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Plusieurs fois par an, je me rends à Anduze pour rendre visite à Joseph Zobel et rester quelques jours avec lui. Il y a un mois, cependant, je ne m'attendais pas à le retrouver à l'hôpital d'Alès. Mon épouse et moi lui avons pris les mains, comme pour accompagner sa fuite vers les îles. Il ne nous a reconnu qu'à notre départ. Trois jours plus tard, Joseph va mieux. Il nous reconnaît, fait le joli coeur auprès de Christine :
- Que vais-je offrir à cette dame ?
Il lui prend la main, joue avec le cabochon qu'elle porte au doigt.
- Mais je lui ai déjà offerte cette bague.
Plus tard, l'infirmière lui apporte deux yaourts qu'il refuse sans ménagement.
- Ah, ma chère, dit-il doctement à Christine, le boudin antillais, c'est quand même autre chose !
Au moment où, rassurés, nous prenons congé de lui, nous n'avons pas fait dix mètres dans le hall que je l'entends crier, avec toute sa vigueur d'autrefois.
- José !
- Viens-là, me dit-il en faisant signe de l'approcher. Tu te rappelles ce jour où nous avons fait la sieste ensemble dans ma chambre de la maison de retraite.
- Oui !
- Et bien je vais te dire quelque chose.
- Quoi ?
- La prochaine fois, on fera un repas tout simple, mais ni toi ni moi ne sommes capables de le faire. Francis peut-être en approcherait : mais ce ne sera pas ça .
- Quoi ?
- Le boudin créole.
Le soir même, j'ai commencé à écrire ce livre.
José Le Moigne, Lodève, 5 mai 2006
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