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Cahiers d'histoire n 143 migrations & nation - le cas italien - juillet/aout/ septembre 2019

Couverture du livre « Cahiers d'histoire n 143 migrations & nation - le cas italien - juillet/aout/ septembre 2019 » de  aux éditions Paul Langevin
Résumé:

Revenir sur les migrations, encore et toujours. Travail crucial en temps d'instrumentalisation criminelle des craintes suscitées par ces « autres » qui arrivent. Temps où, en Italie, ce mois de septembre 2019, les défenseurs de Matteo Salvini se mobilisent contre un nouveau gouvernement qui... Voir plus

Revenir sur les migrations, encore et toujours. Travail crucial en temps d'instrumentalisation criminelle des craintes suscitées par ces « autres » qui arrivent. Temps où, en Italie, ce mois de septembre 2019, les défenseurs de Matteo Salvini se mobilisent contre un nouveau gouvernement qui acceptera « l'invasion » et préparent une « grande journée de la fierté italienne » le 19 octobre. Temps des incessants bégaiements du même, temps des oublis aussi. Oublis des constants déplacements des humains à la surface du globe, des micro-déplacements de villages à villages aux longues migrations transatlantiques. Oublis des conditions de construction des cadres nationaux et des rejeux des formes des appartenances et des identités. Les travaux des sociologues, des géographes, des historiens ont beau se multiplier depuis plusieurs décennies, le développement des savoirs vient buter sur un contexte de luttes économiques tues sur un socle de passions identitaires, qui conduit à faire à nouveau du rejet des immigrants un moteur des politiques de nombreux États, en Europe et au-delà. Cela est connu, trop connu. La Méditerranée, grand cimetière africain, le plus grand cimetière de migrants au monde, 30 000 morts depuis 1990 selon l'ONG United against racism, nous nous devons de tristement répéter ces réalités monstrueuses en ouvrant ce numéro des Cahiers d'histoire qui nous parle d'Italie, de cette « botte » immergée en Méditerranée1. Nous devons le répéter en cette année qui célèbre la gloire d'un grand migrant de la Péninsule, savant, peintre, dont l'humanité tout entière s'approprie aujourd'hui les oeuvres, devenues « patrimoine » pour l'humanité. Né à Vinci, en Toscane, mort à Amboise, dans le royaume de France en 1519, Léonard nous ramène à un temps où l'Italie n'était pas une et où le grand savant pouvait vendre son talent d'inventeur aux princes qui y menaient avec constance des guerres pour l'hégémonie sur de micro territoires. Pascal Brioist a rappelé cela, qui déconstruit à sa façon les mythologies nationalistes2. Les Cahiers d'histoire se sont donc saisis du choix des « Rendez-vous d'histoire » de Blois de faire penser à propos de l'« Italie » pour construire ce dossier. L'Italie, beau cas d'école que ce petit espace intensément divisé par la dense présence humaine, par une exceptionnelle ouverture maritime, si propice à l'étude de la réalité des migrations et de la diversité de leurs visées comme de leurs formes. Les historiens de l'Italie mais aussi des migrations, Mathieu Grenet et Stéphane Mourlane, ont fait le choix de décentrer nos regards par rapport au drame contemporain comme aux flux spectaculaires bien connus de l'émigration italienne des 19e et 20e siècles pour évoquer les circulations internes à la Botte et interroger le rôle de ces déplacements de femmes et d'hommes dans la construction d'une nation unifiable, de fait politiquement unifiée depuis la fin du 19e siècle3. Les contributions rassemblées dans ce dossier des Cahiers d'histoire étudient ces faits migratoires sur un temps long allant du Moyen Âge au 20e siècle. Elles rappellent donc de façon salutaire la diversité des configurations sociales des migrations. La migration n'est pas le plus souvent un passage de frontière, elle n'est pas non plus toujours définitive. Elle est souvent saisonnière, associée à une recherche de travail qui conduit à partir avec le projet de revenir et l'organisation de retours. Elle s'accompagne de multiples allers-retours, visant à entretenir des liens que la migration met à mal, notamment entre parents et enfants, comme l'évoque ici en particulier Anna Badino à propos du grand mouvement migratoire du sud vers le nord de l'après Seconde Guerre mondiale. Mais les migrations ont souvent été plus courtes : Eleonora Canepari évoque une circulation permanente entre les campagnes et la ville de Rome à l'époque moderne, reprenant les mots évocateurs de l'un de ces migrants : « Je vais et viens de Rome selon les occasions ». Toutes les contributions disent la complexité des faits migratoires, entre circulations traditionnelles transfrontalières et refus de la conscription napoléonienne dans les populations rurales des Apennins étudiés par Francesco Saggiorato, situations socialement contrastées des migrants ruraux vers la Florence médiévale évoquée par Cédric Quertier, croisements de multiples mouvements dans le temps, dans l'espace, au gré des opportunités politiques comme économiques, des contraintes étatiques, religieuses, tels qu'évoqués par Matteo Sanfilippo dans le moyen terme des 18e et 19e siècles. Ces études rappellent que les migrations sont de toutes les sociétés et de tous les temps, mais aussi que ce sont les interdictions de circuler qui les transforment en exils quasi définitifs, amplifiant à la fois leur dimension de déracinement et la marginalisation des migrant-es dans les sociétés d'arrivée.

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