"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
FINALISTE DU PRIX DU PREMIER QUEBECOIS 2024 " Chaque matin, je remettais au lendemain le projet d'aller à la maison de mon père. Pour la seule fois de ma vie, c'est lui qui m'a attendu en vain." Un homme débarque à Budapest, sa ville natale, par un chaud matin d'automne, pour un séjour d'une semaine. Il a l'intention de revoir ses anciens amis, sa famille, son premier amour. De parcourir de bas en haut son arbre généalogique, ou du moins ce qu'il en reste, du petit cousin hooligan aux grands-parents qui dorment paisiblement, l'espère-t-il, sous les pierres moussues du cimetière.
Avec Petya, son compagnon d'enfance, il forme le projet d'aller visiter la maison que son père a chérie pendant des années, qu'il a longtemps espéré recevoir en héritage, mais qui a sombré avec tout le reste. Cette maison du lac Balaton, ancien pressoir de vignoble, à flanc de colline, où l'on entrait en passant par le grenier. Il faut donc s'empresser de griffonner sur un napperon le plan pour s'y rendre, mais ce geste n'est-il pas aussi dérisoire que de vouloir retracer les contours d'un rêve dont on émerge à peine avant qu'il nous échappe à jamais ?
Une semaine c’est court pour faire le bilan d’un passé familial exhumé au fil des rencontres. C’est pourtant le projet du narrateur, qui traverse l’Atlantique pour atterrir à Budapest, où il a passé son enfance. Avec un objectif, retrouver la maison au grenier situé au rez-de-chaussée, que son père avait entrepris de restaurer pour y abriter les actrices de sa vie amoureuse dissolue ! C’est en compagnie de son ami d’enfance qu’il partira à la recherche de la bâtisse, l’occasion de faire resurgir les anecdotes du passé.
Roman nostalgique, qui fait la part belle aux aléas de la mémoire, qui sait si bien brouiller les pistes. La lecture est plutôt agréable, mais il est facile de se perdre parmi les générations évoquées, d’autant que les souvenirs émergent au fil des rencontres et ne respectent pas une chronologie ordinaire.
Hommage au père, malgré tout, malgré les infidélités et la tendance à s’alcooliser et malgré le fossé qui sépare cet homme du père idéal, celui que le narrateur fantasmait dans ses écrites d’enfance. Aucun jugement, pas d’indulgence non plus, c’est un constat et une analyse de ce sur quoi s’est construit le narrateur.
J’attendais la publication de ce titre-là avec impatience depuis que j’en avais lu l’annonce de parution : j’ai confiance aux goûts de la maison d’édition Le bruit du temps et ce récit d’un Québécois par adoption qui narre sa vie en Hongrie soviétique me semblait très prometteur. Akos Verboczy est finaliste du Prix Du Premier Quebecois 2024. Il a un site internet éponyme : on observe en arrière-fond une photo de l’auteur enfant, probablement son cousin en arrière-fond gauche ( Sa fratrie se compose d’une sœur et d’une demi-sœur.) Et, en arrière-plan droit, un homme que j’imagine être son père, la moustache qu’il porte semble correspondre à la description qu’en fait son fils dans son récit. Et cette fameuse raquette en plastique dans les mains du garçon, qui apparait également dans le récit. C’est troublant et à la fois émouvant, car on a l’habitude des sites un peu impersonnels et formatés des auteurs et autrices, essentiellement centrés sur l’autopromotion. Celui-ci a une dimension plus personnelle, aucune donnée biographique en dehors des photos qui renvoient au livre, et l’auteur s’adresse en effet au lecteur-ice, c’est assez interactif, et plaisant. Le regard du jeune garçon espiègle accroche de fait directement notre regard, cette photo résonne comme un écho à tout ce récit intime qu’il nous a livré, cette photo met une touche finale à un récit que l’on aurait volontiers aimé plus long. Il nous accorde d’ailleurs d’autres photos, qui rappellent un passage particulier du livre.
La maison de mon père, c’est littéralement le souvenir raconté du père de l’auteur, Nandor Verboczy, décédé aujourd’hui, dont la présence auprès de son fils ne fut qu’épisodique : c’est cette maison de campagne, dont le grenier se trouvait à la cave, qui a abrité leurs moments de bonheur. La maison de mon père, c’est aussi métaphoriquement la Hongrie natale du désormais québécois Akos Verboczy, qui a quitté son pays en compagnie de sa mère et de sa sœur, laissant derrière lui son père et le reste de sa famille proche, sa demi-sœur, ses cousins et cousines, ses amis. La figure paternelle est la ligne rouge du récit de l’auteur, elle ouvre le texte sur ces premières années hongroises, et budapestoises plus précisément.
L’enterrement du père, en guise prologue, marque le début du récit rétrospectif et le sceau du souvenir, de la nostalgie, peut-être même bien des regrets, puisqu’on se rend immédiatement complètement que de cette relation, il ne reste que les mots du fils, et de ses photos, et de ses bouts de ferraille. C’est un long fil, ou plutôt plusieurs reliés entre eux : de l’enterrement du père, on remonte trente ans plus tôt à celui de l’oncle, frère de ce père. Deux hommes qu’il aura peu connus, mais avec lesquels il partage cet amour de la littérature même si leurs goûts réciproques différaient. Le récit d’Akos est très personnel, l’histoire de sa famille, et à la fois plus national, il est parsemé d’anecdotes – et je crois que celle du jeune Akos faisant remarquer à son père que le grenier de la maison de vigneron se trouve en fait au rez-de-chaussée marquera de son empreinte ma lecture, puisque étrangement analogue avec le rapport entre pays d’origine/pays d’adoption, qui naît du récit de l’écrivain, et qui ne font pas de ce récit un simple déballage sans âme de souvenirs. Le ton est toujours empreint de légèreté, dans un souci certainement de ne pas noyer le lecteur sous la gravité des situations, la solennité des événements, le style contribue aussi à la réussite de ce récit biographique. C’est l’un de ces livres, aussitôt ouvert que vous savez déjà que vous ne pourrez pas reposer facilement.
Mon enthousiasme pour ce récit est sans réserve : j’ai tout autant été emballée les passages purement historiques sur l’histoire du pays et de la culture hongrois, à vrai dire, j’en attendais beaucoup et j’en ai appris beaucoup : car le talent de l’auteur, c’est aussi de tisser son histoire sur une trame de fond qu’il nous décrit avec soin et précision. Une alternance d’anecdotes liées aux différents lieux de la ville, Akos Verboczy a écrit un récit harmonieux, où la dynamique de l’histoire intime est relayée par l’histoire de Budapest, ses rues, ses immeubles, ses échoppes et bien d’autres détails et de la Hongrie ( mention spéciale à l’anecdote sur le pâtissier qu’il retrouve lors d’une de ses visites, qu’il pensait mort depuis longtemps, ce qu’il exprime à haute voix ! ). Il faut dire que son rapport avec son père, si tenu fut-il, était également lié à différents lieux, de cette maison de campagne, un ancien pressoir près du lac Balaton, destination finale du road-trip avec Petya, l’ami de toujours.
On aime également cette note d’autodérision qui pointe parfois dans le récit, qui témoigne aussi de la distance prise entre le narrateur qu’il est et le personnage qu’il décrit, même s’il n’est rien d’autre que lui-même. Si la relation avec le père est la base de ce récit, les relations qu’il entretient avec sa famille proche...
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