Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
Alors qu'elle lit dans la chaleur d'un parc new-yorkais, Alice est abordée par un homme qui pourrait être son grand-père. Il s'agit d'Ezra Blazer, un écrivain célèbre et respecté, que la jeune femme, qui travaille dans le milieu de l'édition, reconnaît aussitôt. C'est le début d'une relation charnelle et intellectuelle, rafraîchissante pour lui, déterminante pour elle. La suite du roman, sans lien apparent avec cette liaison inattendue, se déroule du côté de Londres. Amar Jaafari est retenu à l'aéroport alors qu'il tente de rejoindre sa famille en Irak. Le pays a été envahi par les États-Unis pendant qu'Alice et Ezra jouaient au Scrabble ou regardaient un match de baseball. Entre deux interrogatoires, les souvenirs d'Amar affluent. Des souvenirs d'enfance ;
D'autres, plus récents, dans lesquels le conflit iraquien se fait de plus en plus menaçant. Qu'estce qui relie ces deux récits, qui ne semblent pourtant pas devoir se croiser ? Protagoniste du premier, Alice pourrait bien être l'auteure du second. L'interview musicale et piquante d'Ezra Blazer, qui vient clôturer le roman, fournit la clé de ce puzzle littéraire bouleversant.
Lu dans le cadre du prix des libraires Folio-Télérama 2021.
Alice rencontre Ezra Blazer, un écrivain célèbre qui pourrait être son grand-père et n'est pas insensible à son charme et/ou sa notoriété ! L'auteure a eu une relation de cette nature avec l'écrivain Philip Roth et nous décrit cette aventure mêlant une sexualité soft, une amitié solide et bienveillante entre une jeunesse et une vieillesse intellectuellement harmonieuse paraissant satisfaire les deux partis. Une connivence pour les matchs de base-ball les unit et inflige au lecteur non initié des pages indigestes. Sans lien apparent, si ce n'est la période historique de l'intervention des Etats-Unis en Irak, une seconde histoire nous permet d'accompagner Amar Jaafari dans ses déboires avec les britanniques qui le bloquent à Londres alors qu'il veut rejoindre son frère en Irak. « L'asymétrie » est vraiment totale et on peut légitimement s'interroger sur la juxtaposition de ces deux histoires sans point commun dans un même ouvrage!
Pourquoi écrit-on ? Peut-on se fier à sa mémoire ? Comment écrire sur ce que l’on n’a pas vécu ? Comment se glisser dans la peau d’un personnage ? Si on s’interroge sur la création en général et sur l’écriture de fiction en particulier, on ne peut qu’aimer ce roman !
Dans la première partie d’Asymétrie, « Folie », qui se déroule aux États-Unis au début des années 2000, on nous raconte l’aventure amoureuse, sexuelle et intellectuelle entre une jeune femme de 25 ans travaillant dans une maison d’édition, Alice, et un écrivain célébrissime dans la soixantaine, rattrapé par les défaillances du corps : Ezra Blazer. Le narrateur ne nous donne habituellement pas accès aux sentiments des personnages, et c’est au lecteur de deviner pourquoi Alice pleure, par exemple, et pourquoi Ezra, après une relation de plusieurs années, continue de l’appeler avec un numéro masqué. On décode rapidement la clé à laquelle la quatrième de couverture fait allusion : Philip Roth se cache derrière Ezra Blazer. Les allusions au prix Nobel espéré et jamais reçu mettent sur la voie : il est question des lauréats Coetzee (2003) et Jelinek (2004), et on sait que le nom de Roth était toujours cité comme récipiendaire probable ces années-là. Ce clin-d’œil est relayé par les histoires juives que raconte volontiers l’écrivain Ezra Blaze et par sa passion du base-ball, divers éléments présents dans la plupart des livres de Roth (La Tache, entre autres).
La deuxième partie, « Furie », se passe entièrement au contrôle des passeports à l’aéroport d’Heathrow en 2008. Amar Ala Jaafari, un binational irakien-américain, tente de débarquer à Londres pour passer le weekend avec un ami. Il se rendra ensuite à İstanbul d’où il partira en voiture afin de rejoindre l’Irak pour rechercher son frère, Sami, qui a disparu. La famille est séparée : disons pour simplifier qu’Amar et ses parents vivent aux États-Unis, et que Sami, sa femme et les grands-parents vivent en Irak. Les deux pays sont encore en pleine guerre ; les voyages, voire les simples contacts sont particulièrement compliqués. Les chapitres alternent d’abord régulièrement : un interrogatoire par un employé du contrôle des passeports, puis les souvenirs qu’Amal raconte à la première personne, en livrant ses sentiments profonds et en réfléchissant sur la vie – la sienne et celle des autres – la mémoire, la création, la littérature, la musique, etc. Le rythme change au fil des interminables attentes imposées à Amal, et les chapitres « souvenirs » prennent le pas sur les « interrogatoires », emmenant le lecteur sur les traces d’Amal et de sa famille pris dans une guerre injuste, épouvantablement meurtrière et interminable…
On ne comprend pas tout de suite les rapports de cette partie avec la précédente… On est bien sûr frappé par les différences, qui explicitent le titre du roman ; les asymétries abondent au sein de chaque histoire et entre les deux première parties : une jeune femme, un homme déjà âgé ; une débutante, un auteur confirmé ; l’Occident, le Moyen-Orient ; la paix, la guerre ; Amal l’Américain et Sami son frère irakien etc. Le premier narrateur regarde vivre ses personnages ; le deuxième, partie prenante, raconte en utilisant le « je ». Ces déséquilibres construisent le livre !
La cohérence n’apparaît qu’au fil de la lecture : on trouve dans l’histoire d’Amal comme des échos de celle d’Alice et d’Ezra. Amal a lu plusieurs des livres qu’Ezra conseille à Alice ou qu’il lui offre : il les cite ou se les remémore. Amal, Alice et Ezra écoutent les mêmes chanteurs, les mêmes compositeurs. Les allusions à Lewis Carroll renvoient au prénom de la jeune femme, mais permettent aussi de mettre en valeur la multiplicité du monde. Ainsi, quand Amal croise son reflet dans un miroir : « Comme tous les miroirs, il échouait à rendre compte des mondes à l’intérieur d’autres mondes que renferme une seule conscience, car l’apparence humaine est une chose trop statique, trop terne pour révéler le mouvement incessant du kaléidoscope qu’il recèle.» Et c’est bien de cela dont il est question : rendre compte des mondes.
On le comprend dans la troisième partie intitulée « Ezra Blazer dans Desert Island Discs ». On sait qu’Amal écoute souvent cette émission de la BBC : la présentatrice y interroge une personnalité pour savoir quels disques cette dernière emporterait sur une île déserte. Dans la transcription de l’interview d’Ezra, pleine d’humour, comme d’ailleurs le reste du livre, on trouvera les clés nécessaires pour faire les liens entre les différentes parties du roman. Il n’est bien sûr pas question d’en dire plus ici.
Les débuts dans la vie professionnelle de Lisa Halliday ressemblent beaucoup à celle d’Alice, et ses liens avec Philip Roth sont de notoriété publique. Asymétrie est son premier roman. J’espère qu’elle en écrira beaucoup d’autres !
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