Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
Elle s'appelait Suzanne Meloche. Était aux côtés de Borduas, Gauvreau et Riopelle quand ils signent le Refus global en 1948. Fonda une famille avec le peintre Marcel Barbeau. Abandonna très tôt ses deux enfants.
Afin de remonter le cours de la vie de sa grand-mère, qu'elle n'a pas connue, l'auteur a engagé une détective privée et écrit à partir des indices dégagés. À travers ce portrait de femme explosive, restée en marge de l'histoire, Anaïs Barbeau-Lavalette livre une réflexion sur la liberté, la filiation et la création d'une intensité rare et un texte en forme d'adresse, directe et sans fard, à celle qui blessa sa mère à jamais.
Un ouvrage incandescent de beauté. Divisé en courts chapitres comme autant de petits poèmes, polaroïds d'une époque, La Femme qui fuit raconte notre histoire à toutes. Geneviève Patterson, Châtelaine.
Un livre émouvant entre réalité historique et pure fiction. Mario Cloutier, La Presse.
Prix des libraires du Québec 2016.
Fallait-il fuir sans cesse pour rester libre ? Et est-ce que n’avoir besoin de personne nécessitait de se détacher des siens ?
Suzanne Meloche, lauréate d’un concours d’art oratoire à 21 ans, quitte sa ville natale d’Ottawa pour aller vivre sa passion artistique à Montréal. Elle rejoint le courant des surréalistes puis celui des automatistes et fréquente les milieux canadiens contestataires.
Si elle a aimé passionnément trois hommes dans sa vie de femme libre, elle n’a pas su s’attacher à ses deux enfants qu’elle abandonne très jeunes. Fuyant son rôle de mère, elle choisit de vivre intensément une vie marginale et devient une poétesse sans attaches, sans cesse attirée par le déséquilibre.
L’autrice, Anaïs Barbeau-Lavalette, s’adresse à Suzanne, sa grand-mère, par ce roman aux chapitres courts qu’elle écrit comme une correspondance. Elle offre à la mémoire de cette femme, une biographie romancée retraçant sa vie en marge de la société québécoise durant la première moitié du XXème siècle.
Outre la révélation de la vie d’une artiste hors du commun, ce roman soulève des questions essentielles, comme la libération de la femme, le tabou de l’instinct maternel et les blessures originelles.
Un roman qui m’a captivée et profondément interpellée sur le conflit entre la vie d’artiste et la maternité que certaines ressentent, encore et toujours, comme une entrave à leur épanouissement.
Une belle découverte.
Suzanne Meloche est née en 1926 au Canada.
Elle a abandonné sa fille de trois ans.
Des années plus tard, sa petite-fille, Anaïs Barbeau-Lavalette retrace sa vie.
C’est une femme extravagante et libre.
Avant-gardiste, elle participe au Québec au mouvement automatiste.
Elle écrit des poèmes.
Elle peint des toiles dont une est exposée au musée d’art contemporain de Québec.
Anaïs s’adresse directement à sa grand-mère.
Pendant une bonne partie du livre, j’ai été gênée par l’emploi du « tu ».
Et puis, une fois l’idée admise et l’habitude prise, je me suis vraiment prise d’intérêt pour cette femme et son tempérament exceptionnel.
Gagnée aussi par l’émotion, non pas pour Suzanne qui a vécu sa vie très égoïstement, mais pour sa fille et sa petite-fille chez qui l’abandon de Suzanne a laissé de fortes séquelles.
Attention pépite ! Coup de cœur ! Amour !
Conseillé par la formidable librairie Tulitu, ce roman biographique est une merveille, que j'ai dévoré en quelques heures... Histoire dure d'une femme recherchant la liberté au point d'abandonner ses enfants, se cherchant dans l'art, dans l'amour, entourée d'êtres torturés. C'est un monde magnifique d'idées et terriblement seul que nous décrit l'auteur, petite fille de cette femme libre sans doute. Seule, surtout.
Une plume incroyable, une atmosphère, une bienveillance qui font de cette auteure une femme à suivre !
Prix des libraires du Québec 2016 / Prix France-Québec / Grand prix du livre de Montréal
Ceci est une histoire vraie.
Anaïs Barbeau-Lavalette est la petite-fille de Suzanne Meloche (1926-2009). Anaïs ne connait rien de cette grand-mère sinon qu’elle a abandonné ses enfants et qu’ainsi Mousse sa maman, vit avec un trou dans le ventre et la peur d’être encore abandonnée. A peine si la petite-fille et la grand-mère se sont croisées deux ou trois fois, donc pas eu le temps de la connaître quand elle meurt.
A son décès « Ma mère s’accroche aux murs. C’est Hiroshima dans son ventre. Elle deviendra peut-être normale. Une femme, avec une mère enterrée. »
C’est cette pensée qui nourrit la petite-fille devenue femme de trente ans. Cela en dit long, sur les cicatrices laissées et transmises.
Lorsqu’il a fallu déménager l’appartement de Suzanne, Anaïs emporte des livres bouddhistes, des journaux, des poèmes, des photos et autres documents. Ceux-là ont été un début de piste pour connaître cette femme qui avait fui.
Pour en savoir plus, il lui a fallu avoir recours à une détective.
« Il fallait que tu meures pour que je commence à m’intéresser à toi.
Pour que de fantôme, tu deviennes femme. Je ne t’aime pas encore.
Mais attends-moi j’arrive. »
Le lecteur découvre cette histoire comme si l’auteur était assise devant une grande malle et qu’elle en sortait des photos en noir et blanc. Ses chapitres sont courts, comme des tableaux, qui feraient divaguer nos pensées, car la force de cette narration est que le lecteur n’est pas laissé à l’extérieur. Lui aussi veut percer le mystère de ces documents.
Claudia et Achille, les parents de Suzanne vivent à Ottawa avec leurs six enfants. 1930 c’est la crise, le père professeur perd son emploi. Le gouvernement préconise pour endiguer les causes de celle-ci, de renforcer l’ordre moral et le retour à l’esprit chrétien. La pénurie s’installe, le rationnement aussi.
Une vie de privations entrecoupée de messes et de confessions à l’église. Avec l’arrivée d’Hitler au pouvoir, la famille s’agrandit d’un septième enfant, un garçon. La petite Suzanne observe, enrage et grandit sous le précepte principal d’Achille qui est ; « Apprends à bien parler et tu ne seras jamais complètement pauvre. » C’est ce que fait Suzanne, elle est curieuse et avide de savoir, bonne élève, elle fait son premier voyage pour se présenter à un concours d’éloquence. Concours gagné, une première soirée de liberté et la rencontre d’un groupe d’amis qui ne vivent pas comme elle.
Retour à la maison, mais le cœur et l’esprit sont restés à Montréal. Une correspondance s’établit, d’autres lectures se font et les idées fusent. Lorsqu’elle reçoit la lettre du collège qui l’accepte pour qu’elle y finisse ses études, c’est sans se retourner qu’elle franchit le seuil de la maison familiale.
Elle va s’intégrer à ce groupe les « Automatistes ». Elle y rencontre Marcel Barbeau « Il a une présence précise. En tout terrien. Rien d’évanescent. Il est violemment ancré, et pourtant reste insaisissable, profondément secret. »
Va commencer une vie de bohème, ils se marient en 1948, en 1949 Suzanne a 23 ans va être maman pour la première fois d’une petite Manon dite Mousse et deux ans plus tard d’un petit François.
Elle se met un peu de côté pour s’occuper de promouvoir les œuvres de son mari. Et dans leur groupe, dirigé par Paul-Emile Borduas, il lui faudrait faire profil bas. Elle ose critiquer ce qui est écrit sur des tracts et se voit évincée de la signature du manifeste Refus Global, ce qui aura pour conséquence de reléguer son œuvre au second plan : « les femmes ne durent qu’au fait d’avoir signé le Refus global d’être reconnues comme automatistes et, conséquemment, de passer à l’histoire ».
Elle écrit, elle peint mais elle s’occupe des enfants seules, Marcel vit sa vie de créateur. Dans ce groupe d’avant-gardistes, le rôle des femmes reste le même, celui de ménagère et de mère. Suzanne rêvait d’autre chose, d’une vie artiste partagée et non de cette vie de seconde zone. Une photo d’avril 1952 montre un couple avec ses deux enfants, un cliché de la famille idéale, une Suzanne souriante tenant sa petite fille sur les genoux et souriant à son jeune fils.
1ER août 1952, elle prend le bus et quitte sa famille, abandonne ses deux enfants.
Une nouvelle fois, elle part sans se retourner.
Son amie Marcelle l’héberge et par sa légèreté, va aider Suzanne à empoigner la vie et la faire sienne. Elle enseigne le dessin au fusain. Marcel assume son rôle de père en cumulant les boulots pour payer la garderie. Mais tout a une fin et il faut trouver une solution. Suzanne fait appel à ses belles-sœurs : « Tu raccroches. Tu t’accroches. Tu te choisis. » En effet ses dernières ne prennent que Mousse et laissent le petit François.
Celui-ci sera adopté par un couple dont le mari est embaumeur.
Elle conservera le nom de Barbeau car le divorce est illégal au Québec.
Suzanne convainc Marcel de renoncer à ses droits parentaux pour que les deux enfants soient adoptables. Il le fait et part pour New-York.
Avec Peter elle part en Gaspésie et devient postière. Un an plus tard retour à Montréal, le temps de prendre un bateau pour Bruxelles. Puis faute d’y trouver du travail, c’est Londres la patrie de Peter. Ses parents sont ravis de rencontrer Suzanne, mais celle-ci se réfugie à la National Gallery. Elle étudie les œuvres qui y sont, Peter l’y retrouve et l’encourage à reprendre les pinceaux. Elle peindra son Pont Mirabeau.
En 1956 Suzanne est enceinte, elle a trente ans et il faut trouver de l’argent pour « une faiseuse d’anges ».
1958, arrivée à New-York, séjour à Harlem avec Selena. Prise de conscience de la ségrégation et des exactions du KKK.
1961 le fameux voyage en autocar jusqu’en Alabama. Elle fait partie du premier groupe de manifestants qui luttent pour dénoncer cet étiquetage humain : « White only » « Colored only ». D’autres manifestants vont arriver et la prison déborde d’humains. Victoire le 22 septembre 1961, le gouvernement Kennedy ordonne la libération de tous les manifestants et déclare illégale l’utilisation des signes ségrégationnistes.
A la suite de quoi Suzanne va devenir secrétaire d’une association militante à Greenwich, elle a 40 ans. Elle rencontre Gary, 22 ans SDF fracassé par la guerre du Vietnam. C’est avec lui qu’elle fera son retour à Ottawa pour les obsèques de Claudia, sa mère. C’est l’été, elle revoit sa famille.
Mousse a grandi auprès de ses tantes, mais François a fui sa famille adoptive, car la femme qui lui a servi de mère est morte, et le remariage du père est une catastrophe pour cet enfant qui est le souffre-douleur de sa belle-mère. Il fuit les autres et lui-même. Lui aussi est en quête.
1981 signe le retour définitif de Suzanne à son point de départ Ottawa. Elle y restera jusqu’à sa mort.
Un magnifique portrait de femme, dans son contexte.
Un apaisement dans le fait d’avoir retrouver la femme Suzanne Meloche-Barbeau.
Pourquoi es-tu partie ? Une question à laquelle Suzanne refusera toujours de répondre.
Ce livre est une quête longue, douloureuse mais aussi lumineuse. Essayer de comprendre est le premier pas sur la route du non-jugement. Qui sommes-nous pour juger les autres ? Que faisons-nous de notre vie ?
Une seule certitude les actes des uns a des conséquences sur la vie des autres et cela va de génération en génération.
Pour Suzanne et les autres cette définition de la liberté sonne juste :
« La liberté est un privilège borné de frontières dont les transgressions nous régentent immanquablement à récolter l’effet boomerang. » Mofaddel Abderrahim
©Chantal Lafon-Litteratum Amor 18 décembre 2017.
Anaïs Barbeau-Lavalette nous livre dans « La femme qui fuit » un récit poignant de la vie de sa grand-mère, Suzanne Barbeau née Meloche (1926-2009) qui a fuit sa ville, son mari, et surtout ses enfants. Sous couvert d’un fort caractère, et éprise d’une liberté totale, elle part à la recherche de sa personnalité, notamment dans le milieu artistique automatiste. Courage, fuyons ? Non : lisons avant de juger !
L’usage de la deuxième personne du singulier, le « tu », permet à Anaïs Barbeau-Lavalette de s’adresser directement à Suzanne Meloche, et induit une intimité entre la petite-fille, sa grand-mère, et le lecteur. Sans voyeurisme pour autant, cela permet de comprendre les blessures à la fois de la mère d’Anaïs et les failles de Suzanne.
Le titre du livre, La femme qui fuit, laisse à penser que l’auteur à voulu écrire un livre à charge : une impression qui paraît moins évidente quand on avance dans le récit. Au delà des simples accusations factuelles d’abandon, Anaïs Barbeau-Lavalette, n’a-t-elle pas voulu réhabiliter sa grand-mère peu connue, et aborder le sujet de la fuite à la fois du point de vue de celui qui a été abandonné mais aussi de celui qui a abandonné, de même que le prix à payer pour la quête de liberté, à fortiori pour une femme dans une société conservatrice? Suzanne sera en effet à jamais perturbée, tiraillée entre l’abandon de ses enfants et son désir de liberté. Ses choix ont ouvert des failles qui ne se refermeront jamais.
Pour ce qui est de la forme, de courts chapitres et des phrases ramassées donnent du rythme et du tempérament à ce livre, permettant de mettre en relief le fort caractère de Suzanne Meloche.
Au total, un livre émouvant… féministe?!
https://accrochelivres.wordpress.com/2017/07/31/la-femme-qui-fuit-anais-barbeau-lavalette/
Avec un palmarès aussi riche (Prix des libraires du Québec 2016 / Prix France-Québec / Grand Prix du livre de Montréal), ce roman à tout pour attirer les regards sur lui. Et il le mérite largement! A la fois pudique et sensible, poétique et visuel, Anais Barbeau-Lavalette nous livre un récit poignant de la vie de sa grand-mère qu'elle n'a que très peu connue, voir pas du tout. En s'appuyant sur des faits réels, historiques, elle déroule le fil d'une vie approximative avec tous les fantasmes d'une vie imaginée. Elle nous raconte et se raconte une histoire de famille pour décrire une société, le microcosme de l'art, les ambitions d'une femme, la liberté recherchée. A travers sa soif d'en découdre avec ce personnage insaisissable, l'auteure tente de la comprendre et repasse le fil des évènements qui ont jalonnés sa vie en s'adressant directement à elle, Suzanne Meloche, peintre, poète, mère, amante mais surtout femme.
Comme une longue lettre adressée à sa grand-mère disparue, l'écrivain réhabilite le nom de cette femme peu connue du grand public mais surtout d'elle même, elle qui a souffert du manque de sa propre mère. Et lorsque Suzanne meurt, emportant avec elle ses secrets, l'intrigue même de sa vie, elle découvre l'univers intime d'un appartement conservant livres et objets qui en disent plus sur la personnalité de cette femme qu'elle n'a pu elle même l'entendre de sa bouche. A l'aide d'un détective privé, elle s'évertue à nous raconter et à inventer cette femme aérienne à travers de courts chapitres, avec la rapidité et la minutie d'un portraitiste.
"Et puis un jour tu meurs. Cinq ans plus tard. Dans ce même petit appartement, où tu m'as immolée par sept clins d'oeil. Nous, on est en cocon familial à la campagne. Ce que mes parents ont construit et qui ne te ressemble pas. Une famille qui se colle. Au téléphone, Claire, cette soeur religieuse que tu ne voyais plus, nous annonce ton décès. Ma mère s'accroche aux murs. C'est Hiroshima dans son ventre. Enfin débarrassée de ton absence. Elle deviendra peut-être normale. Une femme, avec une mère enterrée."
A Ottawa sur le territoire Canadien en 1926, Suzanne Meloche née entourée de nombreux frères et soeurs, une éducation stricte, têtue, est dotée d'une aura incandescente, certaine d'un destin hors norme. L'image d'une mère dépressive de ne pas avoir continuer le piano au profit d'enfanter la marque au fer. Sa soif de liberté va naître de cet environnement étouffant pour rapidement partir à Montréal et entamer des études supérieures. Au fil des rencontres son destin bascule, l'esprit se libère et dévoile l'âme artistique qui sommeille en elle. En se liant au groupe du mouvement des automatistes autour du professeur Paul-Émile Borduas dans les années 40, elle trouve une famille et expérimente un nouveau langage artistique. Fondement du mouvement surréaliste, elle regarde, s'inspire, peint et écrit mais ne participera jamais officiellement au mouvement lors de la sortie du manifeste controversé du Refus Global en 1948. Le groupe se dissout doucement mais elle en sort plus forte: elle a trouvé l'amour.
Marcel Barbeau, peintre issu du mouvement, et Suzanne vivent d'amour, de peinture et d'eau fraîche. A la recherche de l'artiste, de liberté d'être, la passion dévorante les font parents d'une petite fille prénommée Mousse et d'un fils François. De petits boulots en galères, ils vivent dans la misère, la fureur et l'incertitude. Mère tendre, Suzanne n'en est pas moins une artiste en devenir qui ne supporte pas sa condition de vie ni la perte de temps . Elle prend alors une décision radicale: abandonner sa famille pour vivre sa passion. Tout simplement vivre sans contraintes, au nom de l'art, au nom d'elle même. La voilà sur les routes entre Canada, Europe et Etats-Unis tentant de créer, de ressentir et touche du doigts l'irrévérence à une époque en pleine mutation. Mais la liberté à un prix qu'elle payera toute sa vie au prix d'indifférence envers ses enfants malgré leur cri d'amour à chaque tentative de rapprochement. Suzanne n'est pas une mère mais une artiste.
"Je traverse le champ humide du matin. Nous voilà postées devant toi. Les noms inscrits au-dessus de tien ont compté dans ma vie. Alors, pourquoi toi, que je cherche à raconter? (...) Parce que je suis en partie constituée de ton départ. Ton absence fait partie de moi, elle m'a aussi fabriquée. Tu es celle à qui je dois cette eau trouble qui abreuve mes racines, multiples et profondes. Ainsi, tu continues d'exister. Dans ma soif inaltérable d'aimer. Et dans ce besoin d'être libre, comme une nécessité extrême. Mais libre avec eux. Je suis libre ensemble, moi."
En employant le "tu" Anais Barbeau-Lavalette tend une promiscuité au lecteur dans le roman. On regarde par la lucarne, en catimini, l'explosion d'émotions, de couleurs, de mots qui découlent de cette recherche de compréhension d'une femme en marge, indépendante, énigmatique. En mettant en lumière l'abandon des enfants, l'auteure règle presque ces comptes avec cette femme dure, engagée et insoumise pour mettre en avant les conditions figées de la femme dans la société canadienne gangréné par la religion. On peut souligner l'audace de cette femme qui ne résume pas sa personne à la maternité, ni à la sexualité mais à sa propre utilité dans ce monde. Profond, le style d'écriture est saisissant, fait de petites touches d'émotions subtiles en quelques courtes phrases, donnant un relief tout en nuance sans jamais juger, confondre et malmener. Les liens familiaux grâce à ce livre sont enfin apparents, tendent à une réalité sous-jacente et laisse deviner un pardon en devenir. Un pain de maïs brut suivi d'un thé noir brûlant se dégusteront à merveille pendant la lecture de ce fascinant roman.
http://bookncook.over-blog.com/
Le roman commence comme il finit : par une rencontre avec Suzanne, la grand-mère de l’auteure. Celle-ci décrète d’emblée qu’elle ne l’aime pas parce qu’elle a fait du mal à sa mère, irrémédiablement. Alors elle raconte, en remontant le fil du temps et des évènements : Suzanne Meloche est née en 1926 au Canada. Elle rêvait de liberté, d’une liberté totale, pour aimer, pour créer, pour exister, pour être tout sauf une femme ordinaire. Alors, un jour de 1952 elle choisit de poursuivre sa voie en abandonnant ses deux enfants, Mousse, 3 ans, et Antoine, 1 an.
Cette histoire m’a brisé le coeur, elle est d’une cruauté inouïe. Toute leur vie, les enfants de Suzanne chercheront leur mère d’une certaine manière, à la revoir, à essayer de recoller ce qu’elle a brisé, se heurtant à un silence et une volonté d’oubli. Car une fois qu’elle a choisi, qu’elle s’est choisie, Suzanne s’est interdit tout retour en arrière, malgré de fréquents retours d’élan maternel. Une famille explosée pour quoi ? quelques poèmes, des actions militantes, quelques amants, beaucoup de voyages, une fuite en avant permanente. L’auteure réinvente sa vie sans la juger mais sans cacher non plus le mal qui a été fait, le prix à payer pour ce désir fou d’affranchissement.
La forme du récit n’est pas ordinaire non plus, cette construction en brefs chapitres entrecoupés de citations. Au beau milieu du livre, cette photo d’une famille au temps où elle en était encore une, qui noue les tripes, en plus d'une langue déchirante et sublime.
La femme aux semelles de vent.
Grâce à ce livre d’Anaïs Barbeau-Lavalette mêlant fiction et éléments biographiques, j’ai fait la connaissance d’une femme fascinante, Suzanne Meloche.
Poétesse et peintre dans la lignée du mouvement automatiste québécois de Paul-Emile Borduas, elle est l’auteure des « Aurores fulminantes », poème saturnien aux couleurs surréalistes .
Suzanne Meloche est aussi une femme mystérieuse et insaisissable, difficile à cerner ayant confié ses deux enfants Mousse et François en bas âge à de la famille par peur de la misère . Un état transitoire qui devient un abandon car Suzanne Meloche refusera jusqu’à sa mort de parler à sa fille et à ses petits enfants malgré leurs tentatives de renouer avec elle.
« Tes poèmes dorment au font de tes poches. Mousse bave dans ton cou .Tu avales la vie des autres et ne sais pas comment construire la tienne ».
Il y a de l’amour pourtant, sûrement. Alors pourquoi ?
Lancinante question que je me suis posée en lisant ce beau texte touchant en forme de lettre adressée par l’auteure à sa grand-mère défunte.
Anaïs Barbeau-Lavallette utilise le tu, va à la rencontre de celle-ci par le biais des documents laissés à sa mort, des photos, des billets de transports (Suzanne voyageait beaucoup entre l’Europe, les Etats-Unis, Montréal et sa terre natale d’Ottawa jusqu’à la Gaspésie) et des témoignages précieux recueillis avec l’aide d’une détective privée.
C’est aussi l’occasion d’approcher l’histoire du Québec des années 1940 jusqu’au début du 21ième siècle, de s’intéresser au manifeste artistique du refus global en 1948 et de ses implications dans la société québécoise.
Les pièces s’assemblent, le portrait d’une femme engagée et insoumise laisse enfin une empreinte, des mots. Le texte est la renaissance d’une femme portant sur ses épaules le poids de soumission de la lignée maternelle qui pour s’en échapper ne voyait que la fuite.
Mais ne peut-on pas être libre ensemble ? Conjuguer le je avec le nous, un vaste défi.
J’ai ressenti de l’affection dans les mots dédiés à une grand-mère et une grande empathie envers toutes les femmes qui subissent le poids des aliénations domestiques ou religieuses.
Une lettre profondément touchante.
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