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Un quartier populaire revisité par un regard sur soi Le livre traduit en images les résultats d'une résidence d'artiste et la grande jubilation à réaliser une création collective, haute en couleurs. Hortense Soichet - qui commence à être bien connue par nos livres car c'est son cinquième livre principal et elle a participé à deux ouvrages collectifs - a séjourné pendant deux ans en résidence à Ivry-sur-Seine, dans une maison de quartier du secteur Ivry-Port fréquentée à 90 % par des femmes, essentiellement des mères de famille ou des femmes vivant seules. Elles ont été nombreuses à exprimer leur souhait de photographier à l'extérieur (d'où le titre).
Quoi photographier ?
Ivry-Port ? Certes mais finalement c'est un « ailleurs », un ailleurs construit ensemble en excluant les autres personnes du cadre, en centrant le regard sur le groupe constitué comme une petite communauté agissant dans une cosmogonie portative.
Pour une esthétique du « bégaiement photographique » Cette esthétique du bégaiement, selon le mot d'Hortense Soichet, a permis de créer un fil rouge, de faire série, de donner du corps à l'ensemble. Il rend tangible la force d'un regard collectif porté sur un sujet commun qui s'est imposé de lui-même : des femmes photographes déambulant librement dans un quartier populaire d'une ville de banlieue parisienne.
Il n'y a pas au départ de « grand sujet », de « grandes causes » à défendre, mais plutôt l'envie de s'inscrire dans le quotidien d'un lieu de vie et de rendre possible une rencontre qui fait naître un autre imaginaire des lieux au sein duquel chacune trouve sa place.
Une autre image de la photographie Dans son texte d'ouverture à ce livre, l'historien et théoricien de la photographie Michel Poivert interroge la réalité contemporaine du medium sous le titre : « Pour une autre image de la photographie ». Il souligne l'évolution de son statut au tournant de l'an 2000 et invite à distinguer photographie et image pour comprendre ce qui se joue de nos jours. Depuis plus d'une génération la révolution numérique a « libéré la photographie de sa valeur d'usage - produire des images - pour désormais fonder ses valeurs sur tout un ensemble d'activités, de réflexions, de mode de production et de création - en un mot d'expérimentations ».
C'est donc, selon lui, plus pour faire - plutôt que prendre - de la photographie - plutôt que des photographies - que s'est exercée dans ce projet une sorte d'écosophie sociale. À rebours de la notion d'auteur, devenue le tremplin vers le statut artistique du photographe, il s'est agi dans ce projet de « déconsacrer » l'attribution des photographies à un seul regard.
Poivert souligne dans le travail entrepris par Hortense Soichet la continuité d'une ligne politique qui reste à l'oeuvre dans la photographie contemporaine. Elle est ici pratiquée sur un mode radical de co-création.
Avec peu de moyens techniques l'expérience relatée dans ce livre montre que, oui, c'est possible de faire de la photographie ensemble, professionnelle et amatrices réunies dans un même lieu. Tout tient dans un projet plus pragmatique que programmatique, plutôt « co-inventif » que protocolaire. Ce ne sont finalement pas seulement les images elles-mêmes mais le chemin qu'elles empruntent pour se réaliser et ce qui se passe entre elles qui est ici montré et qui donne à cet ouvrage sa valeur universelle. Rien d'autre que ce qui a été réellement expérimenté. Photographie écosophique ? Peu importe le nom donné à ce qui a été pensé en actes
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