Découvrez les derniers trésors littéraires de l'année !
« Quand le gamin a tiré le premier son du violon, j'ai cru qu'on m'enfonçait dans l'oreille la lame du pic à glace resté sur la table, à côté du seau à champagne. Je n'ai rien dit, je me suis contenté de serrer les dents car c'est ce qu'on fait dans ces cas-là, en silence et en souriant, sans montrer qu'on se mord la joue à l'intérieur. Je ne me serais pas inquiété si j'avais été le seul musicien autour de la table. J'aurais compris que comme d'habitude, mes standards n'étaient pas ceux de tout le monde et que tant pis, il fallait vivre avec et endurer, puis trouver la force à la fin de quelques mots d'encouragement.
Je me suis levé d'un coup, sans le décider vraiment, et j'ai fermé les deux poings en l'air comme avec l'orchestre en répétition ; l'horrible crissement, enfin, s'est arrêté. »
Tristan est chef d'orchestre. Il a consacré toute sa vie à la musique, au piano d'abord puis à la direction d'orchestre. Il lui a même sacrifié sa vie personnelle. Mais à l'aube de la soixantaine, il songe enfin à se marier avec Mathilde, de 25 ans sa cadette. A une semaine de la première de Tristan et Isolde, l'opéra de Wagner qu'il fait répéter, deux événements vont faire basculer sa vie : c'est d'abord la disparition de Hannah, la chanteuse qui tient le rôle titre ; puis l'oreille de Tristan qui se dérègle, lui faisant entendre des fausses notes là où il n'y en a pas. Le musicien tente de cacher son handicap et de poursuivre normalement les répétitions, jusqu'au jour où il craque et agresse un chanteur de la troupe.
Pour son premier roman, Clément Rossi nous fait pénétrer dans son monde, celui de la musique. Son personnage central, un peu prétentieux, accepte mal les défauts des autres, se montre exigent. Il cache en fait derrière ce comportement les frustrations d'une carrière qui n'a pas atteint les plus hauts sommets. Alors quand il n'est plus lui-même capable de se hisser à son niveau d'exigence, il commence par essayer de le cacher à son entourage, tant professionnel que familiale, ce qui ne fait que l'enfoncer davantage, au point de risquer de tout détruire autour de lui. Il m'a fait pensé à ces professionnels très (trop ?) investis dans leur travail et qui du jour au lendemain deviennent incapables de poursuivre ou, pire, sont poussés dehors parce que trop vieux ou payés trop cher.
Les causes du mal sont ici secondaires. L'important, c'est la réaction de Tristan, sa brutale descente aux enfers alors qu'il se croit capable de surnager. Et, comme souvent, c'est lorsqu'il touche le fond que l'espoir commence à renaître et que l'humanité du personnage réapparaît.
Un sujet intéressant donc, pour un livre bien écrit mais pas toujours si facile à lire. Un beau roman sur la perte de sa passion, et une première réussie pour Clément Rossi.
http://michelgiraud.fr/2020/02/29/la-dissonante-clement-rossi-sygne-gallimard-beau-roman-sur-la-perte-dune-passion/
Il n'y a pas encore de discussion sur ce livre
Soyez le premier à en lancer une !
Découvrez les derniers trésors littéraires de l'année !
"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
L'auteur se glisse en reporter discret au sein de sa propre famille pour en dresser un portrait d'une humanité forte et fragile
Au Rwanda, l'itinéraire d'une femme entre rêve d'idéal et souvenirs destructeurs