"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
L'enjeu d'un tel livre, inédit jusqu'ici par sa formule, tient à une constatation à la portée de chacun : si on veut prendre la mesure d'un Ghiberti, d'un Masaccio, d'un Donatello ce n'est pas au musée des Offices ou au Bargello qu'il faut courir, mais au Baptistère de Florence, à Santa Maria del Carmine, à San Lorenzo. Où goûter le mieux la peinture florentine du Trecento, Fra Angelico ou Pontormo ? Certes pas à l'Académie mais à Santa Croce, au couvent de Saint Marc, à Santa Felicita. Nulle part le génie de Michel Ange n'est plus éclatant qu'à la chapelle Médicis de San Lorenzo...
En invitant à un parcours inédit, cette histoire de l'art non muséale, au plus près de celle de Florence parce que plus proche de son histoire civile et religieuse, suscite un autre regard. Parce qu'elle respecte mieux les temps et les lieux, en décrivant à fond chaque grande église, et topographiquement la chronologie accumulative des oeuvres léguées par les siècles, cette approche provoque un saisissement d'admiration pour tant de ferveur et à tant de chantiers. Une alliance inédite du bourgeois, de l'artiste et du clergé, une culture plastique exceptionnelle, une émulation, une rivalité inouïe entre corporations, ateliers, ordres religieux, quartiers : il fallait au moins tout cela pour accomplir une telle révolution artistique Un des aspects les plus caractéristiques de l'église florentine est d'abord sa capacité de dialogue avec la cité. L'histoire politique y est inscrite sur ces édifices, à commencer par tous les hommes de guerre de la Renaissance représentés par Ucello, Andrea del Castagno, Verrochio sur les parois du Dôme, Un tel ouvrage est la démonstration éloquente que l'alliance du civil et du religieux a fait la fortune culturelle de cette ville. L'église corporative d'Orsanmichele, par exemple, où se sont mesurés Ghiberti, Donatello, Nanni di Banco et Verrochio, n'a-t-elle pas été le plus grand chantier de sculpture de la Renaissance ?.
Mais surtout, ce qui frappe c'est le caractère d'exemplarité au plan culturel des grands sanctuaires. Exemple, entre 1330 et 1452, le Baptistère, à travers le décor de ses portes, de Pisano à Ghiberti, retrace l'affirmation du langage figuratif, jusqu'à l'avènement de la perspective, mieux que ne peut le faire n'importe quel musée. Avec ses figures en ronde-bosse placées sur ses portes, il résume l'aventure de la sculpture florentine du gothique au style de Michel Ange. De son côté Santa Croce est un résumé saisissant des conquêtes picturales et architecturales des tous débuts de la Renaissance florentine avec les fresques de la chapelle Bardi par Giotto et les volumes harmonieux, fondateurs de la vision humaniste, de la chapelle Pazzi de Brunelleschi.
Enfin, le sentiment religieux de la divinité s'y inscrit dans son riche parcours, depuis la tradition byzantine, avec la mystique romane, la gravité et la suavité gothiques contemporaines de l'installation des ordres mendiants au XIIIe siècle à l'origine de l'art de Fra Angelico à Saint Marc, la miséricorde de la Renaissance et l'expressivité maniériste jusqu'à l'aube de la Contre-Réforme.
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