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Il y a le retour prudent sur le chemin des origines, le long de la côte, où les maisons boudent. La poésie mène alors à l'enfance, se fait gourmande, des bleuets en confiture, un coeur de lièvre sous la dent. Ici, les bonheurs disponibles s'empilent sur tout ce dont on ne parle pas, des pères horizon, des mères à la gorge inquiète. Et arrivées au bout nous prendrons racine dit le trajet vers une réconciliation avec un territoire, ce lichen millénaire dans lequel s'en vont renaître femme et fille, main dans la main, dit ce nord hostile et fertile, fait de grands espaces et de petites choses. De doigts gelés et de pain chaud.
Et surtout, de silence.
Récompensée en 2019 par le prix Geneviève-Amyot pour sa suite poétique « tes choses sauvages » , Kristina Gauthier-Landry, native de Natashquan (Québec), publie en 2020 Et arrivées au bout nous prendrons racine aux éditions de la Peuplade. Un premier recueil de poésie où paix, nostalgie et lumière imprègnent inévitablement l'âme.
Avec sa poésie, l'autrice originaire de la Côte-Nord délie un flux soigneusement mesuré et maîtrisé de mélancolie, de fatalisme parfois, et de tout ce que le passé a encore à offrir si l'on ose se souvenir un peu. Tout se rattache aux fondements d'un territoire lointain que l'esprit garde intact, « mais où est la maison / j'étais pourtant certaine de l'avoir laissée là » , « des villages construits sur tout ce dont on ne parle pas » . Ainsi, souvenirs d'enfance se mêlent à une nature à la fois luxuriante et instable, où la pêche s'accorde au plaisir gustatif d'un fruit décroché « sur le territoire qui force la patience / on récolte les baies tout bas / jamais la bouche pleine / à genoux sous le ciel / le temps est lisse / jusqu'à ne plus savoir dire / que le goût de la confiture« . Kristina Gauthier-Landry élabore des listes, celle de tous les bonheurs disponibles à celle de ces choses qui lui échappent inopinément : la mort, l'ancrage émotionnel ou encore les addictions.
Scindé en plusieurs parties, le recueil se transforme lui-même en long trajet de retour au territoire natal, chez soi et à soi où l'onirisme prend parfois place, vestige vaillant de toutes les espérances : « retourner au début / rebrousser les entrailles / pour qu'un jour bien droites / telles des épinettes nous puissions dire / c'est ici que nous sommes nées » . Il offre la vue kaléidoscopique d'un quotidien révolu, chéri et tenu en vase clos loin de tout, là où même les routes n'allaient pas fut un temps.
L'écrivaine y fait simplement jaillir ce qu'il y a de plus grandiose et pudique dans l'acte de souvenir et dans cette quête identitaire où tout semble être d'une beauté sublimée et signifiante. le lecteur, s'il est épris des mots de la poétesse québécoise comme je l'ai été, n'aura de cesse d'ouvrir ce recueil pour se rappeler que lui aussi vient bel et bien de quelque part. Faut-il encore s'en souvenir !
Bienfaisant, chaleureux, qu’il est bon de lire et relire ce kaléidoscope poétique, tremblant d’authenticité.
« Et arrivées au bout nous prendrons racine » linge frais claquant au vent, farandole de douceur, tour de manège dans le vrai monde. Main en offrande, recueillir les fragments de Kristina Gauthier-Landry. Et attendre subrepticement le frôlement de la vie craie de mille couleurs.
Lucioles, aurore-boréale, marelle entre ciel et terre, la beauté douce, l’empathie au monde stupéfiante.
Quatre parties, tartine au miel, écharpe autour du cou, phare au bout de la nuit, volet ouvert au jour qui s’annonce subrepticement.
«Je te cherche comme le fleuve »
« Toutes les maisons boudent
tournent le dos
à la mer. »
« Le goût de la confiture »
« Aimer le mot
anorak
comme son propre frère. »
« Rouge sur blanc »
« L’écho de ma chute
n’existe pas
c’est mieux pour entendre rire
refuser la tristesse en bloc
lego
sous le pied. »
«La constance des heures »
« Bientôt la marée » monte
entre nous
le rêve impossible
de rentrer à pied. »
« Et arrivées au bout nous prendrons racine »
« Nous venons à pas de pluie dans les feuilles
qui sentent le monde
fertiles
cueillir l’air mouillé
du pays vert
puis émerge l’évidence
nous sommes venues de la mer. »
L’Ère des petits riens, l’élégance du mot, toit du monde. Ricochets en nos mémoires, retenir ces dentelles poétiques, chapelles épiphanies, murmures à voix basse.
Lire cet écrin tout haut face à la mer. S’étonner des échos cascades, vagues et chants.
« Toutes les beautés nous hurlent torrentielles. »
Perpétuel, l’existentialisme au garde-à-vous, magistral. Publié par les majeures Éditions La Peuplade Poésie.
retourner au début
rebrousser les entrailles
pour qu’un jour bien droites
telles des épinettes nous puissions dire
c’est ici que nous sommes nées
Un recueil tout en douceur et nostalgie qui nous entraîne dans un village au Nord, dans le Natashquan.
Les grands espaces se mélangent aux moments intimes, aux petits riens de la vie.
Une poésie qui parle de racines avec peu de mots mais beaucoup d’intelligence et de chaleur.
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