Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
Le 13 mars 2010, Jean Ferrat nous quittait.
Une vague d'émotion avait alors envahi le pays, touchant tous les milieux sociaux sans distinction. Plus d'un an après, ce livre de photos revient sur le parcours peu connu de ce chanteur dont la disparition a ému tant de Français. Enfant des quartiers populaires de la banlieue parisienne, fils d'un père mort à Auschwitz, Jean Ferrat fut un homme non pas secret mais réservé, qui se tenait loin du show-biz.
Des vers inoubliables, "Aimer à perdre la raison, Et ne connaître de saisons, Que par la douleur du partir" ou "Pourtant, que la montagne est belle" aux textes politiques comme "Cuba si" ou "Ma France", ce livre raconte la trajectoire d'un homme amoureux des mots mais surtout profondément engagé quand il s'agissait de prêter sa voix à de grandes causes. Cet ouvrage a été réalisé en collaboration avec le journal l'Humanité.
Tout nous attache à Jean Ferrat et ses chansons vont trotter encore longtemps dans nos têtes. Un an après sa mort, un ouvrage superbe édité par Jean-Claude Gawsewitch permet à Jean-Emmanuel Ducoin, rédacteur en chef de l’Humanité, de retracer un parcours marqué constamment par la fidélité aux idées et par la sincérité des sentiments. Le même auteur s’était déjà fait remarquer avec, entre autres, deux livres sur le Tour de France et Nous étions jeunes et insouciants, avec Laurent Fignon.
Les titres des chansons de Jean Ferrat rythment cet ouvrage au grand format et magnifiquement illustré. Quoi de plus naturel que de commencer par Nul ne guérit de son enfance pour faire connaissance avec Jean Tenenbaum, né le 26 décembre 1930 à Vaucresson ? Son enfance est heureuse à Versailles, au contact avec la nature et entouré par sa famille. Son père Mnacha, est un artisan joaillier qui a dû se reconvertir dans la vente des fruits et légumes pour pouvoir faire vivre sa famille. Jean a deux frères, Pierre et André et une sœur, Raymonde tous plus âgés.
Hélas, Nuit et brouillard arrive bien trop vite. Il a 9 ans lorsque la guerre commence. C’est la fuite en Bretagne devant le nazisme et l’antisémitisme. La famille revient à Versailles mais Jean a pris conscience de sa judéité et il se sent marqué, considéré comme un paria. Son père qui se fait appeler Michel, était venu de Russie à l’âge de 20 ans. Il est arrêté dans la rue, interné à Compiègne puis à Drancy et déporté à Auschwitz le 30 septembre 1942. Il ne reviendra jamais. Pendant ce temps, la famille se réfugie à Font-Romeu, revient à Versailles, repart pour le sud, Toulouse puis l’Ariège où elle est protégée par des résistants communistes. Quand la guerre est finie, après un autre passage par Font-Romeu, les voilà à nouveau à Versailles mais sans le père.
Je ne chante pas pour passer le temps, Ma môme, permettent de suivre Jean comme aide-chimiste dans un labo de Paris travaillant pour le bâtiment. Il adhère à la CGT et il est séduit par le matérialisme historique et dialectique. En fait, c’est le monde des artistes qui l’attire. Il fait partie d’un petit groupe de jazz, fait du théâtre amateur, est figurant dans plusieurs films et commence à écrire de la musique sur Les yeux d’Elsa d’Aragon. Une grave infection pulmonaire le frappe à cette époque et il doit même subir une intervention chirurgicale. Ayant abandonné son travail de chimiste, il travaille la guitare et court les cabarets de la rive gauche où il côtoie Boris Vian, Léo Ferré, Juliette Gréco, Catherine Sauvage, Germaine Montero, Francis Lemarque, Charles Aznavour, Mouloudji, Cora Vaucaire, Monique Morelli, Georges Brassens, Jacques Brel puis Barbara, Guy Béart, Anne Sylvestre, Claude Nougaro, Pierre Perret, Serge Gainsbourg, Georges Moustaki, Bobby Lapointe, Francesca Soleville… Il passe une audition à La Rose Rouge mais n’est pas pris. Finalement, il obtient son premier engagement à L’Échelle de Jacob, chez Suzy Lebrun, en lever de rideau d’Aznavour, sous le nom de Jean Laroche. Il interprète quatre chansons à la guitare. Il a 24 ans. Après deux mois dans un cabaret à Anvers, il court le cachet mais lorsqu’il veut s’inscrire à la Sacem, Laroche est déjà pris. On dit que c’est par hasard, en regardant une carte de France, qu’il est tombé sur Saint-Jean-Cap-Ferrat qu’il a choisi et avec lequel il obtiendra la célébrité.
En 1956, il rencontre Christine Sèvres, jeune comédienne et chanteuse, et ils ne se quitteront plus jusqu’à ce qu’elle décède d’un cancer en 1981. Il adopte la fille de Christine, Véronique Estel. Tous les deux, ils seront jusqu’au bout fidèles à leurs idées et resteront libres face au Parti communiste Français dont ils sont très proches. Il rencontre Louis Aragon en 1961 et une amitié profonde les reliera bientôt.
Un premier 45 tours, chez Vogue est un fiasco total. Chez Philips, on pense que Jean Ferrat ne réussira jamais. C’est Gérard Meys, un passionné de chanson française, qui devient son producteur et manager unique alors qu’il signe chez Decca. Son second disque, en décembre 1960, est un coup de maître avec Federico Garcia Lorca et Ma môme, une chanson écrite à l’origine pour Yves Montand.
Son premier 33 tours (10 titres), sorti fin 61 avec Deux enfants au soleil, lui permet d’obtenir le Grand prix national du disque. Eddie Barclay « mécène et esthète » l’accueille pour son second 33 tours sur lequel figure Nuit et brouillard, une chanson qu’il avait en tête depuis des années et qui obtient un succès considérable.
Avec Christine, il s’installe à Ivry-sur-Seine, dans la banlieue rouge, et sa carrière prend peu à peu son envol. Concerts et disques s’enchaînent. C’est Gabriel Monnet, directeur de la Comédie de Bourges, qui lui parle d’Antraigues-sur-Volane, en Ardèche, et lui conseille de rencontrer Jean Saussac, peintre et ancien résistant. Jean et Christine ont un coup de foudre immédiat pour ce village où ils achètent une vieille ferme à moins de 3 km du bourg. Cet amour passionné et raisonné pour la beauté et le calme du lieu ainsi que pour sa population, donnera La Montagne, en 1964.
Jean Ferrat poursuit sa carrière, écrit même des musiques de films et se produit à Bobino. C’est l’époque où Potemkine déchaîne les passions. La chanson est même interdite à la télévision. Toujours en 1965, est organisée une Nuit d’Antraigues, avec, entre autres, Catherine Sauvage, le ballet de Roland Petit et… Jacques Brel !
C’est en 1967 qu’il revient de Cuba avec une moustache qui deviendra légendaire. Là-bas, il s’est produit devant des milliers de personnes qui, paroles en mains, chantaient avec lui mais il n’a pas rencontré Fidel Castro. La matinée est un cadeau d’Henri Gougaud. Ma France revendique le meilleur pour tous mais Jean Ferrat est à nouveau privé de télé, pour deux ans et demi, cette fois.
En 1970, il fait le Palais des Sports devant 60 000 personnes et 10 000 deux ans plus tard. Camarade dénonce l’écrasement du Printemps de Prague. La Commune rend hommage à Jean-Baptiste Clément et Eugène Pottier, les auteurs du « Temps des cerises ». Son album Ferrat chante Aragon, en 1971, est un véritable bijou. En 1972, il chante à la fête de l’Huma devant 100 000 spectateurs et, l’année suivante, au théâtre antique de Fourvière, c’est son dernier concert…hélas. Physiquement et nerveusement saturé, il veut avoir du temps pour lui et se retire à Antraigues.
Il mettra deux ans avant d’offrir un nouvel album combatif et prophétique avec La femme est l’avenir de l’homme. Il devient conseiller municipal d’Antraigues puis maire-adjoint jusqu’en 1983 et joue aussi à la pétanque sur la place du village. En 1979, il a réenregistré ses 113 chansons sur douze disques. L’année suivante, pour la première fois, son nouvel album de de douze titres est entièrement signé Jean Ferrat, paroles et musique.
Le 1er novembre 1981, Christine Sèvres décède d’un cancer à 50 ans. Un an plus tard, c’est Aragon qui tire sa révérence. Quelques années plus tard, Jean Ferrat partage sa vie avec Colette qu’il épouse. À la télévision, Michel Drucker lui fait toujours confiance et nous offre un spécial Ferrat en 1991. Devant dix millions de téléspectateurs, il chante 9 de ses 14 nouvelles chansons dont À la une qui fait du bruit. En 1994, son dernier album met en valeur seize nouveaux poèmes d’Aragon dont La Complainte de Pablo Neruda, une chanson entraînante et émouvante à la fois.
S’il a perdu ses illusions, Jean Ferrat garde ses espérances. Il se présente aux européennes sur la liste « Bouge l’Europe » de Robert Hue, en 1999. Une exposition, en 2004, présente Jean des encres, Jean des sources, à Ivry-sur-Seine puis à la fête de l’Humanité. Au cours du concert de Francesca Soleville et Véronique Estel, il prend le micro et chante Le Temps des cerises, un moment d’intense émotion. Aux régionales de février 2010, il appelle à voter pour le Front de Gauche et s’éteint le 13 mars qui suit, à Aubenas. Jean Ferrat avait 79 ans. Aussitôt, l’émotion est considérable. Ses funérailles, à Antraigues, attirent une véritable marée humaine et sont retransmises en direct à la télévision.
Depuis, sa tombe donne l’occasion à de très nombreux admirateurs d’aller lui rendre hommage mais il reste ses disques et les enregistrements vidéo d’un homme, un artiste, un poète qui a su, tout au long de sa carrière se comporter comme un être responsable et formidablement rempli d’une émotion qu’il savait transmettre de sa voix chaude et profonde…inoubliable.
Chronique illustrée à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
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