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La plus belle femme du monde... ! Surnommée ainsi par son producteur, Hedy Lamarr se voit ouvrir les portes d'Hollywood après avoir fui l'Autriche nazie et un premier mari marchand d'armes. Femme de caractère, séduisante et croqueuse d'hommes, Hedy aura du mal, sa vie durant, à exister pour autre chose que sa beauté... dans une industrie cinématographique régie exclusivement par des hommes, dans l'Amérique des années 1940-50.
Et pourtant Hedy n'est pas juste belle, elle est aussi curieuse, intelligente, et adore imaginer des inventions, sérieuses ou farfelues ! En collaboration avec le compositeur et écrivain George Antheil, la jeune actrice imagine un système de communication cryptée, qui sera plus tard utilisé pour le guidage des missiles mais aussi pour le WIFI.
Pour célébrer ses 20 ans, La Boîte à bulles propose une édition anniversaire à tirage limité et doux prix de cette biographie de femme rigoureusement documentée et magnifiquement mise en scène...
La plus belle femme du monde (éditions La Boîte à Bulles) est né de l’excellente association entre le dessinateur William Roy (déjà remarqué pour son album De père en FIV) et Sylvain Dorange qui arpente les maisons d’édition depuis plus de vingt ans à travers des bandes dessinées aux thèmes très divers. Les deux lurons ont jeté leur dévolu sur la vie peu ordinaire d’Hedy Lamarr, icone des années 30, et pas que.
Dans le Hollywood de l’entre-deux-guerres, elle aura été reconnue comme étant la « la plus belle femme du monde ». Hedy Lamarr est une star du cinéma que tout le monde connaît. Depuis l’enfance et lors de son temps libre, elle s’adonne également à l’élaboration de multiples inventions. En naîtra la technologie à l’origine du Wifi, du GPS ou encore de la téléphonie mobile. Mais durant cette période, essentiellement régie par les hommes, une femme inventrice; qui plus est jolie, n’a pas sa place au sein de la communauté scientifique. De l’Autriche nazie aux tapis rouges californiens, Hedy Lamarr s’est dressé un destin tout aussi exceptionnel qu’avorté qui redessine une infrastructure aux relents patriarcaux.
Si la sulfureuse actrice est aujourd’hui reconnue pour son génie dans le monde entier, l’album de Sylvain Dorange et William Roy s’attèle à dresser sa biographie pleine d’illusions perdues face au monde du cinéma tout aussi clinquant et libertaire que puritain. Tout n’est que beauté disent-ils, et c’est bien cela le problème.
Hedy Lamarr rêve de rôles complexes et profonds mais ne reste qu’un attrait physique à qui l’on demande d’évoluer selon les critères de beauté de son époque pour continuer sa route dans le showbiz. L’auteur originaire de Fréjus pioche dans ces moments-clés, met en lumière les évolutions et révoltes, suggère les frustrations et met à bas les injustices. L’industrie est hautement décortiquée.
Tandis que #Metoo aide grandement aujourd’hui à ouvrir les vannes de ce milieu pour plus d’égalité et d’impartialité, ce retour en dessin sur l’icone autrichienne naturalisée américaine est un rappel des plus brutaux pour illustrer le long parcours de la femme dans le cinéma américain. Difficile de ne pas se demander ce que serait devenue Hedy Lamarr sans ces portes continuellement fermées et ces personnes éternellement présentes pour lui rappeler que chacun doit rester à sa place. Non sans engagement, Sylvain Dorange et William Roy dressent la sépulture littéraire de l’inventrice plus que de l’actrice loin des superficialités vertigineuses.
Pénélope Bagieu avait déjà consacré un de ses portraits de « Culottées (2) » à Hedy Lamarr actrice et inventrice née en 1914 et morte en janvier 2000 mais il était extrêmement condensé. Dans ce biopic de 176p, William Roy et Sylvain Dorange développent donc le destin de cette personnalité au parcours incroyable, féministe avant l’heure et incomprise de ses contemporains qui ne voyaient en elle que « la plus belle femme du monde » et refusaient d’admettre qu’on pouvait être magnifique et scientifique à la fois !
Le scénariste qui a travaillé cinq ans sur cet ouvrage lui rend donc longuement justice et la réhabilite tout en évitant l’écueil d’un biopic linéaire. Il emploie au contraire une narration dynamique et polyphonique : l’ouvrage commence en 1957 avec des « images d’archives » d’un show télévisé et s’achève pratiquement sur le même genre de show douze ans plus tard qui enferment donc l’héroïne dans son image de fantasme masculin tout comme la très drôle mise en abyme de 1977 (un guide spécialisé dans les tours de maisons de célébrités à Hollywood prend en charge une partie de la narration et raconte de façon racoleuse la vie d’Hedy Lamarr à l’aide d’anecdotes croustillantes) mais, fort heureusement, le finale de l’album et le reste de la narration permettent de redonner à cette personnalité toute son épaisseur et sa complexité !
Les dessins de Sylvain Dorange participent à ce plaidoyer et suscitent également tout l’intérêt du lecteur : le dessinateur adopte pour chaque période un style graphique particulier ( jusque dans les polices), rend bien les changement vestimentaires des différentes époques qu’il et fait revivre grâce aux décors soignés et un travail extrêmement documenté en incluant même des images d’archives ( posters, shows, affiches de cinéma ou de propagande, extraits de films). Il arrive également fort bien à créer différentes ambiances (angoissante pour la montée du nazisme, « pailletée » pour les années hollywoodiennes…) pour accompagner le parcours de cette femme qui a traversé le siècle et qui était trop moderne pour ses contemporains. Une belle réussite !
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