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Entre 1880 et les années 1920, le couturier Jacques Doucet habilla les dames de la haute société : Réjane et Sarah Bernhardt étaient ses clientes, les chroniqueurs de mode relataient régulièrement ses créations et l'Albertine de Proust rêvait de se voir dans « tel peignoir de Doucet aux manches doublées de rose ».
Mais Jacques Doucet était surtout un amoureux de l'art et fut l'un des plus importants collectionneurs de son temps. Il s'entoura des meilleurs conseillers, André Breton, André Suarès ou Pierre Reverdy, et, grâce à son immense fortune, acheta les plus belles oeuvres :
Ses dessins, sculptures, peintures constituaient de fabuleuses collections qu'il installa dans des demeures conçues comme des écrins.
Tout commença par une collection d'art du XVIIIe siècle où les Watteau le disputaient aux Chardin, Clodion et Hubert Robert. La vente de cet ensemble, en 1912, eut un grand retentissement. Doucet se passionnait aussi pour les impressionnistes : les peintures de Degas, Monet, Manet, Van Gogh ou Seurat ornaient ses salons. Homme curieux, il sut reconnaître l'importance des avant-gardes et fut le premier propriétaire des Demoiselles d'Avignon de Picasso ; des toiles de Duchamp, Picabia, Matisse, le Douanier Rousseau et Miró, des meubles de Legrain, Iribe, Eileen-Gray et des reliures de Rose Adler trouvaient place chez lui.
Mécène généreux, Jacques Doucet finança des revues (Nord-Sud) et des campagnes photographiques en Chine et au Japon. Ayant à coeur de réunir la documentation permettant d'approfondir les connaissances de tous, il était l'affût de pièces rares (manuscrits, éditions originales...) et des documents nécessaires à la compréhension des oeuvres de l'esprit. Il créa deux des plus grandes bibliothèques de son temps : la bibliothèque d'Art et d'Archéologie et la bibliothèque littéraire.
C'est cette histoire que raconte ce livre : il restitue ces collections aujourd'hui dispersées, témoins d'une époque à la fois douloureuse et enthousiaste et qui rassemblaient « tout ce qui compte par la beauté de l'oeuvre, par la rareté du sentiment et par le sens de l'art » (André Suarès).
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