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Clarté sans repos, publié en langue originale en 2004 sous le titre Arden las pérdidas, est l'aboutissement d'une expérience poétique et existentielle inaugurée dans l'oeuvre d'Antonio Gamoneda avec Description du mensonge (1975-1976), approfondie avec Pierres gravées (1977-1986), puis Livre du froid (1986-1991) - auquel est venu s'adjoindre, en 1998, Froid de limites.
Hors de tout mensonge consolateur, cette poésie ne cesse d'affirmer avec violence et désespoir, colère et résignation que le seul réel est la disparition : " Tu vas vers l'invisible / et tu sais que ce qui n existe pas est réel ". Non seulement, d'ailleurs, elle l'affirme mais - et c'est en quoi elle est poésie - elle le fait éprouver au lecteur avec une puissance physique de suggestion qui tient autant à la densité de la langue qu'à la force des images.
Il suffit de feuilleter Clarté sans repos pour percevoir cette scansion obstinée où s'opère tout un travail d'anamnèse que décline en quatre sections le récit éclaté du passé et de ses sensations les plus intenses inscrites dans une mémoire corporelle pleine de fulgurances et de disparitions. Vieillir, c'est se dédoubler, c'est devenir cet autre qu'on finit par ne plus reconnaître. De ce point de vue, il n'y a pas de différence avec l'expérience de dépossession qui fonde l'acte d'écrire et qui consiste aussi à disparaître pour que puisse apparaître cet étranger en soi qui profère ses paroles incompréhensibles.
La dernière section " Clarté sans repos ", est traversée par cette interrogation obstinée. Qui est cet " animal étrange ", cet " inconnu caché dans ma mémoire " qui parle en moi, " qui veille en moi quand je dors " ? Serait-il cette part d'enfance qui ne veut pas mourir, ou cette voix de l'extinction où tout viendrait se consumer ? Ou les deux à la fois ? La réponse n'est pas dans une formulation explicite, mais dans une double image obsédante : celle du feu et de la lumière où les contraires s'annulent, où la fin redevient commencement, où la vieillesse rejoint l'enfance.
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