"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Le développement de la culture de masse a entraîné l'érosion des formes autonomes de culture populaire et la dissolution des liens sociaux au profit d'un monde artificiel d'individus isolés, fondement de la société de consommation.
Le capitalisme ne peut donc être réduit à un système d'exploitation économique, il représente un "fait social total".II ne tient que sur l'intériorisation d'un imaginaire et grâce au développement d'une culture du divertissement permanent. Cette uniformisation des comportements et des aspirations se présente comme l'affranchissement de toutes les contraintes (sociales, spatiales, temporelles, etc.).
Survalorisée et triomphante, la culture de masse (séries américaines, nouvelles technologies, football, jeux vidéos, etc.) trouve des défenseurs même chez les intellectuels dits contestataires. Il est donc urgent et nécessaire de mener une critique intransigeante du mode de vie capitaliste et de démontrer comment notre civilisation du loisir participe de la domestication des peuples.
Déjà, à l’époque romaine, le pouvoir avait compris qu’il fallait offrir au peuple du pain et des jeux (panem et circenses) pour bien le tenir sous le joug. Rien n’a vraiment changé depuis ces temps lointains. Ventre plein et vautré dans son canapé devant son téléviseur l’homme moderne reçoit chaque jour sa dose de divertissement. Il subit son effet hypnotique et anesthésiant et par la même occasion un pur et simple lavage de cerveau. Il entre dans un état second dans lequel il est possible de le manipuler quasiment à son insu. Les narratifs les plus improbables deviennent plausibles et parfaitement acceptables. Tout ce qui a été « vu à la télé » devient vrai et même plus réel que le réel !… Des premiers encarts publicitaires vendus par Emile de Girardin en 1836 dans son quotidien « La Presse », des premières réclames (« Dubon, Dubonnet… ») à la radio d’avant-guerre, on est passé au bombardement publicitaire, aux tunnels de pubs interminables et même aux interruptions à l’américaine de films, séries ou émissions. On n’en est maintenant parvenu à ne produire de contenu « culturel » que pour « laisser du temps de cerveau disponible pour Coca-Cola » (dixit Lelay, PDG de TF1), Nestlé, MacDo, et autres. Mais sait-on que ce n’est qu’en 1968 que Pompidou autorisa la diffusion du premier spot sur la chaine publique ?
« Divertir pour dominer » est un essai de sociologie politique composé d’une compilation d’articles parus dans la revue trimestrielle « Offensive » qui se présente comme libertaire et sociale. L’étude de ces « divertissements » qui permettent aux classes supérieures de « dominer » les inférieures est répartie en quatre grands chapitres, la télévision, la publicité, le sport de compétition (à ne pas confondre avec l’exercice physique genre randonnée pédestre, footing ou yoga, sans enjeux monétaires) et le tourisme de masse (à ne pas confondre avec le voyage ou l’exploration). « Convertir l’or de l’itinérance en plomb touristique », lit-on. Tous ces articles et ces interviews d’auteurs ayant travaillé sur le sujet sont plus ou moins pertinents, plus ou moins intéressants. C’est toujours un peu le cas dans les recueils collectifs. Si les analyses sont fondées et peu discutables (notre monde ne va pas bien et l’individu frustré et aliéné à une tendance naturelle à se divertir pour oublier un temps sa condition, les propositions alternatives concrètes (surtout présentées dans le dernier très court chapitre) ne sont guère convaincantes. S’il est certain qu’il semble indispensable de développer une contre-culture pour battre en brèche ce « divertissement » illusoire et mortifère, les moyens pour y parvenir (bourses du travail, universités populaires) ne sont guère évidents. On ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif. Petite critique sur la forme : le plaisir de la lecture est fortement amoindri par l’utilisation de la nouvelle très laide et très idiote orthographe inclusive.
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