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On a coutume de considérer la peur comme un affect négatif, comme une passion triste pour parler comme Spinoza. Et de fait, elle paralyse et entrave l'action, elle témoigne d'une faiblesse insurmontable qui contredit les conceptions héroïques du sujet.
Dans Totalité et Infini, Lévinas la qualifie pourtant de « sentiment par excellence », semblant indiquer une certaine positivité de la peur.
« Avoir conscience, c'est être en rapport avec ce qui est, mais comme si le présent de ce qui est n'était pas encore entièrement accompli, et constituait seulement l'avenir d'un être recueilli. Avoir conscience, c'est précisément avoir du temps. Non pas déborder le temps présent dans le projet qui anticipe l'avenir, mais avoir à l'égard du présent lui-même une distance, se rapporter à l'élément où l'on est installé comme à ce qui n'est pas encore là. Toute la liberté de l'habitation tient au temps qui reste toujours à l'habitant. L'incommensurable, c'est-àdire l'incompréhensible format du milieu, laisse du temps. La distance à l'égard de l'élément auquel le moi est livré, ne le menace dans sa demeure que dans l'avenir. Le présent n'est pour le moment que la conscience du danger, la peur, sentiment par excellence.
» (Emmanuel Lévinas, Totalité et Infini).
Comment entendre cette positivité de la peur ?
Comment accorder à cet affect fondamental une place qui ne soit pas seulement celle d'un épouvantail ? Telles sont les questions sur lesquelles nous avons voulu nous plonger dans cette dix-septième livraison des Cahiers d' études lévinassiennes.
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