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Depuis la fin des années 1990, une science du bonheur a fait son apparition : la psychologie positive. Elle s'attache à conférer une légitimité scientifique à une idée fort simple : le bonheur se construirait, s'enseignerait et s'apprendrait. Il suffirait donc de vouloir, et d'écouter les experts, pour devenir heureux. L'industrie du bonheur affirme ainsi pouvoir façonner les individus en créatures capables de faire obstruction aux sentiments négatifs, de tirer le meilleur parti d'elles-mêmes en contrôlant totalement leurs désirs improductifs et leurs pensées défaitistes.
Mais n'aurions-nous pas affaire ici à une autre ruse destinée à nous convaincre, encore une fois, que la richesse et la pauvreté, le succès et l'échec, la santé et la maladie sont de notre seule responsabilité ; que les maux des individus importent infiniment plus que les problèmes sociaux ? Et si la dite science du bonheur visait à nous convertir à un modèle individualiste niant toute idée de société ?
Se faisant autant archéologues d'un pseudo-savoir que sociologues, Edgar Cabanas et Eva Illouz reconstituent ici avec brio les origines de cette nouvelle « science » et explorent les implications d'un phénomène parmi les plus captivants et inquiétants de ce début de siècle.
Un livre urgent, accessible et provocateur.
Ne pas être heureux est aujourd'hui synonyme d'échec personnel et social. Plus rien ne devrait être hors de notre pouvoir. Pas même le bonheur.
Mais quelles sont les conséquences du matraquage de cette « pensée positive » sur nos vies professionnelles et familiales, sur nos existences toutes entières?
Que tait-on pour être en mesure de renvoyer aux autres cette image de l'employé(e), de la femme, de la famille parfaite?
Comment est-il possible d'intérioriser sans dommage une telle injonction au bonheur, une telle responsabilité?
Et de quoi cherchent à se dédouaner les acteurs du capitalisme en faisant reposer une telle responsabilité sur l'individu?
C'est ce que décortique ce livre. Un véritable bonheur pour moi qui suis depuis toujours horripilée par les rayonnages de développement personnel qui phagocytent toutes les librairies et par les petites phrases qui fleurissent inlassablement sur les réseaux sociaux telles que « le bonheur est un choix » (celle contre laquelle j'ai été la plus véhémente je crois).
J'ai tellement ressenti de colère à ce sujet sans parvenir à en faire une analyse aussi juste que ce livre.
Parce que, oui, la société de consommation dans laquelle nous vivons a tout intérêt à nous voir nous ruer sur toutes les dernières méthodes de pleine conscience, de calinâge d'arbres et de pliage de tee-shirts. Pendant que nous nous occupons de nos armoires et de notre enfant intérieur, nous oublions que nous avons le droit de nous révolter. Mes émotions ne sont pas des marchandises. Je tiens tout autant à celles qui gênent qu'à celles qui rassurent. Parce que je suis une personne. Pas une unité de production.
A lire de toute urgence et l'esprit bien ouvert.
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