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Haïm, la vie, qui est aussi le premier prénom d'Ernest Bogler, se lit 'comme un roman', et se déroule comme une épopée. Voici une famille autrefois unie, dispersée en trois générations ; venue de Galicie à la fin du XIXe siècle, 'installée' pour une génération à peine au sud des Carpates, en Hongrie, jetée, qui à Bergen-Belsen, qui à Kittriz-Leben, qui à Birkenau, qui à Buchenwald, où père, mère, frère périront, et qui, grâce à une rage de vivre, une volonté farouche et une force rare, arrivera à survivre d'abord, puis à vivre à nouveau : en France, aux Etats-Unis, en Israël.
Ernest Bogler nous livre à la fois un travail historique, une observation de la montée systématique de l'antisémitisme à chaque crise, qu'elle soit économique ou de changement d'équilibre entre populations et un récit d'une facture simple et claire, linéaire, qui a valeur de témoignage bien au-delà de sa propre expérience.
Émouvant et bien maîtrisé, il ne mène pas aux larmes ; factuel, il n'omet aucun des déplacements qui seront le lot de sa famille en ce XXe siècle inhumain et implacable.
Et pourtant, il n'y a pas de place ici pour la haine. C'est un sentiment qui reste étranger à Ernest Bogler. Il ne le comprend pas ; il ne l'éprouve pas. Outre les liens très forts qui l'unissent à chacun des membres de sa famille où qu'elle se trouve et oeuvre - Ernest Bogler lui-même s'installera à Paris, dans le Marais, en 1945, et y travaillera jusqu'à la limite de ses forces -, ce qu'il éprouve, c'est, avant même un sentiment d'appartenance à un judaïsme qui ne lui a pas apporté le réconfort qu'il aurait pu en espérer, un sentiment de loyauté à l'égard d'un pays devenu le sien et où l'identité n'est pas structurellement liée à une religion.
Presque arrivé au terme de sa vie, Ernest Bogler conclut que, s'il faut ne rien oublier, l'espoir que de tels crimes ne se reproduisent pas relève probablement de l'utopie.
Jacqueline Starer (janvier 2005).
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