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Ce livre est une surprise comme je les aime et comme les Masses Critiques de Babelio seules peuvent en réserver. Puisque « Ce matin la mer est calme », on est tenté d’oublier qu’il s’agit du « journal d’un marin-sauveteur en Méditerranée », et l’on s’embarque presque le nez au vent, prêt à savourer l’instant et à profiter du dépaysement. Le rappel à l’ordre est immédiat, mais sans brutalité : il ne sera pas question de tourisme entre ces pages, et, si les premiers quais parcourus sont ceux d’une gare, non d’un port, l’humanitaire est là, dès le premier départ. Ou devrais-je dire « l’Humain » ?
Car c’est vers cela que nous fait tendre cet homme si jeune, même pas trente ans, dont les souvenirs de vieux sage semblent, en toute simplicité, sans leçon assénée, sans rodomontades, nous inviter à devenir les passagers clandestins de ses voyages en Humanité. De lui, le narrateur ne parle finalement que très peu, et l’on ne sait pas vraiment ce qui, dans sa jeune vie, l’a poussé, amené, enjoint à vivre en oiseau sur la branche, faisant son nid en groupe dans des maisons délaissées par d’autres, accueillant pour une nuit, pour une semaine, ceux qui, au loin, ont dû laisser la leur, prêt à tous les envols, d’un jour à l’autre, pour aller tendre par-dessus la mer une main qui semble même ignorer combien elle est secourable.
Adresser la parole à un homme épuisé, visiblement loin de chez lui, lui ouvrir sa porte, s’engager dans des actions concrètes auprès d’associations, apprendre le maniement d’un canot à moteur, sauter dans un avion à l’appel d’une mission, prendre la mer dans la nuit noire, étrangère, hostile, affronter la violence, la peur, la mort pour tenter de sauver des vies, tout cela semble si naturel à ce jeune homme que l’on en vient à se demander pourquoi ils sont si peu nombreux à accomplir ces gestes salutaires. Pourquoi, surtout, nous n’en sommes pas.
Antonin Richard a su trouver les mots justes pour témoigner d’une situation qui continue à venir s’échouer par vagues sur notre actualité, sans que nous en prenions réellement la pleine mesure. Il ne nous oblige à rien, il nous offre simplement ses yeux pour voir, ses mots pour dire, et la simplicité de son témoignage en fait toute la force.
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