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À l'inverse du corps occidental, le corps japonais n'est pas autonome. En vertu du précepte shintô, il fait partie de la Nature. Chaque japonais contracte envers lui une dette : lui rester fidèle.
L'ouvrage de Dominique Buisson explore tous les aspects de ce corps si particulier qui n'est qu'un des multiples composants de ce monde peuplé de divinités et doit être, comme elles, sans cesse préservé de la souillure. Nu, le corps rappelle cette pureté originelle ; habillé, il n'est plus qu'apparence, illusion. Au Japon, cacher est un moyen d'expression et toutes les relations humaines tournent autour de cette ambiguïté. Les principes en usage, les comportements en société sont tous dictés par le tatemae, l'apparence extérieure, mais le plus important est ce qui reste caché, le honne, la véritable intention. L'homme japonais est lui-même une image ; son propre corps fut toujours un support idéal pour exprimer son appartenance, ses craintes, ses refus et ses espoirs. Son costume, son maquillage, sa gestuelle étaient ritualisés et codifiés, comme les principes de l'art, pour répondre aux règles esthétiques garantissant l'harmonie de la société.
À travers cette histoire culturelle du corps, c'est tout ce système de codes et d'esthétique du comportement que l'auteur décrit : le corps sacré, le corps des ténèbres, le corps théâtral avec les célèbres acteurs Kabuki. Le corps spatial lui-même est abordé dans la mesure où l'architecture japonaise, conçue sur le modèle du corps humain pour garantir cette harmonie gère son espèce, se transforme selon ses besoins journaliers plutôt que de lui imposer des fonctions fixes comme en Occident. Le corps social surtout incarne l'absence d'ostentation. Au Japon, l'idée de beauté personnelle commence à trouver droit de cité après la Seconde Guerre mondiale. Autrefois, l'absence d'ostentation, l'élégance innée de la modération, la retenue mêlée de mélancolie constituaient alors la marque d'une conception typiquement japonaise qui se différenciait des arcanes du goût chinois et dont les mystères ont durablement conditionné le regard japonais.
Pour les hommes, Le corps nu s'apparentait à une certaine forme d'esthétique par le tatouage, conçu non pour « faire beau », mais pour exprimer le courage ou la superstition.
Le Corps amoureux et le Corps maquillé à cet égard représentent les véritables clefs de compréhension du monde nippons. Si les canons ont souvent changés, la femme japonaise a toujours attiré le désir par la fine texture de son épiderme et sa chevelure noire lustrée. L'érotisme du kimono est l'autre grand acteur de la beauté, non seulement pour ce qu'il cache ou dévoile imperceptiblement, mais aussi pour lui-même. Par le geste qu'il contraint, il révèle le corps, rend présent son absence. Il faudra attendre le début du XXème siècle pour voir des auteurs comme Tanizaki porter le corps à un sommet de sensualité et d'ambiguïté, mais ce fut surtout après la Seconde Guerre mondiale que le corps nu devint l'une des tentations de l'Occident et un moyen de lutter contre les inhibitions traditionnelles. Les Japonais commencèrent alors à manifester un intérêt très vif pour les traits dynamiques du visage occidental, au point de bouder la classique beauté nationale faite de « fondu et de vague » et de recourir à la chirurgie esthétique pour la modifier. L'ouvrage achève son exploration avec ce nouveau culte du corps et les créations de Yohji Yamamoto et Issey Miyake.
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