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Si je me suis attelé à ce vaste projet - une histoire intime de la V? République en trois époques -, c'était pour essayer de comprendre comment notre cher et vieux pays a pu, en quelques décennies, s'affaisser à ce point, dans un mélange de déni, masochisme et contentement de soi, sur fond de crise existentielle. La décadence n'est jamais écrite. Quand le général de Gaulle a pris le pouvoir en 1958, la France était quasiment par terre, à cause, entre autres, de la guerre d'Algérie et de l'effondrement des «élites». Prophétique, machiavélique et prosaïque, il l'a remise debout en à peine un an, sans négliger les plus infimes détails, ni lésiner sur les roueries et les mensonges. Le personnage que je dépeins est bien plus complexe que celui de la légende. Pourquoi une histoire «intime» ? Parce que l'histoire est toujours écrite par ceux qui l'ont faite ou vécue, et que j'ai voulu ajouter, en m'appuyant sur mes notes de l'époque, mon regard d'alors en le confrontant à celui d'aujourd'hui, dans un va-et-vient permanent. «Intime» encore parce que ce retour sur un passé récent entend inclure aussi le regard que portaient naguère les contemporains sur l'odyssée gaulliste qu'ils étaient en train de vivre : je cherche à décrire un monde et une manière d'être français dont le souvenir commence à s'éteindre. Dans ce premier tome, c'est le stupéfiant redressement du pays par le Général que je raconte, jusqu'à la chute du grand homme, après onze ans de pouvoir. Puisse ce récit personnel permettre de tirer, pour aujourd'hui, les leçons d'une résurrection française qui, sur le moment, semblait impossible. F.-O. G.
« Histoire intime » précise le titre de la trilogie que FOG consacre à la Ve République. Mais de quelle intimité s'agit-il ? Elle est double. Plus qu'au déroulement factuel, l'auteur a recours aux écrits du Général de Gaulle, et surtout aux témoignages rapportés par ceux qui l'ont côtoyé.
Mais comme il aime parler de lui, il a ressorti ses carnets à spirale dans lesquels il a consigné ses impressions et a glissé sa propre famille dans son récit. L'idée est plutôt bien venue car ses géniteurs, de gauche, babas cool avant l'heure et antigaullistes acharnés, donnent un peu de chair à ce premier volume sous-titré « Le sursaut » et expriment les sentiments d'une certaine partie des Français craignant, avec le retour du Général, la mise en place d'une dictature.
Si FOG fait des années 1958-1969 une période bénie, il ne cache pas les travers du premier président de la Ve République.
Côté positif, il rappelle avec quelle maestria il a extrait son pays du bourbier dans lequel il s'était englué en Algérie et comment il a doté la France d'une constitution lui assurant une stabilité politique et l'a conduite sur la voie de la modernisation tout en assainissant l'économie.
Côté négatif, on reste pantois devant certaines assertions plus ou moins connues qui dynamitent le portrait flatteur, livré par ses admirateurs, d'un de Gaulle au-dessus de la mêlée. On apprend qu'il fut « un cavaleur parenté » et il aurait eu un enfant naturel en la personne de Pierre Lefranc. En dehors de ces histoires de fesses, il aurait été sujet à des accès de dépression exacerbant son pessimisme.
Pis, il serait un maître ès mensonges, le plus important étant celui qu'il proféra en 1958. Il est revenu aux affaires en affirmant qu'il souhaitait conserver l'Algérie alors, qu'en son for intérieur, il n'avait qu'un objectif : s'en débarrasser, avec les conséquences terribles que l'on connaît pour les pieds-noirs et les harkis. Pour le Général, les Algériens, compte tenu de leur culture et de leur religion, sont inassimilables. Maintenir le pays du Maghreb dans le giron de la France présenterait le risque d'attirer sur le sol gaulois des hordes d'Arabes attirées par notre niveau de vie. Au risque de transformer « Colombey-les-Deux-Églises » en « Colombey-les-Deux-Mosquées » ! La théorie du « grand remplacement » avant l'heure ?
Alors, comment a-t-il réussi à faire de la France, sortie détruite du second conflit mondial et malmenée par une IVe République déliquescente ? FOG suggère plusieurs pistes : « il se fiche des élections » et donc de sa popularité ; son pragmatisme ; sa grande idée de la France (mais pas des Français qu'il taxe volontiers de « veaux ») ou encore son machiavélisme qui considère que tous les moyens sont bons pour parvenir à ses fins. En revanche, il n'a rien compris à mai 1968 et en a tiré les conséquences.
Pour raconter « son Général », forcément de manière subjective et souvent cruelle, FOG, dont le style enlevé est presque une marque de fabrique, use et abuse parfois de mots un brin désuets tels que « embobeliner », « fichaise », « papelard », « chattemite », « lantiponne »...
À la fois charmant et agaçant.
À lire avec un dictionnaire à portée de la main.
http://papivore.net/documentaire/critique-histoire-intime-de-la-ve-republique-1-le-sursaut-franz-olivier-giesbert-gallimard/
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