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Deux récits, l'un centré sur une petite fille puis une adolescente, l'autre sur une femme. Peut-être -?sans doute?-, le même personnage à différents moments de sa vie? Larmes de crocodiles évoque les relations de la petite fille avec sa mère. La tension est extrème, la mère est peut-être un monstre. En même temps, chaque étape est mise en pesrpective avec un conte. L'histoire personnelle, intime, devient histoire universelle. La mère et la fille, des types. Siamois explore la relation d'emprise au sein d'un couple. Racontée du point de vue de la femme, qui subit la violence et s'adresse à son compagnon, son bourreau mais aussi son siamois, en «tu».
L'enfant-fille grandit, et ces larmes-là, de crocodile, de bête esseulée, farouche, ne sont que le début.
Le rejet de la mère, comme inévitable. Puisqu'il faut grandir, cesser de pleurer pour attirer son attention. On tentera d'autres choses. D'autres folies. Maman, dis-moi que tu m'aimes, et les larmes alors viennent à la place des mots qu'on ne sait plus dire.
Découpé en conte de fées. Défaits. Défaite. Cette premiere partie est généreuse, elle donne à voir des blessures profondes. Des guerres qu'on ne gagne pas. Qu'on ne perd pas non plus. L'enfance.
Et puis la femme.
Blessée. Inassouvie.
La femme noyée. Ensanglotée. Ses chagrins n'y suffiraient pas. Alors on ouvre la plaie, en grand, à deux mains, à vif, qu'elle saigne, qu'elle pleure.
Il y a eu les enfants à consoler.
Le mari dont on essaie de se consoler.
Comment lui dire tu m'as déçue. Comment lui dire : Je me suis déçue d'accepter que tu me déçoives.
Alors on ne dit plus. On écrit. A même la plaie. A même les sanglots longs, mal retenus, débridés parfois, rarement.
On te le dit, enfant.
Ne pleure pas.
Ce n'est pas grave.
Ne pas pleurer c'est être courageux.
Oubliez ça.
Pleurez.
De crocodiles ou pas. Qu'elles viennent ces larmes salvatrices. Qu'elles nettoient de tout ce qui n'a pas trouvé sa place.
Décidément, cette maison d'éditions belge confirme son statut de coup de coeur
La plume de Fidéline Dujeu est poétique. Impudique. Dans le sens qui ne craint pas d'aborder ce qui fracture. C'est musical, douloureux, tendre. Délicat aussi.
Le livre s'ouvre sur une citation de Christian Bobin. Citation que j'emploie régulièrement : Il faut que la vie nous arrache le coeur ou ce n'est pas la vie.
Fidéline, j'ignore si vous connaissez celle-ci : j'attends d'un poème qu'il me tranche la gorge et me ressuscite. du même poète Bobin dont je raffole.
Vous m'avez tranché la gorge.
Puis ressuscitée.
Larmes de crocodile, c'est une voix d'enfant. Un enfant qui change, petite fille puis adolescente.
Siamoise, c'est la seconde nouvelle du livre, c'est la voix d'une femme. D'une femme qui n'en peut plus. Son couple se délite. Elle et lui autrefois de vrais siamois ne s'entendent plus.
Autant j'ai eu un peu de mal à m'accrocher à Larmes de crocodile, le style sans doute, le parti pris des comptes de fées, des deux voix, l'une en italique et l'autre non, autant j'ai été scotché par Siamoise. Ce récit d'un couple autrefois fusionnel qui se sépare, qui se brise et qui fait des dégâts. Cette sensation irrépressible de ressentir l'autre, même lorsqu'il est loin, même lorsqu'il est craint : "Il y a encore des lambeaux de ta peau qui s'accrochent à la mienne, je les arrache un à un. Je nous libère." (p.136)
L'écriture est sèche et poétique. Des phrases très courtes -ou longues mais multi-ponctuées. Parfois nominales. Uni-nominales. Un rythme prenant, saccadé qui a tendance à se ralentir sur la fin même s'il y a quelques soubresauts, pour bien marquer le changement survenu, une sorte de quiétude retrouvée.
Bilan mitigé donc pour ce livre qui contient deux grandes nouvelles ou courts romans. Siamoise vaut le coup de s'arrêter dessus et de tenter la lecture de Larmes de crocodile qui a les moyens de vous plaire.
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