Céline et Isabelle ont lu "La ville haute" d’Eliane Serdan, (Serge Safran éditeur)
Hiver 1956. Dans une petite ville du sud de la France, Anna, une fillette arrivée du Liban, vit ses premiers mois d'exil.
Un soir de pluie, elle se réfugie sous le porche d'une maison. Un homme est là. Pierre. Lui aussi étranger. Seul, fragilisé par la perte de son métier de relieur à la suite d'une mutilation de la main. Resurgissent pour lui les fantômes d'un passé qu'il a cherché à oublier toute sa vie. À l'âge de neuf ans, en Turquie, il a assisté à l'enlèvement d'Anouche, la fille de sa nourrice arménienne, qui a sans nul doute subi les pires outrages. Elle avait l'âge et le visage d'Anna. Cette coïncidence inattendue lui donne l'impulsion d'enquêter sur la disparition d'Anouche pour enfin apprendre la vérité.
La rencontre de ces deux êtres en exil permet à l'enfant d'échapper à la solitude et offre à l'homme la possibilité de se libérer du passé.
Un superbe roman sur l'exil et la beauté du sud en hiver, avec la neige sur les oliviers et en toile de fond, le souvenir nostalgique de la mer Noire.
Céline et Isabelle ont lu "La ville haute" d’Eliane Serdan, (Serge Safran éditeur)
Lorsque Lecteurs m'a envoyé ce roman, j'avoue que je ne connaissais ni la maison d'édition, ni l'auteur.
J'aime être surprise en littérature, et cela a été le cas avec ce livre.
"La ville haute" est le quatrième roman de l'auteur, et il m'a assurément donné envie de lire les trois premiers !
Plutôt bon signe non ? ;)
Cet écrivain franco-libanais nous parle dans ces pages de l'exil d'une petite fille, Anna, qui a quitté le Liban avec ses parents en 1956.
Un soir, de façon complètement impromptue, elle fait la connaissance d'un vieil homme, Pierre, qui s'est mutilé la main en exerçant son métier de relieur et qui, à l'âge de 9 ans, a perdu sa compagne d'enfance Anouche enlevée en Turquie.
Cette coïncidence va leur permettre de libérer tout leur être de bien tristes fardeaux en provoquant la vérité.
Sur fond d'écriture toute en finesse, élégante et joliment contemplative, deux solitudes vont se rencontrer et se faire écho pour mieux appréhender le manque de deux "là-bas" vécus et qu'ils tiennent à retrouver coûte que coûte.
En filigrane, l'évocation du génocide arménien ne peut pas laisser indifférent.
C'est pudique. C'est sobre.
C'est faussement silencieux.
C'est émouvant.
C'est beau !
Merci à l'équipe Lecteurs de m'avoir mis ce petit livre des plus précieux entre les mains.
Je serais certainement passée à côté pour ne pas en avoir du tout entendu parler et cela aurait été fort dommage...
Belle lecture à tous !
Ma chronique sur https://arthemiss.com/la-ville-haute-de-eliane-serdan/
Hiver 56, un hiver redoutable, Anna est séparée de son enfance, arrachée à son Liban, au soleil, à son alter ego Fabio et débarque dans une petite ville de Provence. Le père, français, se dit heureux de revenir dans son pays, pourtant, il ne sourit plus guère. Anna connait la solitude, « Les moqueries de la première année avaient cessé. Pourtant, elle sentait bien, même si on ne le lui disait plus, qu’il y avait une distance qu’elle s’était résignée à ne plus franchir ». Petit à petit, elle part à la découverte la ville haute et de ses passages secrets. Un jour, au retour de l’école, perdue, elle pénètre dans la maison d’un vieux monsieur, Pierre, dont la vie n’est plus qu’ennui et solitude. Cette rencontre fortuite va faire remonter le passé douloureux de Pierre. Ils ont beaucoup de points communs ces deux-là et ils le sentent confusément dès leur première rencontre, même si Anna a décelé dans les yeux du vieil homme la peur « Le plus étrange, dans ce regard, c’était la peur. De cela, elle était sûre. ». Par la grâce du roman, ces deux personnages vont se recroiser, se côtoyer.
Anna et Pierre partagent la perte de l’ami d’enfance, dont ils ont été séparés brutalement, Anouche pour le vieil homme et Fabio pour Anna. Pour Pierre, elle est la résurgence de sa tendre Anouche. Après cette rencontre, il ose regarder les papiers de son père et comprend ce qui s’est exactement passé alors qu’il n’était qu’un enfant.
Le passé, enfin, révélé d’Anouche montre l’horreur de ce qu’ont vécu les Arméniens (je crains de voir ressurgir cette barbarie dans un futur proche.)
Eliane Serdan parle avec des mots simples, des phrases délicates, touchantes, de l’exil, du génocide arménien de 1915. Petit à petit, elle passe d’un passé flou à l’écrasante vérité d’où jaillit l’espoir et la chaleur pour Anna, qui accepte que son exil soit définitif, et Pierre.
Les Editions Serge Safran est une maison d’édition indépendante qui fournit à la lectrice que je suis, de petits joyaux. Ce livre en est un.
Merci à Eliane Serdan pour sa gentille dédicace.
Hiver 1956, dans le sud de la France, Anna a quitté Beyrouth avec ses parents. Elle vit dans la tristesse et la solitude ses premiers mois d’exil. Sans comprendre pourquoi elle a quitté son Liban chaleureux et solaire, ni accepter l’isolement que cela implique.
Un soir de pluie, sur le chemin du retour de cette école où elle se sent si étrangère et terriblement isolée, elle s’égare dans le village et rencontre un homme lui aussi étranger. Rencontre improbable puisqu’aucun des deux ne va se parler, puisqu’Anna va fuir, puisqu’aucun ne sait qui est l’autre. Mais cette rencontre est un catalyseur pour Pierre qui va se réveiller d’une vie d’insatisfaction. Il va enfin comprendre que cette petite fille fragile lui en rappelle une autre qu’il a cherché toute sa vie, Anouche, la fille de sa nourrice, avec qui il a été élevé, et qu’il a perdue, là-bas, sur les bords de la mer Noire.
Alternant les points de vue de Pierre puis de Anna, c’est un roman très poétique, avare de mots superflus, il dit le principal en peu de phrases et peu de pages, et se lit dans un souffle, malgré les sujets abordés. Car dans cette ville haute, on souffre d’exil, de solitude et de chagrin. Le roman évoque également le sort dramatique des arméniens au bord de la mer noire, par phrases sobres mais tellement imagées que l’on ressent toute l’horreur du génocide. Il y a aussi le désespoir des immigrés, même si ceux-ci, arrivant du Liban, sont déjà français. Ils ne sont pourtant pas d’ici et devront apprendre à vivre et à s’intégrer. Il y a enfin toutes les difficultés de l’enfance évoquées à demi-mots, tristesse et abandon, espoir et renouveau. Il y a surtout la beauté d’un paysage, des champs d’oliviers, de la neige qui recouvre de son blanc manteau le paysage, avec sa beauté éphémère et scintillante, et qui rivalise avec les paysages éclatants de soleil du Liban ou de Turquie.
Anna, une fillette arrivée du Liban, éprouve ses premiers mois d’exil en 1956 dans une ville du sud de la France. Elle est en proie au doute, à la douleur de ce pays perdu, tant et si bien qu’elle ne sait que nommer les quartiers inconnus « La ville haute » ces quartiers qu’elle découvre au sommet de la tour de l’horloge, qui domine la ville. Elle ne croit pas aux dires de son père, qui se proclame heureux d’être là, tandis qu’elle-même se languit de « là-bas », ce lieu d’où elle est partie. Elle pense aussi à son cousin, Fabio, resté là-bas, qu’elle affectionne beaucoup. Pourtant, tout bascule lorsqu’Anna se hasarde à se promener dans des quartiers inconnus et tombe sous le charme d’une place aux ormeaux. Elle entre dans la maison d’un homme par audace ou inconscience ?- Cela n’est pas explicité. Cette confrontation impromptue l’entraîne vers des sensations et impressions inédites pour elle : une familiarité éprouvée pour ce lieu, la présence de chaleur et de bien-être : un bonheur insoupçonné. Elle décèle dans le regard de cet homme une peur panique. D’où vient-elle ?
Anna relie cette sensation à une technique musicale : celle de l’accord plaqué sur un clavier de piano. Cet homme de son côté, n’est pas moins ébranlé : il se nomme Pierre Hervant, vient d’être victime d’un accident du travail dans son entreprise. Il est relieur, familier des livres. Au réveil, après son accident, il croit avoir entendu quelqu’un l'appeler « Yervant ».
On apprend alors, par une alternance des chapitres consacrés à Anna et à Pierre que ce dernier est lui aussi, un enfant de l’exil, notion omniprésente dans le roman d’Éliane Serdan. Au cours d’une recherche que Pierre effectue dans les affaires de son père, il découvre des affaires, des correspondances. Il y aperçoit un châle ayant appartenu à sa nourrice arménienne, Anouche, à laquelle Anna lui fait irrésistiblement penser. À la lecture de ces correspondances, Pierre éprouve un grand choc, il y lit « que la veille, vers midi, des barques chargées d’enfants et de vieillards étaient parties pour une destination inconnue et qu’elles étaient rentrées vides peu de temps après. » Le vieillard, dont les propos sont rapportés dans les correspondances du père de Pierre, ajoute que « des charrettes avaient quitté la ville vers les montagnes. Il n’en savait pas plus. »
Le dénouement est révélé par le déchiffrage d'une carte postale, placée par le père de Pierre au bas d’une page ; cette carte représente une ville cernée par le désert. Grâce à quelques rudiments de la langue arabe appris par Pierre, ce dernier déchiffre le nom de la ville sur la carte : Alep, lieu d’extermination des Arméniens durant le génocide de 1915.
Le roman d’Éliane Serdan atteint un double objectif : celui de la restitution des circonstances de l’exil pour deux personnages, Anna et Pierre ; celui de l’évocation du génocide arménien de 1915, par des touches et images successives, qui passent du flou à l’éclaircissement, pour nous faire toucher du doigt l’horreur de cet événement.
Un beau livre, à recommander, sobre, au style épuré et efficace.
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