tenter cela ? En étais-je seulement capable ? Et quel serait alors ce livre ? J'ai gardé le manuscrit six mois dans un tiroir avant de le donner à mon éditeur. » Monique Wittig
J/e aime tu. Physiquement et intensément. Ce livre n'est ni un roman, ni un essai. Ce livre est la description d'un amour physique en épisodes ou de plusieurs relations sexuelles entre deux femmes. Elles sont supposées par le titre. Elles n'ont ni prénom ni caractéristiques précises. Ce récit est entrecoupé d'une liste continue de vocabulaire sur le corps lesbien. Les mots se suivent sans ponctuation, dans une police taillée comme un titre. La chaîne de récit et celle des mots se croisent.
J'ai ouvert ce livre à la faveur de la réédition du livre de Monique Wittig et son retour sur le devant de la scène. Ce texte n'a pas d'introduction particulière. J'y ai plongé et vite perdu mes repères. Il y a bien entendu le "j/e" continuellement découpé qui a raisonné avec un thème important aujourd'hui, la perte d'identité. Cette coupe étonne, amplifié par la faible ponctuation. Les phrases se suivent vite, augmentant l'intensité sexuelle qui lie les personnages.
Pour deux raisons, le sujet est inédit et la forme radicale. Pour apprivoiser ce texte, je me suis laissé bercé par la musique de l'écriture. Le j/e et le tu me sont devenus familières et le rapport entre elles m'a ému, surpris, ébloui et terrifié. Le désir s'exprime dans toutes ses nuances. Juste entrecoupés de sauts de lignes, les paragraphes semblent se répondre et s'interrompre. Comme le dit le poème de Verlaine, ces deux femmes ne sont ni tout à fait les mêmes, ni tout à fait des autres. Elles s'aiment et se comprennent. Elles sont connectées. Le temps d'immersion dans les pages de ce livre sont étourdissantes.
La postface de l'autrice apporte des clés. Elle dévoile les coulisses de sa création et de son laboratoire. Ses intentions sont définies très clairement et la pensée qui l'anime veut trouver une forme adaptée, assez forte pour la porter. Ces quelques pages rappellent également la volonté artistique et puissante du geste, du découpage et du montage textuel.
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