Bandes dessinées, mangas et romans graphiques : attention, talents à suivre de près !
Dans son troisième récit autobiographique, Li-chin Lin questionne les notions d'appartenance à un pays et de "chez soi" . Même si elle vit en France depuis plus de vingt ans, Li-chin doit encore faire face à la xénophobie de personnes qui ne font pas la distinction entre les différents pays asiatiques, se moquent de son accent ou véhiculent des stéréotypes racistes. Ces comportements lui donnent l'impression qu'elle n'est pas intégrée et remettent en question sa relation avec le pays dans lequel elle a pourtant passé près de la moitié de sa vie.
Li-chin Lin a également une relation un peu compliquée avec son pays d'origine, Taïwan, où elle retourne régulièrement. Ses relations avec sa famille se sont dégradées au fil du temps et elle a l'impression d'être considérée comme un membre éloigné de la famille, pas une étrangère, mais presque. Enfin, l'appartement dans lequel elle vit à Valence, là où elle devrait se sentir en sécurité, est situé juste au dessus d'un bar extrêmement bruyant et elle passe de longues nuits blanches qui la rendent folle.
Li-chin se sent impuissante, ignorée par la mairie et la police, sans soutien, ce qui provoque une profonde crise... Avec Goán tao, Li-chin tente de répondre à des questions cruciales ; "quel est mon pays ? " et "où suis-je chez moi ? ".
Bandes dessinées, mangas et romans graphiques : attention, talents à suivre de près !
Li-Chin lin, née à Taïwan au début des années 70 arrive en France pour faire des études artistiques en 1999. Elle y reste malgré l'accueil pas toujours au top, les personnes qui se moquent de son accent, qui ne connaissent pas les différents pays d'Asie et se contentent de véhiculer les stéréotypes xénophobes liés aux Asiatiques.
Les relations avec sa famille et son pays ne sont pas non plus de tout repos, et comme beaucoup d'exilés, elle est écartelée entre cette double appartenance.
La couverture est extraite de l'album et est accompagnée de ces phrases que j'ai retenues, si simples et tellement vraies et qui répondent à la question : "Ton pays te manque, non ? Je me suis construit une vie ici, en France, pendant vingt ans. Presque la moitié de ma petite existence. Pourquoi personne ne me demande jamais si la France me manquerait si je la quittais ?" (p.26)
Le Français moyen, fier de ce qu'il est et peu curieux ne fait pas la distinction entre les habitants des différents continents : les noirs sont des Africains, les Asiatiques sont tous Chinois... Il lui est alors aisé de véhiculer les clichés dignes d'un OSS 117 en pleine forme dans un ascenseur. Et après, il permet à 90 députés d'extrême droite d'entrer à l'Assemblée nationale... mais je digresse.
Toujours est-il qu'in n'est pas facile d'être étranger en France, chaque jour, une petite blague, une remarque vient vous faire comprendre que vous n’êtes pas d'ici. C'est cela que vit Li-Chin Lin et qu'elle montre fort bien dans son roman graphique. Elle évoque également sa difficile relation avec sa famille restée à Taïwan, et le grand écart permanent entre son éducation taïwanaise et les habitudes françaises. Lorsqu'elle retourne voir ses parents, elle ne se sent plus totalement chez elle.
L'ouvrage est en noir et blanc, un dessin très libre, qui se joue des cases et du réalisme lorsqu'il en a besoin. Il faut s'habituer au style, une sorte de crayonné -je ne suis pas certain que ça soit le terme exact, mais c'est à cela que ça me fait penser-, et une fois le pli pris, on avance, revient en arrière et on se plaît dans ce récit plus dense qu'il n'y paraît de prime abord.
La troisième partie du livre est consacrée au combat de l'auteure contre un bar aux très grandes nuisances sonores en-dessous de son appartement. La complaisance de la police et de la mairie, la mauvaise foi du gérant ramènent encore une fois Li-Chin Li à son statut de non-originaire de la ville. La xénophobie se combat quotidiennement, c'est long, fatigant, ça mine le moral et la bonne humeur.
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