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Le 21 février 2024 Missak Manouchian entre au Panthéon, avec son épouse, Mélinée. L'histoire des Arméniens mérite d'être connue et reconnue. Missak, le militant, le résistant est une figure digne d'être honorée. Mais je suis saisie par un double sentiment, celui d'une injustice à l'égard des 21 autres résistants étrangers fusillés en même temps que lui par les nazis et d'Olga Bancic guillotinée ; celui d'un malaise devant un récit historique qui distord les faits pour construire une légende. Or, à l'époque des « vérités alternatives », si on souhaite donne une leçon d'histoire, la moindre des précautions est de l'établir.
Anatomie de l’Affiche Rouge permet à l’historienne Annette Wierviorka d’analyser l’Affiche Rouge et la propagande nazie. Elle explicite, aussi, son choix de signer la lettre ouverte publiée dans Le Monde. (24 novembre 2023).
L’article dénonçait le fait que Mélina et Missak Manouchian entraient, seuls, au Panthéon. Alors qu’ils étaient vingt et un autres à être fusillés le même jour, le 21 février 1944, au Mont-Valérien. En plus, la seule femme du groupe, Olga Bancic, condamnée à mort, fut, elle, guillotinée le 10 mai en Allemagne.
Cette tribune dans le journal fut signée par des anciens résistants étrangers, membres des FTP-MOI (Francs-tireurs et partisans – main-d’œuvre immigrée), et des intellectuels. Je suis effarée que dans les différents reportages ou articles, ces jours-ci, MOI soit gommé.
Ils sont venus nombreux entre les deux guerres, fuyant souvent l’arbitraire de leur pays. Ces hommes et ces femmes se sont engagés pour la libération de la France. Ils représentent toute la diversité française. Et, encore, on « oublie » de les panthéoniser ! Comme les harkis ! Comme les tirailleurs sénégalais !
Légende ou histoire
Annette Wieviorka a écrit l’essai, Ils étaient juifs, résistants, communistes, paru en 1986 et réédité depuis, qui fait autorité. Historienne spécialiste de la Shoah et de l’histoire des juifs au XXè siècle, elle a reçu de nombreux prix, distinguant son travail de précision et de rigueur.
Dans Anatomie de l’Affiche Rouge, Annette Wieviorka raconte aussi la véritable histoire de cette affiche, complétée par un tract et un fascicule, qui étaient distribués largement. En détaillant la propagande nazie, l’expression « armée du crime » est explicitée. Elle explique aussi la fabrication du « mythe » Manouchian.
L’objectif de la propagande est de pousser à la vindicte populaire, les dix personnes dont les portraits, sombres, sont exposés. Les nazis falsifient leur histoire et même l’inventent. Qu’importe la véracité, la propagande nazie prône le mensonge pour retourner l’opinion. Alors, utiliser cette affiche comme une illustration de leur combat est, pour moi, une nouvelle violence infligée à leurs dépouilles !
Annette Wieviorka précise comment la chanson de Léo Ferré, en reprenant le poème d’Aragon, strophes pour se souvenir, a sorti de l’oubli le sacrifice de ses hommes. Et, on ne peut oublier l’interprétation d’Arthur Teboul qui l’a modernisée. Seulement, c’est la légende construite par le poète que l’on retient et non, la véritable histoire.
Bref, un tout petit essai à mettre entre toutes les mains pour retrouver la véritable histoire de ces hommes et non le roman national qu’on veut qu’on retienne !
Suite illustrée ici
https://vagabondageautourdesoi.com/2024/02/20/anatomie-de-laffiche-rouge/
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