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Poésie, musique, arts plastiques, performance, cinéma, intermedia, numérique (Alberto Sorbelli, Philippe Boisnard, ORLAN ; deux entretiens inédits, avec William Burroughs, Ralf Rumney et Brion Gysin de 1962, et avec Éliane Radigue ; Liliane Lijn, Augusto et Haroldo de Campos, le « Télescope Intérieur » en apesanteur dans l'ISS d'Eduardo Kac, Raoul Vaneigem sur Angéline Neveu...) : le quatrième opus de la la revue artistique et littéraire de Jacques Donguy, Sarah Cassenti et Jean-François Bory rassemble quatre ans de travail sur 576 pages, des avant-gardes historiques à nos jours.
La revue Celebrity Cafe n° 4, après le n° 3 consacré au dernier recueil d'Augusto de Campos Outro, est exemplaire de l'époque où nous vivons, notamment avec le Covid 19. Intervention/autoportrait de l'artiste Chantalpetit confinée, captures d'écran d'un zoom (EGON-A) avec des artistes de la performance confinés, mais aussi les réseaux sociaux : captures d'écran de pages facebook avec Alberto Sorbelli, réflexions sur le langage twitter avec Philippe Boisnard dans une émission Tracks sur Arte, avec là aussi des captures d'écran. Si la « NRF » a pu, dans les années 1930, être une revue de référence sur l'époque, ou « Tel Quel » dans les années 1960 avec le structuralisme, Celebrity Cafe l'est pour les années 2020, elle marque son époque. Par exemple « Me too » à travers le corps vu et revendiqué par des femmes artistes avec Sarah Cassenti et Hélène Defilippi dans ce « V » comme Vagin, dans la lignée de la futuriste Valentine de Saint-Point, évoquée elle aussi dans la revue, ou ce masque d'ORLAN, distribué en 2017 à l'entrée du night club Salò, trois ans avant que le masque ne devienne un objet symbolique de notre époque.
Problème donc du langage au XXIème siècle, abordé historiquement à travers un entretien inédit (donc exceptionnel) avec William Burroughs, Ralf Rumney et Brion Gysin de 1962, où il est question de fold-in et de mécanisation de la langue et de la pratique littéraire, avec, en prime, un inédit de « Novia Express » (« Nova Express » en 1964). Mécanisation de la langue que l'on retrouve avec Liliane Lijn et ses « Machine Poems », poèmes cônes et poèmes tambours en rotation. Mécanisation et virtualisation de la langue aussi avec un dossier sur le numérique dont un entretien inédit avec Jasia Reichardt, l'organisatrice de la mythique exposition « Cybernetic Serendipity » avec les premiers exemples de computer poetry, ou les pratiques d'un Jacques Donguy ou d'un Philippe Boisnard à l'ordinateur, très belles photos de lecture performance de Bernard Bousquet du Générateur à l'appui.
Revue évidemment internationale avec un très beau poème, à portée universelle, du brésilien Augusto de Campos, « Coraçao/Cabeça », « CoeurTête », où comment la tête mange le coeur, ou cet entretien inédit avec Haroldo de Campos sur la page de « Galáxias » mise en musique par Caetano Veloso, ou encore ce dossier sur Paulo Bruscky (Recife), auteur de poèmes dans la rue ou sur la mer, ou Costis (Grèce) avec la foudre écriture. La revue s'intéresse aussi au cinéma, avec le découpage de « Silencio », « silent movie » de F.-J. Ossang, poète et rocker, et un dossier sur un film inédit d'Étienne O'Leary, le représentant, avec Pierre Clémenti, du cinéma psychédélique en France.
Musique aussi : entretien inédit avec Éliane Radigue, la pionnière en France de la musique minimale avec l'utilisation de la première génération de synthétiseurs à New York.
D'autres noms pourraient être cités, Jean-François Bory pour un nouveau texte sur l'écriture, les lettres et le désir frustré d'écriture, Eduardo Kac pour son poème « Télescope Intérieur » en apesanteur dans l'ISS, avec là aussi des photos superbes, Abraham Palatnik, pionnier du cinétisme.
La revue a aussi un aspect politique avec l'intervention d'Augusto de Campos lors de la remise de l'Ordre du Mérite Culturel au Planalto par Dilma Rousseff, présidente du Brésil, intervention au micro contre le coup d'état « civil » au Brésil qui allait provoquer la destitution de la présidente (captures d'écran du film de l'événement), et aussi un texte de Raoul Vaneigem, le situationniste, sur l'autobiographie d'Angéline Neveu, la seule femme des 11 Enragés de Nanterre.
Il faudrait aussi insister sur la très belle maquette de Sarah Cassenti, la maquettiste de la revue depuis le numéro 1. Mais le propos constant de la revue est la question du langage au XXIème siècle, depuis la sortie du tout typographie dominant au XIXème siècle, technologie porteuse d'une sacralisation du texte imprimé, donc du texte figé, de la pensée figée, idéologique, donc, au final, réductrice au mot d'ordre totalitaire. De ce basculement, toute une génération d'écrivains devient le témoin.
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