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La région des Grands Lacs africains dégage un parfum de paradis terrestre. Vingt-cinq millions de Hutus et de Tutsis y vivent, répartis entre le Burundi, le Rwanda et la région du Kivu, en République Démocratique du Congo. Entre 1959 et aujourd'hui, trois millions d'entre eux, hommes, femmes, enfants, ont été massacrés au cours de plusieurs vagues de violences, de guerres et de génocides.
Des hommes politiques de bonne volonté voulaient renverser le destin de L'Histoire, comme le prince Louis Rwagasore, le Tutsi, abattu d'une balle dans le dos par un tueur à gages, ou encore Melchior Ndadaye, cet adolescent hutu qui, pour sauver sa vie, avait fui son pays à pied. Il y est revenu et en est devenu le président pour finir égorgé à la baïonnette par des soldats rebelles.
La haine, la mort, les trahisons ; les massacres, les dictatures, les prisons... Les racines de cette malédiction remontent à la venue de l'homme blanc, qui a balayé les royaumes ancestraux vivant en paix dans ce jardin d'Eden pour y semer une haine tenace.
Le récit de Jean-François Bouchard est celui d'un homme connaissant bien l'Afrique qu'il a sillonnée pour le compte du Fonds Monétaire International et d'autres institutions. Sa grande force est de mettre à la portée du lecteur une histoire tragique et pas aisée à comprendre tant les intervenants sont divers et nombreux. Mais finalement, tous ont en commun, soit l'intérêt de leur pays soit leur propre intérêt et c'est ce qui les classe dans un camp ou un autre. L'ouvrage remonte au début du siècle précédent lorsque la Belgique prend à l'Allemagne le royaume du Ruanda-Urundi qu'elle avait colonisé à la toute fin du 19° siècle. A partir de 1931 et s'appuyant sur l'ethnologie, une science naissante, les Belges décident de classer les habitants du royaume : les Tutsis, plus grands aux trait plus fins, descendant du Nil et éleveurs, les Hutus plus trapus et peuple local et agriculteurs et les Twas descendants des Pygmées cueilleurs. "A l'image des Aryens en Europe, auto-proclamés race supérieure, car issus d'un peuple germanique du Nord qui se distinguait par sa haute stature, sans doute est-ce du fait de leur morphotype élancé que les Belges eurent la curieuse idée de favoriser les Tutsis au détriment des Hutus, créant en pratique un régime d'apartheid entre ces deux ethnies. Au demeurant, il était incontestablement aventureux de parler d'ethnies distinctes dans les années 1930, tant ces gens qu'on voulait distinguer en les nommant Tutsis et Hutus avaient toujours vécu en symbiose plus ou moins étroite, et en se mélangeant constamment." (p.23) Et voilà, l'homme blanc, fort de ses connaissances et de sa supériorité vient de semer les graines de la haine et de la violence qui ne s'arrêteront plus dans cette région jusqu'à encore maintenant, puisque si le Rwanda semble être apaisé -mais mené d'une façon très autoritaire par Paul Kagame, tutsi, mis en cause dans plusieurs morts suspectes dont celle du président rwandais Juvénal Habyarimana- le Burundi est toujours dans la tourmente notamment très récemment lorsque son président Pierre Nkurunziza a décidé de se présenter à un troisième mandat de président alors qu'ils sont limités à deux.
JF Bouchard parle de tous ceux qui ont essayé de réconcilier Tutsis et Hutus dans les deux pays, le prince louis Rwagasore, Melchior Ndadaye, ... et je vous passe tous les noms des autres, nombreux, qui ont tous finis assassinés. Son livre est passionnant, un peu long sur la fin, peut-être trop détaillé, mais je répète passionnant. Pour peu que vous soyez passés un peu à côté des terribles massacres de 1994 au Rwanda ou que les les ayez suivis mais sans vraiment comprendre pourquoi et comment ces deux ethnies si proches en étaient arrivées là, je vous en conseille très fortement la lecture, qui point par point explique la genèse de la haine et la montée de celle-ci au fond des esprits.
Voilà un livre qui complète ma lecture de Petit pays de Gaël Faye.
Si le roman m’avait fait découvrir le pays d’avant les massacres, ce livre-ci replace ce génocide dans son contexte historique, et nous assure que des hommes de bonne volonté ont tenté ce qu’ils ont pu pour sauver le pays de la haine et de la violence.
A travers ces pages, on sent que l’auteur est attaché à cette Afrique des Grands Lacs qui a l’air si magnifique. Une région riche, mais dont le développement c’est arrêté dans les années 60. L’auteur ne manque pas de rappeler que le Burundi est l’avant-dernier pays le plus pauvre du monde.
Une lecture éclairante sur un génocide qui s’est déroulé loin des yeux de l’Occident.
L’image que je retiendrai :
Celle du prince Louis Rwagasore, pas bon élève ni étudiant travailleur, mais qui fera tout pour que la guerre ne se déclare pas dans son pays.
http://alexmotamots.fr/?p=2341
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