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Nageurs et nageuses de cette piscine que tous appellent là en bas ne se connaissent qu'à travers leurs routines et petites manies, et les longueurs, encore, encore. Ils y viennent à heure fixe pour se libérer des fardeaux de là-haut.Alice, tout spécialement, trouve un grand réconfort dans sa ligne de nage. Et puis un jour, une fissure apparaît au fond, dans le grand bain, en préfigurant d'autres, celles de son cerveau. Pour elle, l'inéluctable fermeture résonne comme un clap de fin. Remontent alors à la surface des souvenirs de jadis, de l'internement dans un camp pour Nippo-Américains pendant la Seconde Guerre mondiale, d'une enfant perdue très tôt, pourtant si parfaite... Mais Alice oublie chaque jour un peu plus.Là où il faudra bien se résoudre à l'enfermer, sa fille essaie de sauver quelques lambeaux du paysage fracturé qu'est devenue leur relation lacunaire.
Roman découvert lors de la rentrée littéraire 2022 où l'autrice explore la fin de vie, a travers les fissures d'une piscine et l'esprit d'une veille femme. La perte de la mémoire, la mélancolie, une histoire poignante mais aussi heureuse. Souvenir, perte d'un enfant, guerre mondiale, camp une litanie dans une langue métaphorique saturée de vitalité. Une lente de désintégration.
""Elle ne regarde plus par la fenêtre. Elle ne demande plus après ton père. Elle ne demande plus quand elle va rentrer chez elle. Parfois, des jours entiers passent sans qu'elle prononce un mot. D'autres jours, tout ce qu'elle dit, c'est "oui".
- Tu te sens bien ?
- Oui.
- Les nouveaux médicaments sont efficaces ?
- Oui.
- Tu as mal ?
- Oui.
- Tu aimes cet endroit ?
- Oui.
- Tu te sens seule ?
- Oui.
- Tu rêves toujours de ta mère ?
- Oui.
- Mon chemisier me serre-t-il trop ?
- Oui.
- Si tu avais quelque chose à me dire, ce serait quoi ?
Silence."
" Elle paraît calme, peut-être sous tranquillisants. Mais dès qu’elle te voit elle est tellement émue qu’elle est au bord des larmes. " Tu es venue me voir ! "dit-elle . Puis baissant la voix : " c’est tellement gênant. Je suis si impatiente de monter dans la voiture pour rentrer à la maison. " “
Ils sont un certain nombre à se croiser ou pas à la piscine : "là en bas", chacun ses habitudes le matin le midi ou le soir, la ligne des rapides, des lents ou entre les 2...Alice fait partie de ceux là, y trouve un grand plaisir mais un jour la piscine doit fermer et c'est une déchirure pour Alice mais aussi le début d'une perte de mémoire.
Un cours roman d'une grande poésie. La vie de la piscine est racontée avec grâce et sensibilité, de manière imagée et sensorielle, comme la douceur de l'eau. On s'y voit avec ces nageurs, on y croit faire partie de cette "famille"
Puis lorsque la piscine doit fermer la vie bascule et là encore on est dedans auprès d'Alice ; la douceur et la poésie sont toujours là même si les propos sont de plus en plus graves.
Un roman surprenant je n'avais pas lu la présentation j'ai trouvé l'ensemble magnifiquement bien mené et merveilleusement lu.
« La piscine est profondément enfoncée sous terre, dans un vaste espace caverneux à plusieurs mètres sous les rues de notre ville »
C’est ici que se retrouve une communauté de nageurs qui vient chercher, dans l’effort, une pause dans le fracas du dessus. Ils sont autres « là en bas, à la piscine, nous n’appartenons plus qu’à l’une de ces trois catégories : les rapide, les moyens et les lents. »
« Au début, on la voit à peine, petite ligne sombre juste au sud de la bonde dans le grand bain, ligne quatre. » LA fissure, celle qui inquiète, qui fait peur, qui modifie, par sa présence, le quotidien des nageurs. Une autre apparaît, les nageurs fuient un à un. Alice, lorsqu’elle sort de l’eau oublie « Une fissure ? Mais il n’y a pas de fissure ». Les experts discutent, ergotent jusqu’à la décision finale : fermeture de la piscine. D’ici là, les nageurs, enfin ce qui en reste, sont devenus un petit cercle, la tolérance, la gentillesse, la fin de l’anonymat arrivent. Ils lui donnent même un nom « la nouvelle gentillesse » « Parce qu’à présent, nous sommes tous égaux devant l’issue commune.
Second acte et changement de décor. Plus de piscine, mais Alice dont la mémoire se fendille comme la piscine. « Elle a oublié comment elle s’est fait ces bleus sur les bras, et puis qu’elle est allée se promener avec toi un peu pus tôt dans la matinée »
Alice tombe doucement dans une maladie neurodégénérative, peut-être Alzheimer. Tant qu’elle le peut, la famille la maintient à domicile.
Troisième acte, Belavista.
« Vous êtes là aujourd’hui parce que vous avez échoué aux tests »
Le temps est, hélas, venu de la placer (j’ai horreur de ce mot dans ce contexte, mais c’est celui qui est usité). La voici à Belavista qui se dépeint comme « une résidence privée, spécialisée dans les troubles de la mémoire ». Derrière le papier glacé de la brochure ce cache un lieu où « hélas, la fête est finie », elle doit rester dans sa ligne de nage.
« Si vous ne voulez pas vous montrer docile, nous seront obligés de vous administrer un sédatif. Si vous résistez au programme de soins prévus, nous serons obligés de vous administrer un sédatif. Si vous refusez de prendre votre sédatif, nous serons obligés de vous administrer un sédatif encore plus puissant, voire, en fonction de votre degré d’obstination, de vous faire une injection ». Quel joyeux programme !!!
La famille, ici la fille et le père vont avec et les souvenirs refont surface. Tous ces signes qu’ils n’ont pas voulu voir tel le pot de crème pour le visage dans le congélateur. Le père retire tous les post-il collés dans toute la maison : « elle ne rentrera plus à la maison »
Julie Otsuka parle avec beaucoup de délicatesse des fissures dans la mémoire d’Alice à mettre en regard avec la première fissure de la piscine suivie des nouvelles et de la fermeture de l’établissement. Maintenant les fissures d’Alice font qu’elle n’habite plus sa maison avec son mari et que l’établissement dans lequel elle vit désormais ressemble à un internat très strict pour ne pas employer le mot prison.
Un livre délicat
https://zazymut.over-blog.com/2023/01/julie-otsuka-la-ligne-de-nage.html
J'ai aimé les précédents romans de Julie Otsuka, Quand l'empereur était un dieu et Certaines n'avaient jamais vu la mer. C'est donc emplie d'un optimiste allant que j'ai ouvert La Ligne de nage … que je referme assez dépitée de n'avoir point adhéré à son propos et surtout à sa forme.
Cela commence plutôt bien avec une étude amusante du quotidien d'une communauté hétéroclite de nageurs qui se côtoient dans une piscine souterraine, chaque membre ayant ses rituels, ses motivations à venir nager, microcosme de la société américaine tant les profils sont. Julie fait un choix narratif osé, celui du « nous » narratif des nageurs qui se croisent, se chamaillent, se fréquentent, unis par leur dévotion à la natation et leur désir de fuir le monde d'en haut.
Et puis une fissure apparait au fond de la piscine, inexpliquée, situation donnant lieu à des réactions au surréalisme loufoque. Et puis la piscine ferme selon le principe de précaution. du « nous » foisonnant, émerge une nageuse, particulièrement touchée par cette rupture du quotidien : Alice, retraitée, qui est atteinte de la maladie de Pick, premier stade, maladie neurodégénérative proche d'Alzheimer, elle qui oubliait peut-être la combinaison de son casier mais jamais les gestes rassurants et apaisants de la natation.
Dans la deuxième partie, le ton change très abruptement. Finie la comédie sociale presque acidulée, direction l'EHPAD où vit désormais Alice. le ton se fait acerbe et sarcastique pour raconter la nouvelle vie d'Alice. Un nouveau choeur antique « nous » apparaît, la voix des oppresseurs, celle malfaisante et sadique de l'institution médicale qui illustre violemment la cruauté de la sénilité en énumérant notamment toutes les choses qu'Alice ne pourra plus faire et tout ce dont elle ne se souviendra plus jamais.
Je suis pas parvenue à trouver le liant entre ses deux parties totalement disjointes. Sans doute l'EHPAD est-il le contrepoint cauchemardesque du monde de liberté totale qu'était la piscine pour Alice. Sans doute les deux lieux gomment-ils toute différence sociale, les nageurs et les malades étant tous traités de la même façon. Mais ces réflexions n'ont pas suffi à assembler ces deux récits mal accouplés.
Ce qui m'a dérangé également, c'est le peu de place que fait Julie Otsuka au lecteur. Si l'écriture est audacieuse, forte et assumée avec ses blocs de texte à peine texturés par des italiques ou des tirets, la litanie des répétitions et des listes a obscurci ma lecture. Je ne sentais pas à ma place comme si le texte n'avait pas de destinataire, comme s'il était juste écrit par l'autrice pour l'autrice, comme un exutoire rageur à sa souffrance ( on comprend vite que Julie Otsuka parle ici de sa propre mère et que le personnage de la fille est son double.)
Au final, je me suis sentie seulement conviée dans les dernières pages qui elles offrent de la chair et du coeur en partage au lecteur. Cette fois, l'autrice recentre son texte sur la relation spécifique entre une mère et une fille, sur les regrets d'une vie, sur ses incompréhensions, et là, j'ai été enfin touchée.
Une piscine à priori en sous-sol où des habitués se partagent les lignes de nage.
Ce sont des nageurs obsessionnels.
En deuxième partie, le vieillissement d'Alice l'une des nageuses qui bascule doucement dans une sorte d’Alzheimer.
Très étrange cette description de la piscine, des nageurs et de la mystérieuse fissure au fond du bassin.
Je me demandais ce que j'étais en train de lire.
L'histoire d'Alice est plus concrète.
L'altération de sa mémoire est sa fissure à elle.
Elle devra rester dans sa ligne de nage dans l'établissement où elle est admise.
L'écriture est tournante, nous emmène de l'un à l'autre.
C'est un enchaînement hypnotisant.
On reconnaît bien le style de « Certaines n'avaient jamais lu la mer »
Un roman donc très particulier dont je ne saurais dire si je l'ai beaucoup aimé mais qui en tout cas ne m'a pas laissée indifférente.
Il me donne l'impression d'être autobiographique, mais je me trompe peut-être.
Roman bouleversant en 2 parties : la première, sur les nageurs et nageuses d’une piscine et leurs habitudes, leurs routines jusqu’à ce qu’une fissure au fond du bassin vienne chambouler leurs quotidiens. Quelle est la cause ? A chacun son avis ! Et c’est drôle ! La place que prend la fissure et les sentiments qu’elle suscite à chacun est impressionnante ! C’est aussi un très bel hommage à la nage et aux bienfaits qu’elle procure.
Une deuxième partie extrêmement touchante avec Alice, une des nageuses de la première partie, souffrant d’une démence fronto-temporale et qui doit être « placée » dans une sorte d’Ehpad nommée Belavista. Alors qu’elle perd la mémoire parfois elle se souvient de sa vie, de la guerre, d’un enfant….
Roman émouvant, bouleversant et tout en finesse sur la perte de la mémoire et sur les souffrances des malades et des proches (sans pathos) dans ces établissements avec les difficultés de la vie quotidienne soumis à de nombreuses règles. La première partie est passionnante avec ce groupe de nageurs hétéroclites face à cette fissure. Très belle écriture !
Je l’ai dévoré !
C’est une piscine publique souterraine. La plupart des nageurs sont des habitués. Ils y viennent pour se détendre, pour soulager un mal de dos, pour s’entraîner ou pour affiner leur silhouette. Là, en bas, l’espace d’un instant, ils échappent à cette vie en surface. Ils ont tous leurs petites habitudes et leurs petites manies, ils suivent leur ligne de nage et se connaissent par cœur. Ils forment une véritable communauté dont fait partie Alice.
Un jour, une fissure apparaît au fond de la piscine. Une catastrophe pour laquelle tout le monde y va de sa petite explication : un phénomène géologique, un signe venu du ciel, une illusion due à une psychose collective, …
Cette brèche, c’est aussi celle qui s’est immiscée dans le cerveau d’Alice, celle qui lui a fait perdre le contrôle de son esprit et de sa vie aussi tandis que ses proches se raccrochent aux souvenirs.
Après nous avoir emmenés, non sans humour, au sein de sa communauté de nageurs hétéroclites, Julie Otsuka nous décrit de façon directe mais profondément touchante la démence et l’internement, cette liberté qui s’échappe et que seul l’oubli peut faire revenir, à sa manière.
Ce roman est une merveille. Il est la vie. Cette vie où nous pouvons passer du rire aux larmes, où nous coulons des jours paisibles jusqu’à ce que la vieillesse s’introduise par une faille qui grandit au fur et à mesure que le temps passe.
J’ai terminé "La ligne de nage" le cœur serré, la boule dans la gorge et les larmes au bord des yeux. En écrivant ces quelques lignes, ces émotions sont toujours là. Un livre bouleversant.
De la délicatesse jusqu’au bout de la route
L’écriture immersive du premier chapitre donne immédiatement l’idée de la fissure, celle de la piscine et celle de la mémoire de l’héroïne.
Alice petite fille a été déportée avec sa mère et son frère pendant la Seconde Guerre mondiale.
Cela nous rappelle Certaines n’avaient jamais vue la mer et les lecteurs ne l’ayant pas lu seront peut-être désavantagés.
Dans cette piscine publique en sous-sol, tous viennent pour guérir de leurs maux qui se résument souvent en un seul mot : le vieillissement. Pour d’autres comme Alice les blessures sont plus profonde et la nage les hypnotise dans une mouvance bienfaitrice.
A la surface ils sont vieux dans le bassin de nage ils sont eux.
Mais tout est bouleversé, la piscine ferme.
« Le lendemain matin, aussi soudainement qu’elle avait disparu, la fissure réapparaît, et à notre grande surprise, beaucoup poussent un soupir de soulagement. »
Pour Alice c’est le clap de fin, la fissure qui est en elle grandit et sa fille va essayer de sauver les lambeaux d’une vie pas comme les autres.
La dureté de sa mémoire qui fuit est aussi terrible que le camp qu’elle a connu.
Pour la fille c’est le symbole du temps qui a passé, des liens trop distendus car chacun vit sa vie.
Le basculement arrive avec l’obligation de la maison médicalisée. Le monde devient encore plus brutal.
Alors écrire pour retenir le temps et l’histoire familiale.
L’écriture épouse les différentes phases comme l’eau qui s’ouvre et se referme sur la nageuse.
Toujours chez Julie Otsuka cette finesse d’analyse des traumatismes, de la résilience, de la mémoire. C’est une voix qui résonne longtemps après avoir fini la lecture.
De la délicatesse pour dire le chaos.
©Chantal Lafon
https://jai2motsavousdire.wordpress.com/2022/08/30/la-ligne-de-nage/
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